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La Tourmente 1930-1964. La France en Afrique du Nord. (Aperçu du contenu)

mardi 7 décembre 2010, par Claude GRANDJACQUES

Un livre de référence à avoir dans les bibliothèques de ceux que cette période passionne ou de ceux qui enseignent l’Histoire. C’est pourquoi, Miages-djebels donne un aperçu de son contenu.

Abondamment illustré, l’ouvrage met l’accent sur le conflit qui a déchiré la terre algérienne de 1954 à 1962 et nous fait entrer dans le quotidien des soldats qui ont été pris dans ses contradictions, grâce à : .

  • l’analyse sereine d’un historien-témoin-acteur,
  • la présentation de l’état d’esprit des appelés à travers lé dépouillement d’une enquête réalisée auprès de nombreux appelés,
  • l’authenticité irréfutable d’un grand nombre de témoignages.
  • la présentation inédite des directives précises données par le général de Gaulle à M Pompidou et M de Leuss, chargés des négociations à Evian.
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La Tourmente 1830-1964. La France en Afrique du Nord par Serge Cattet


L’auteur.

Serge Cattet effectue son service militaire de 1959 à 1962. Sorti sous-lieutenant de l’École des officiers de réserve de Saint-Maixent, il rejoint, en octobre 1960, le 2e bataillon du 22e régiment d’infanterie de Marine, dans le secteur de Marnia, en Oranie.

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La Tourmente. L’auteur : Serge Cattet

Agrégé de l’Université, il enseigne l’histoire et la géographie au lycée Berthollet d’Annecy de 1964 à 1994.

À sa retraite, il participe à la vie municipale d’Annecy-le-Vieux en tant qu’élu, puis donne son temps à l’Union départementale des combattants d’AFN et autres conflits, pour laquelle il réalise en 2006 le Livre d’Or consacré aux Haut-Savoyards tombés en Afrique du Nord de 1952 à 1962. En 2007, il publie Térébinthes SP 87009, ses mémoires d’appelé en Algérie.

À la demande de l’Union nationale des combattants (LINC) Serge Cattet s’est replongé dans l’histoire de la présence française en Afrique du Nord de 1830 à 1964, pour nous livrer La Tourmente.


Les concepteurs du livre.

Cet ouvrage a été conçu et réalisé par l’UNC et l’ECPAD.
- Auteur : Serge Cattet
- Recueil des témoignages : Jean-Marc Boccard
- Conception graphique : Muriel Soulan
- Documentalistes : Bastien Chastagner, Constance Lemans Florence Ramousse, Annick Renard, Olivier Simoncelli
- Recherche iconographique Joëlle Aluce, Gérald Lichty
- Numérisation : Yann Prieux
- Correction-relecture : Joëlle Aluce
- Chargé de production : Gérald Lichty

Achevé d’imprimer en novembre 2010 sur les presses de l’imprimerie MCC Grafics (Espagne) ISBN : 978-2-9153-4782-1 Dépôt légal : 4e trimestre 2010


Dédicace

A tous ces hommes, appelés, rappelés, militaires sous contrat, soldats de métier, supplétifs, qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes et, pour beaucoup, leur vie.

Confrontés aux rigueurs, aux exigences d’une guerre singulière, ils n’ont pas failli à leurs missions.


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La Tourmente par Serge Cattet

AVANT-PROPOS.

Les conflits en Afrique du Nord, et principalement la guerre d’Algérie, se sont éteints depuis bientôt un demi-siècle, mais l’Union nationale des combattants, en collaboration avec l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, a pris la décision de leur consacrer deux réalisations : un DVD et un ouvrage écrit.

La guerre d’Algérie a été un drame pour la Nation, et malgré le temps passé, elle l’est restée. Il est toujours difficile d’évoquer le conflit algérien dans la sérénité ; les condamnations sans nuances persistent ; les amertumes sont toujours à vif ; en dépit de nos vœux, la réconciliation avec nos adversaires n’est toujours pas d’actualité.

Rien ne conduit ceux qui ont été les acteurs du terrain à sortir de la discrétion et du silence ramenés des djebels.

Les temps étaient venus d’entreprendre la réhabilitation non d’une guerre, mais de ces hommes qui en avaient été les instruments. C’est l’ambition de nos deux initiatives mises en œuvre dans un esprit de la parole et de l’écrit libre de tout interdit.

L’analyse historique n’occulte aucune des contradictions d’une guerre complexe ; le champ des témoignages est le plus large possible, même un représentant de l’ALN, compagnon d’Amirouche le Kabyle, y a accès.

Puissent nos souhaits de compréhension et d’apaisement être exaucés.

Le groupe de travail « Mémoire » de l’UNC H. Bornens, général (2s) J. Kervizic.


PREFACES

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La Tourmente. Préface de Jean Pierre Chevènement.

Cet ouvrage met en parallèle l’Histoire et la Mémoire de la guerre d’Algérie.

L’Histoire, c’est d’abord la synthèse du professeur Serge Cattet, ancien officier d’Algérie, qui met en évidence la complexité de la guerre d’Algérie et la diversité des situations auxquelles ont été confrontés les combattants. Ce sont aussi les documents et les déclarations du diplomate Bruno de Leusse, qui montrent les reculs consentis par le chef de l’État et le très grave échec de la solution associative.

La Mémoire, ce sont les témoignages de combattants qui ont passé 6 à 28 mois en Algérie, la plupart dans des unités combattantes (infanterie alpine, paras, arme blindée, artillerie], et qui, pour certains ont exercé des responsabilités de commandement.

Les sentiments exprimés vont de la réprobation des rappelés pour une guerre inutile, à la résignation de ceux qui ont fait leur devoir de citoyens, et même à la fierté de ceux qui ont découvert un pays nouveau et ont aidé sa population à survivre. Le souvenir dominant est celui de la solidarité qui les a aidés à supporter l’angoisse, l’inconfort, l’insécurité, et surtout la disparition des camarades morts au combat.

Au retour, tous les témoins ont rapidement trouvé un emploi et créé une famille, tout en gardant le silence face à un entourage resté indifférent à leur aventure. Beaucoup se remettent à parler et expriment leur exaspération quand certains médias les accusent injustement et globalement d’exactions qu’ils n’ont pas commises et souvent ignorées. Le grand mérite de ce livre est de mettre en lumière ce refus de la médisance.

Général (2s) Maurice FaivreVice-président de la Commission française d’Histoire militaire.


La présence française en Afrique du Nord, amorcée en 1830 avec la conquête et la colonisation de l’Algérie, suivies de l’établissement du protectorat sur la Tunisie (1880) et le Maroc (1912) s’achève le 3 juillet 1962 par la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie par le général de Gaulle.

Après celles de la Tunisie et du Maroc (1955-1956), celle-ci marque le terme d’une très longue période de crises qui, dès 1945, auront perturbé l’ensemble de l’Afrique du Nord.

Les « accords » d’Évian, signés le 18 mars 1962, imposaient un « cessez-le-feu » entrant en vigueur le lendemain. Malheureusement, l’arrêt des combats sera suivi d’une chaîne de drames, aux dépens des Pieds-noirs et harkis. Les forces françaises, respectueuses du « cessez-le-feu » subiront des pertes jusqu’en 1964.

Ce livre rédigé par Serge Cattet, professeur agrégé d’histoire et ancien combattant d’Algérie, est une pièce essentielle qui permettra à chacun, y compris aux acteurs de ce drame, de mieux comprendre ce qui s’est passé.

Deux optiques ont prévalu dans l’approche de cette page dramatique de l’histoire de notre pays :

  • privilégier, dans l’historique, une analyse stricte des faits,
  • donner la parole à celles et ceux qui ont été les participants d’un conflit mené au prix de la mort de 25 000 hommes. Interrogés, ils ont répondu à un questionnaire qui ne négligeait aucun sujet ; sollicités, ils ont livré le témoignage de leur vécu du conflit.

Partenaires de cet ouvrage, l’Union nationale des combattants a piloté le projet et l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense en a assuré la mise en forme et l’illustration. »

Hugues Dalleau Président de l’Union nationale des combattants


Table des matières

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La Tourmente. Table des matières

L’histoire de la conquête 1830-1964 :

8 mai 1945, la guerre prend fin en Europe. Elle se poursuit en Extrême-Orient où le Japon résistera jusqu’au 15 août.

8 mai 1945, la France est confrontée à la révolte des populations dans les régions de Sétif et de Guelma, en Algérie.

1952, les troubles se généralisent au Maroc et en Tunisie. 1954, la crise en Afrique du Nord prend une ampleur nouvelle avec la naissance en Algérie du drame d’une guerre qui ne prendra fin qu’en 1962 et verra des effusions de sang lui succéder.

Ces événements marquent le terme d’une longue période de colonisation du Maghreb amorcée en 1830 en Algérie et poursuivie en Tunisie (1880) et au Maroc (1912).

Progressivement, au sein des peuples soumis à notre tutelle, ces conquêtes suscitent des réactions d’opposition qui prennent de l’ampleur avec la Seconde guerre mondiale et la montée générale des nationalismes.

À l’exigence, en Algérie, pour plus de droits politiques, s’ajoutent les revendications de la Tunisie et du Maroc pour leur indépendance. Aux hésitations de la France pour prendre en compte ce nouvel état d’esprit répond alors une montée brutale des troubles dans l’ensemble du Maghreb. Dès 1955-1956, ils obligent la France à accorder au Maroc et à la Tunisie leur indépendance.

En Algérie, c’est au contraire la guerre qui embrase rapidement le territoire, dès novembre 1954. Commencent alors 8 longues années de guerre qui imposent à la Nation de lourds sacrifices et aux populations d’Algérie le poids de leur drame. Quatre cent mille hommes sont déployés en permanence sur le terrain dans des conditions difficiles de vie et de combat.

Le 19 mars 1962, en vertu des accords conclus la veille à Évian, les combats prennent officiellement fin mais non le drame engendré par la guerre d’Algérie puisque c’est son nom depuis la décision parlementaire de 1999. La troupe le subira au-delà de l’été 1964.


Une conquête contestée : l’histoire pour comprendre.

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La Tourmente. Conquête par les armes

Les hommes. Enquête

Près de deux millions d’hommes, appelés ou soldats de métier, ont participé aux événements qui ont secoué l’Afrique du Nord. Seize mille Haut-Savoyards ont traversé la Méditerranée. Ils sont encore 6000 à animer les rangs de notre association.

Cent soixante-sept d’entre eux n’ont pas hésité à rompre avec le mutisme, si fréquent chez les anciens combattants d’Afrique du Nord, pour répondre à un long questionnaire. À travers leurs réponses, il leur a été demandé de témoigner sur ce que furent pour eux les longs mois passés, de 1952 à 1964, en terre africaine.

Cent soixante-sept réponses, toutes très intéressantes, cela peut paraître peu pour faire de leur contenu une référence crédible. Et pourtant ! Ce contenu n’est pas très éloigné de ce qu’auraient pu être les confidences de tous ceux qui, de 1952 (en Tunisie et au Maroc) à 1964, ont eu l’Afrique du Nord comme cadre de leur service ou de leur engagement militaires.

S’il est vrai que la Marine est la grande absente des réponses, et pour cause, les autres armes sont présentes de façon tout à fait proportionnée, l’armée de Terre étant de très loin la plus grande consommatrice d’hommes. En 1960, les unités (régiments, bataillons) en charge du quadrillage de l’espace algérien sont au nombre de 160 environ : 50 % de ces unités appartiennent à l’infanterie, la cavalerie (ABC) et l’artillerie se partageant à égalité les autres 50 %. On retrouve les mêmes proportions, dans la répartition entre ces armes, pour les Haut-Savoyards ayant combattu en Algérie.

Au début du conflit algérien, les jeunes conscrits sont incorporés, pour l’essentiel, dans la zone française d’occupation en Allemagne et dans les centres d’instruction de la métropole. Au fil des années, la place de l’Allemagne s’estompe au profit des centres et des unités implantés en Algérie. La géographie des incorporations des jeunes de Haute-Savoie a connu exactement la même évolution.

Si, en 1954-1955, les jeunes appelés rejoignent directement l’Afrique du Nord dans des unités engagées dans l’Est algérien, à partir de 1956, c’est toute l’Algérie qui est irriguée par l’arrivée des renforts. Ce glissement géographique correspond au déploiement et au développement de la rébellion en Algérie. Il est parfaitement identifiable dans l’analyse des affectations des Haut-Savoyards.

Dans tous les autres domaines du vécu (conditions de vie, état d’esprit, moral, peur...) les convergences sont très grandes entre les confidences des Haut-Savoyards et ce que nous savons, par ailleurs, de ce que furent pour les hommes ces années du conflit algérien. Avec tout le respect que l’on doit à nos morts, on peut comparer la répartition des 165 Haut-Savoyards décédés, pour les deux tiers tués au combat et pour un tiers victimes de maladies ou d’accidents, avec celle des 25000 décès qui ont endeuillé notre pays. Ce sont toutes ces convergences qui nous ont amené à décider d’insérer, dans cet ouvrage, les résultats de l’enquête menée auprès des Haut-Savoyards anciens d’Afrique du Nord.


Les hommes. Témoignages.

Maroc, Tunisie, Algérie

Des premiers troubles de 1952 au départ définitif de l’Algérie en 1964, près de deux millions d’hommes ont participé aux événements qui ont bouleversé la vie de ces pays et profondément, durablement, marqué celle de notre Nation. Il n’était pas imaginable que l’éclairage de ces événements ait pu être mené sans faire appel aux souvenirs de ceux qui en ont été les acteurs. L’histoire a besoin d’images, elle a besoin de témoignages, ils sont indispensables pour redonner vie à des temps qui ne sont plus et pour permettre à l’histoire d’atteindre pleinement son but : l’attrait de la connaissance et la compréhension du passé.

Les hommes qui ont franchi la Méditerranée pour rejoindre leurs unités et participer à leurs missions ont accumulé impressions, expériences, souvenirs. Dans tous les cas cette accumulation a commencé avec une traversée souvent chahutée et s’est poursuivie avec les interrogations de l’arrivée à Alger ou dans un autre port et le convoi menant à la destination finale, un poste perdu dans le bled, perché sur un piton ou collé sur le barrage à une frontière. À partir de ce moment, c’est une vie nouvelle qui débutait avec ses visages, ses activités, ses contraintes, ses attentes, ses bons moments, ses coups durs, ses peurs, ses temps d’écoute d’une petite radio qui grésillait en apportant évasion et informations.

Pendant de très longs mois, les mémoires se sont enrichies, des lettres ont été écrites, souvent riches de réflexions et d’observations, des carnets ont été remplis de la banalité du quotidien comme des temps forts, des appareils photographiques ont fonctionné : il fallait consigner des instants de vie qui procédaient de l’exception. Et puis, au retour, les lettres, quand elles avaient survécu, les notes patiemment enregistrées, les photos du poste, des copains et des paysages ont pris le chemin d’un tiroir ou d’une valise oubliée dans un coin. Les mémoires se sont endormies avec le temps ou alors la volonté, non pas d’oublier (on n’oublie pas), mais d’échapper au souvenir d’une tranche de vie qu’on n’avait pas choisie.

Une mémoire d’une extrême richesse dormait, il fallait la réveiller, lui redonner vie. Elle est le matériau précieux d’une histoire, l’histoire d’un moment de notre Nation, l’histoire de tous ces hommes qui, pour le grand nombre, ont porté le nom d’appelés qui est encore le nom de ceux qui survivent. Les générations à venir auront besoin de leurs témoignages comme elles auront toujours besoin de toutes les contributions qui ouvrent l’accès à la compréhension du passé.


LES NÉGOCIATIONS D’EVIAN VUES PAR UN DE LEURS ACTEURS, Bruno de Leusse.

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Note du Général de Gaulle pour MM Pompidou et de Leusse

C’est au château de Chilly, à Domaine (Haute-Savoie), que se sont retrouvés, le 25 janvier 1997, d’un côté M. de Leusse, maire de la commune de Nernier, et de l’autre, une délégation d’anciens combattants d’AFN de Haute-Savoie à laquelle s’était joint M. le Barillier, vice-président national de l’UNC.

II y a près de 50 ans, Bruno de Leusse représentait la France et le général de Gaulle dans les négociations qui, à Evian, ont abouti, entre autres, au cessez-le-feu entre l’armée française et le FLN algérien. Sollicité pour apporter son témoignage sur ces négociations, il n’a pas hésité à donner une réponse favorable et à aborder d’emblée le cœur du sujet. [1]

« Pourquoi le drame algérien ? Parce que l’on a refusé de reconnaître certaines vérités. La première vérité, c’est qu’à cette époque, la croissance démographique est importante en Algérie. Elle est telle qu’il n’y a pas assez de travail pour tout le monde. Le chômage est l’une des sources du drame algérien. Ensuite, on n’a pas tenu compte de la situation internationale et, surtout, on a ignoré l’impact créé par l’indépendance de la Tunisie et du Maroc. En 1958, douze nouveaux Etats ont vu le jour en Afrique, et cela pouvait donner des idées à certains. Et les politiques de l’époque ne voulaient pas que l’ONU tranchât la crise, donc on la minimisait.

En Algérie, n’étaient citoyens que les Français et les Juifs. Les Européens s’agrippaient à leurs privilèges.Tout le monde était figé dans un immobilisme lancinant. Les ordres continuaient à venir de Paris, sans s’occuper des paramètres locaux. Rien ne bougeait. Pendant ce temps, les accrochages s’amplifiaient, le nombre de victimes augmentait. Et puis, aidés par les puissances voisines, les Algériens ont pris conscience de leur force. Le comité national de la résistance algérien est né ».

Ce réquisitoire est net, précis, limpide. Nous sommes le 13 mai, date charnière. De Gaulle arrive. Son objectif est simple, clair : il faut résoudre le problème rapidement et redonner à la France sa place dans le monde. En cette année 1958, l’armée française avait gagné la bataille sur le terrain. Fort de cette situation, il propose la « paix des braves ». C’est un échec. Il faut trouver d’autres solutions. Ainsi sont évoquées :

  • la sécession,
  • la francisation,
  • une fédération, dans une Algérie algérienne.

Le principe de la négociation avec le FLN est accepté. Mais avec qui ? En plus, il faut trouver des intermédiaires. Nombreuses sont les personnes qui veulent jouer ce rôle pour se placer De Gaulle choisit des gens neutres mais influents, les banquiers suisses. À la fin du mois de décembre I960, les premiers contacts ont lieu à Genève. En 1961, le 19 février ; les négociations ont enfin un visage : du côté français Pompidou et de Leusse, de l’autre Boumendjel et Boularouf. C’est donc à Lucerne que la délégation française fait connaître à ses interlocuteurs, et directement, les points de vue de de Gaulle. L’Algérie pourra être indépendante, mais les conditions sont précises :

  • L’État français n’aura rien à demander au futur Etat.
  • La France ne veut pas reconnaître le FLN comme seul interlocuteur
  • La France ne veut pas abandonner Mers EI-Kébir

La réponse est un discours violent contre la France. Mais les négociations ne sont pas interrompues. Les mêmes personnes se retrouvent à Neuchâtel, le 26 février 1961 .Vient ensuite une période de travail obscur et secret, parce que les autorités françaises refusent toute communication à la presse et craignent les réactions de l’OAS. Le FLN veut bien discuter, mais les divergences sont nombreuses dans son camp et cela bloque les discussions.

Autre sujet de préoccupation : où va-t-on discuter ? En France, exige de Gaulle. Près d’une frontière suisse et de ses hôtels, rétorque le FLN. On tombe d’accord sur Évian où les négociations devraient commencer début mai. Le putsch d’Alger va-t-il tout remettre en question ? Non, de Gaulle utilise cet événement pour accélérer le processus dans les négociations. Et les deux parties se retrouvent le 20 mai 1961, à Évian, à l’Hôtel du Parc. Joxe et des généraux constituent la délégation française, Krim Belkacem et Ben Yaya représentent désormais les intérêts algériens.

On travaille d’arrache-pied pendant quinze jours. De Gaulle veut obtenir un cessez-le-feu rapide. Une trêve française unilatérale est décidée. Les Algériens sont décontenancés et mécontents. Ils décrètent en contrepartie l’unité du peuple. Mais de Gaulle s’obstine dans son refus de négocier sur le Sahara. Les conséquences sont que, du 20 mai au 19 juillet 1961, les négociations sont suspendues. Mais, le 20 juillet, elles reprennent à Lugrin.

Pendant ce temps d’interruption, Ben Kheda a pris la tête du gouvernement en exil. Le 5 septembre 1961, changement de ton pour de Gaulle. Il ne fait plus du Sahara une question de principe. Les négociations peuvent se poursuivre et, le 5 septembre, à Baie, les délégués français remettent aux Algériens, pour la première fois, des dossiers. Acte éminemment important qui contraint les Algériens à un dossier réponse. C’est ce qui se passe, le 9 janvier 1962. Dès lors, les événements vont se précipiter Les interlocuteurs se rencontrent à nouveau aux Rousses le 18 février 1962, et le 5 mars à Ëvian. Le 19 mars marque la conclusion de ces longues négociations, avec la signature du cessez-le-feu, la signature annonçant un référendum et l’indépendance, le 2 juillet 1962.

Une importante page de l’histoire de France est tournée, avec la disparition d’une grande partie du territoire national, français depuis 1830, avant la Savoie elle-même. Mais il n’en reste pas moins que les « accords » d’Évian restent désespérément vides, sans consistance aucune. Le seul résultat positif a été la signature du cessez-le-feu.

Et on a continué sur le chemin des erreurs en oubliant d’ouvrir à la France un avenir de collaboration. On a complètement manqué l’accueil des Français d’Algérie. On n’a pas défendu les harkis.

Et aujourd’hui, que se passe-t-il ? Les Français se sont retirés depuis longtemps et pourtant l’Algérie vit des soubresauts sanglants, comme si la guerre n’avait jamais cessé. Pour M. de Leusse, il y a une espèce de malédiction sur l’Algérie. L’intégrisme est né à cause de la présence d’un parti unique. Il faut restaurer la démocratie et continuer à l’aider Cela permettra à un pays béni des dieux et cher au cœur des Français de retrouver sa dignité et ses vraies valeurs.

Les questions posées par les participants après l’exposé nous ont apporté des réponses intéressantes, sinon surprenantes. À celle posée à M. de Leusse pour savoir si les « accords » d’Évian ont vraiment été signés par les Algériens, la réponse est sans équivoque affirmative. On apprend également que 15 000 harkis seulement sont rentrés en France et que tous les autres ont été massacrés. Il semble également que « la paix des braves » proposée par de Gaulle soit un coup de bluff.

L’OAS a tenu, pendant cette période tragique, un rôle non négligeable. Les Français d’Algérie ont porté peu d’intérêt aux négociations. Ils ne souhaitaient aucune solution. Dans le fond, c’est de Gaulle lui-même qui a cru un certain temps détenir la clef du problème. Estimant que ce conflit empêchait le destin de la France de se réaliser, il avait opté pour une confédération. Il ne croyait pas qu’on irait jusqu’à l’indépendance totale et demeurait persuadé de conserver le Sahara.

Ce fut un échec très grave pour lui. Si les négociations ont été longues et difficiles, c’est aussi parce que les interlocuteurs algériens manquaient de fiabilité. Il existait une grande rivalité entre les tendances du FLN, d’où les difficultés à faire respecter les « accords ».


MÉMOIRE ET RÉCONCILIATION

Conflits, mémoire, réconciliation, trois mots qui appartiennent au vocabulaire politique et affectif des peuples. La mémoire des peuples est faite, entre autres, de la mémoire de leurs conflits ; l’histoire des peuples n’est pas avare de conflits suivis de réconciliation. Conflits, mémoire, réconciliation ne sont jamais que le fruit de choix politiques.

La France et l’Algérie sont toutes deux confrontées à ce dilemme de la mémoire ou de la réconciliation. De part et d’autre, la barque de la mémoire est lourdement chargée.

Pour l’Algérie ; les 130 ans de notre présence après conquête avec son cortège d’injustices sociales, d’inégalités et de crises politiques, les 150000 tués au terme d’une âpre guerre de 8 ans qu’une politique lucide et courageuse aurait pu éviter. Pour la France, ses morts également mais aussi les drames qui ont succédé au 19 mars pendant de longs mois ; l’assassinat et l’enlèvement de centaines de nos soldats ne s’imposaient pas ; l’exode de la communauté pied-noire qui avait contribué à moderniser la terre algérienne n’était pas une fatalité ; le FIN tout-puissant n’a rien fait pour éviter le massacre de dizaines de milliers de harkis dont le tort avait été de choisir la France.

Peut-on effacer ces multiples ressentiments réciproques ? Non ! Mais la France et l’Algérie doivent-elles établir définitivement leurs rapports sur une mémoire douloureuse ? Certainement pas ! Ni l’une, ni l’autre n’y ont intérêt.

La France et notamment le monde des anciens combattants, l’ont bien compris qui sont prêts à tendre la main de la réconciliation, à établir des relations apaisées avec ceux qui ont été des adversaires mais qui ne sont pas des ennemis. C’est bien dans ce sens que va l’esprit de la politique des dirigeants de la France, à commencer par celle de ses élus à la magistrature suprême, de Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy. Pour l’avenir de leur pays, les responsables de la conduite des affaires de l’Algérie ne devraient-ils pas suivre la même voie ?

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France et l’Allemagne étaient dans une situation dramatique. C’est cette situation qui a poussé des hommes politiques à faire preuve de courage et de lucidité ; ils se sont employés à libérer leurs peuples et leurs pays de la haine et du ressentiment ; sans pour autant effacer l’histoire, ils les ont entraînés sur les voies du rapprochement et de la réconciliation.

L’exemple de Robert Schuman et de Konrad Adenauer mérite d’être médité et reproduit. La France et l’Algérie seraient alors un nouvel exemple d’une politique de sagesse riche d’avenir.

Mais il est vrai que pour ce faire, il faut être deux !

Serge Cattet


REMERCIEMENTS

Hugues Dalleau, président de l’Union nationale des combattants, et Isabelle Gougenheim directrice de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense remercient toutes les personnalités ainsi que l’ensemble des organismes qui, par leur contribution, ont permis la réalisation de cet ouvrage.

  • Monsieur le ministre Jean-Pierre Chevènement [2] et le général (2s) Faivre qui ont accepté de le préfacer,
  • Le groupe de travail « Mémoire » de l’UNC avec son chef de file Hubert Bornens et le général (2s) Jean Kervizic qui ont soutenu l’idée de l’ouvrage et suivi les étapes de sa mise en œuvre,
  • Claude Grandjacques pour l’opportunité et la pertinence de ses avis et conseils,
  • Ginette Thevenin-Copin, Jean-Baptiste Ferraci, Arthur Smet qui ont eu l’amabilité d’ouvrir et céder gracieusement leurs archives photographiques et Daniel Guerain sa collection de journaux d’époque

Prix de lancement : 25 euros (port compris) jusqu’au 31 décembre 2010 inclus. A partir du 1er Janvier 2011 : 29 euros (port compris).

Vous pouvez d’ores et déjà commander ce livre sur le bon de commande joint (cliquez sur galeries), sans oublier d’y joindre le règlement.

Commande à passer à UNC Union Nationale des Combattants 18 rue Vézelay 75008 PARIS Tél : 01 53 89 04 04

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La Tourmente. Bon de commande

Notes

[1] Bruno de Leusse négociateur à Evian a fait allusion à ce document dans l’interview donné à TF1 le 18/03/1982 à l’occasion des 20 ans du cessez-le-feu en Algérie et des accords d’Evian qui l’entérinaient. http://boutique.ina.fr/video/histoi...

Comme l’anniversaire du 19 mars soulève chaque année des souvenirs douloureux pour ceux qui ont été les victimes du chaos qui a caractérisé la mise en œuvre de ce document, il n’est pas inintéressant de lire l’interview récent donné le 20 mars 2010, à El Watan par Mohamed Harbi. Historien « Le pari des Accords d’Evian n’a pas été tenu ». Cet article a été repris sur le site de LDH Toulon. Voir ci-après : http://philippepoisson-hotmail.com....

[2] Sénateur du Territoire de Belfort, Jean-Pierre Chevènement a été successivement ministre de l’Éducation nationale (1984-1986), ministre de l’Intérieur (1988) et ministre de la Défense (1989-1991)

2 Messages de forum

  • il esr scandaleux de ne pas avoir la carte afn de 62 a 64.plus de 500 morts pendant cette periode,ou est le devoir de memoire !quelle honte de mons pays !un appele de la 63-1b.14 mois en afnde 63 a 64.mr les politique vous nette plus credible...pascaud

    • slt ; ancien d’Algérie entre nov 62 à nov63 je me bat avec le gouvernement pour la carte ac que nous n’aurons jamais le texte avt le 2juillet à cheval pour 4 mois vient de passer ; je viens d’envoyer une réclamation aux248 sénateurs c’est honteux je ne me sens plus français , je ne dois pu envoyer du courrier aux ministres et f hollande sous peine de sanction : pauvre France être gouverner par des profiteurs , il faut que l’on s’activent la vie devient courte pour nous il faut agir mais comment ;; ;; ;; ; le 19 dans l’aprés midi il y aura discution à l’assemblée amicalement Henri


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