« 1955 ! . Caporal Boot Jack ! ». « Mort pour la France ! » murmure la foule présente. « Chasseur Borrelaz Armand ! ». « Mort pour la France ! » reprend la foule. « 1956 !. Chasseur Raffanel André Louis ! ». « Mort pour la France ! »
Cette mélopée du martyrologe des anciens du 7e BCA, morts en Grande Kabylie, va durer de longues minutes.
Les 63 noms vont être égrenés d’une voix claire et assurée par Pierre Colliard, Président de la section Tarentaise de l’amicale du 7e B.C.A..
Répondra à chaque appel, le ressac des gorges nouées murmurant « mort pour la France ! ». Car les familles, les anciens camarades de ces jeunes fauchés en pleine jeunesse sont là, graves et silencieux, regroupés devant le bâtiment de la 3e compagnie ; celle-ci est présente, figée au garde-à-vous. Chacun se souvient, qui d’un frère, qui d’un camarade, qui d’un chef de section ……
Démontrant que là où il y a une volonté, il y a un chemin, le général André qui préside avec cœur et talent, aux destinées de l’amicale du 7e BCA depuis 5 ans, avait voulu et organisé cette cérémonie qu’il anime malgré la maladie. Par sa présence, il donne à l’assistance une leçon de courage et d’énergie qui force l’admiration.
Cette litanie des héros originaires des deux côtés de la Méditerranée qui ont versé leur sang pour la France, est le dernier temps fort de cette longue cérémonie. Elle avait commencé deux heures plus tôt, par une messe recueillie concélébrée par le père Henri Pillot, ancien commandant adjoint du 7e BCA, et le père Pierre Mongellaz, curé dans la vallée de Chamonix, ancien sous-officier du 7 à Tickichourt. Avait suivi une prise d’armes impeccable au cours de laquelle le colonel Dominique Besse, chef de Corps du 7e BCA remit décorations et lettres de félicitations et un défilé dominé par les voix mâles et cadencées de chacune des compagnies. La Princesse Hélène de France, la marraine du Bataillon, dont le frère figure sur la liste du Mémorial, donnait à cette cérémonie militaire un caractère familiale et intime.
Après ce défilé la 3e Compagnie se regroupera devant son bâtiment baptisé dorénavant « Grande Kabylie » lors d’une allocution prononcée par le Colonel Dominique Besse. Celui-ci rappela : « au-delà des combats et des sacrifices consentis, le 7e BCA scolarisa 2 500 enfants grâce aux 40 instituteurs militaires et animera de nombreux foyers et groupes sportifs de jeunes Algériens. La page héroïque est tournée, mais le souvenir fervent ne s’effacera pas », avant de dévoiler le magnifique panneau en bois, œuvre de Pierre Marot de Bourg St Maurice et la plaque du Mémorial, œuvre de James Perquin, marbrier à Albertville.
L’entrée du bâtiment de la 3e compagnie, dont faisait alors partie la S.E.M., est dorénavant dépositaire de la plaque du souvenir. Les noms gravés rappelleront le sacrifice de ceux qui sont morts pour la France en Algérie, victimes des contradictions d’une cause à défendre qui les dépassait.
En ce fond de vallée verdoyante chauffée par le soleil de midi, certains anciens de Grande Kabylie présents entendront encore longtemps l’écho de la voix de Michel Morschoisne, Président des anciens Combattants de Bourg St Maurice se répercuter sur le Ras Timedouine et la cuvette de Taourirt où s’endormirent leurs camarades.
En fin de messe, sa lecture du « dormeur du val » d’Arthur Rimbaud, ajoutait encore une résonance émouvante à cette journée de la mémoire où le passé se confondait avec le présent pour rester à jamais gravée dans nos cœurs :
« C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit »
Claude GRANDJACQUES.
Extrait de l’homélie prononcée par le Père Pillot pendant la messe. « ….On peut s’étonner que deux personnages aussi dissemblables (St Pierre et St Paul dont c’était la fête le 29 juin) soient fêtés ensemble. Ils ont cependant au moins un point commun : tous les deux sont morts martyr (= témoins) à Rome, après s’être donné totalement au Christ et à son Eglise. C’est la raison pour laquelle, très tôt, ils ont été associés dans une même vénération et ont été fêtés ensemble, cela est attesté dès le 3° siècle. Tous les deux ont donné leur vie au service d’une cause qui les dépassait.
Ceux dont nous commémorons le souvenir aujourd’hui, n’ont pas fait autre chose. Tous étaient très différents, tant par leurs aspirations que par leurs origines mais, tous à des degrés divers se sont battus pour leur pays, pour que ce pays demeure et vive. Certains se sont donnés par vocation, j’en témoigne au moins pour l’un d’eux qui a été mon camarade de ‘’Corniche’’ puis camarade de promotion à Saint Cyr : le lieutenant FOURNIER, d’autres sont morts par devoir parce que appelés ou rappelés. Tous ont cru en ce qu’ils faisaient et en connaissaient les risques. Tous ont droit à notre respect et méritent que nous honorions leur mémoire. ….. »
Général Henri Pillot Prêtre du Diocèse de Lyon
Pour avoir des renseignements complémentaires, consulter le site de GenWeb http://www.memorial-genweb.org/~mem...