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Algérie-France : destins entremêlés, histoire à partager

mardi 18 juin 2013, par Gilbert Meynier et Tahar Khalfoune

Texte de la communication donnée par Gilbert Meynier et Tahar Khalfoune, au colloque organisé par Esther Benbassa et Sébastien Ledoux à l’amphithéâtre du CNAM les 28 et 29 mai 2010 : "Les traces postcoloniales en France. Négation coloniale, trous de mémoire ou trop de mémoire ?".


Ce texte a été publié sur papier dans la revue de l’université de Toulouse, Cahiers d’histoire immédiate (n°40, automne 2011).

Il vient d’être publié en deux parties sur le site Le Matindz à qui nous l’empruntons.

http://www.lematindz.net/news/11846...

http://www.lematindz.net/news/11847...

Le manuel israélo-palestinien Histoire de l’autre réalisé par le Peace Research Institute in the Middle East,et dont la version française, publiée en 2004 [1], a été préfacée par Pierre Vidal-Naquet, présente deux versions – israélienne et palestinienne – d’une même histoire vécue dans la confrontation, le nationalisme conquérant sûr de son bon droit d’un côté, la résistance nationale des victimes de l’autre. D’aucuns des deux côtés on n’arrive à s’extraire de la vision fondatrice et légitimante, partagée respectivement dans l’antithèse par les deux sociétés. Mais, par rapport au cas franco-algérien, l’effort partagé y existe d’une posture de sérénité. La dénonciation palestinienne y est plutôt sobre, et souvent métaphorisée (maisons en ruines, souvent en lieu et place du texte, en vis-à-vis du texte israélien, plus long, plus accumulatif, et peu illustré) et, symétriquement, le discours israélien accumule les arguments pour prouver le bien-fondé de la construction et de la défense de l’État d’Israël contre un ennemi qui n’est pas désigné de manière claire. Le lecteur ressent qu’il y a là volonté de démonstration et de justification.

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Les visites de présidents français en Algérie sont souvent synonymes de bain de foule.

Le manuel publié en 1950 par Aimé Bonnefin et Max Marchand, Histoire de France et d’Algérie, 1er livre, cours élémentaire et moyen 1ère année [2], se présente comme un livre d’histoires parallèles apparemment du type L’Histoire de l’autre israélo-palestinienne : les pages de gauche parlent de l’histoire de France, les pages de droite de l’histoire d’Algérie. Les évolutions sont parallèles sous forme de galerie de portraits et de tableaux symétriques successifs – les Français étant sur la page de gauche désignés par le numéro de la leçon concernée, les Algériens sur la page de droite par le même numéro en bis : "Les Gaulois" (2e leçon)/ "Berbères et Phéniciens" (2e leçon bis), "Les Romains en Gaule" (3e leçon), avec une gravure représentant « Vercingétorix se rend à César"/ "Les Romains en Afrique du Nord » (3e leçon bis), avec une gravure représentant "Jugurtha prisonnier" (les Français et les Algériens seraient-ils frères en traumatisme des origines ?), "Les Romains en Gaule" derechef (4e leçon)/ "Juba II" (4e leçon bis), "Les grandes invasions" (5e leçon)/ "L’Algérie romaine" (5e leçon bis), "Clovis" (6e leçon)/ « L’occupation vandale » (6e leçon bis), « Les Mérovingiens » (7e leçon)/ "L’occupation byzantine" (7e leçon bis).

A la différence du manuel d’histoires parallèles israélo-palestinien où chacun donne sa version, les traces du petit Lavisse sont là évidentes : nous avons un petit Lavisse dédoublé, un Lavisse de deux histoires, mais dont on peut penser qu’elles étaient bien parallèles, pour finalement converger. L’équilibre thématique entre tableaux de droite et de gauche se maintient sensiblement jusqu’à l’époque ottomane. Si les Français ont leurs héros ordinaires connus (Clovis, Charlemagne...), symétriquement les Algériens ont "le roi Abdelmoumen" et "une fête à la cour du roi de Tlemcen" (mais on ignore qu’il s’agit probablement d’Abû Hammû Mûsâ II).

Un dérapage se produit avec l’Algérie ottomane, illustrée par trois tableaux successifs sur "L’Algérie barbaresque" - celle de la "piraterie", piraterie dont aucune explication n’est donnée. Serait-ce un fait de nature ? La thèse de Braudel sur la Méditerranée est pourtant parue en 1949, année précédant la parution du manuel, et l’un des deux auteurs, Max Marchand, est docteur ès-lettres, spécialiste de didactique, notamment des relations maître-élèves, d’André Gide et du marquis de Sade [3]. En vis-à-vis des trois tableaux sur "l’Algérie barbaresque", les tableaux prestigieux de France présentent la Renaissance, Henri IV, Louis XIV… Le déclin algérien n’est pas dit mais il est suggéré, et ses motifs n’en sont pas expliqués.

Sur les origines de la conquête, aucune explication de fond, ni du côté français – aucune mention des pressions de la chambre de commerce de Marseille étudiées par l’historien Pierre Guiral, de la volonté politique de revivifier la monarchie de la Restauration, de la recherche d’une compensation nationale, quinze ans après la défaite de Waterloo …– ; ni du côté algérien – ne sont notés ni l’affaiblissement du pouvoir des deys, corrélatif au déclin irrémédiable de la course pour cause de Méditerranée désertée et de monarchies européennes capables de surveiller la mer, ni l’appauvrissement consécutif des campagnes algériennes par les extorsions, sur les fallâhîn, de blé visant à compenser la détérioration des revenus corsaires par leur vente aux Français, et aggravant les famines périodiques d’une paysannerie dans la détresse, qui culmine avec celle de 1805. Ne sont pas notées comme source causale première du contentieux les fameuses ventes de blé au Directoire. Le seul parallèle à être noté : deux tableaux en vis-à-vis représentant la misère intemporelle des paysans, et français (leçon 21) et algériens (leçon 21 bis) – ces derniers, au vu de la gravure, sont pourtant dans un dénuement plus grand que leurs homologues d’Outre-Méditerranée.

Classiquement, est mise en musique la ritournelle ressassée sur la mauvaise foi du dey Hussein à propos des ventes de blé (aucune explication), l’affront du coup d’éventail, la France qui doit venger son honneur, bafoué en la personne du consul de France à Alger. Après le coup de chapeau convenu à Abd El Kader et après une mention rapide de la conquête – tout indique qu’elle est soft : silence sur son coût en termes de souffrances humaines et de chute démographique, silence sur la résistance et les insurrections à répétition jusqu’en 1871 et leur reprise en 1916-17–, c’est la célébration convenue de l’œuvre française en Algérie : le vis-à-vis des deux tableaux représentant Boufarik en 1836 et au milieu du XXème siècle (leçon 28 bis) est suffisamment éloquent : la prospérité éclatante à la française s’est substituée à la misère crasse à l’algérienne. Rien sur l’établissement d’un îlot capitaliste et d’une protubérance nationale française, rien non plus sur le système de discrimination et le racisme ; et pas un mot sur la montée du mouvement national algérien. Le livre est pourtant publié cinq ans après la répression du Constantinois, et à un moment où personne à Alger ne peut ignorer Messali Hadj, le PPA/MTLD, l’UDMA, l’œuvre scolaire des ‘ulamâ’… Et douze ans après la parution du livre, l’un des deux auteurs, Max Marchand, sera assassiné par l’OAS le 15 mars 1962 à Ben Aknoun avec cinq des principaux dirigeants des Centres sociaux éducatifs, lors d’une réunion de travail avec les directeurs de ce service de l’Éducation nationale créé par Germaine Tillion [4].

L’histoire de l’Algérie dans les manuels et dans l’enseignement français a déjà fait l’objet de plusieurs études. Françoise Lantheaume, de l’université Lyon II, a consacré sa thèse de doctorat de sociologie de l’éducation à L’enseignement de l’histoire de la colonisation et de la décolonisation de l’école depuis les années 30 : État-nation, identité nationale, critique et valeurs : essai de sociologie du curriculum [5]. Elle a été invitée au colloque d’histoire franco-algérienne organisé à Lyon à l’École normale supérieure-Lettres et Sciences humaines les 20, 21 et 22 juin 2006. Elle y a traité « Les difficultés de la transmission scolaire : le lien Algérie-France dans les programmes d’histoire, les manuels et l’enseignement en France ». Autre invité : Benoît Falaize, chercheur à l’Institut National de la Recherche Pédagogique, directeur ou co-directeur de plusieurs travaux sur les manuels et l’enseignement de l’histoire. Il a traité au colloque « Des hérauts de la colonisation aux héros de la fraternité : l’histoire scolaire dans le Journal des instituteurs d’Afrique du Nord ».

A été tiré du colloque de Lyon un livre regroupant les communications relatives à l’enseignement de l’histoire de l’Algérie dans le système colonial [6]. Enfin, Gilles Boyer [7] et Véronique Stacchetti, professeurs du secondaire, ont parlé au colloque de Lyon de l’enseignement de la guerre d’indépendance algérienne à l’école (« Enseigner la guerre d’Algérie à l’école : dépasser les enjeux de mémoires ? »).

Il faut mentionner aussi le travail effectué dans les mêmes domaines à l’université Montpellier III Paul Valéry sous la direction de Pierre Boutan dans son programme, associé à l’IUFM de Montpellier, intitulé « L’Algérie à l’école » [8], et rappeler aussi l’existence, en Allemagne, du grand centre de recherche sur les manuels scolaires du Georg Eckert Institut de Braunschweig, qui a organisé un colloque sur l’histoire de l’Algérie en février 2004 [9], où a été abordée par Hassan Remaoun, de l’université d’Oran, la question des manuels d’histoire algériens dont il a présenté et commenté quelques exemplaires à l’auditoire [10].

Au colloque de Lyon, où ont été invités des historiens algériens, français, allemands, anglais, italiens, un chercheur palestinien, une universitaire algéro-canadienne…, un thème était bien prévu sur l’histoire officielle en Algérie. Il a été abordé dans le louvoiement précautionneux par un historien algérien d’Algérie, lequel n’a jamais fait parvenir le texte de sa communication malgré les demandes réitérées du comité du colloque. Mais la jeune chercheuse algérienne Lydia Aït Saadi, qui a soutenu le 20 janvier 2010 à l’INALCO, à Paris, sous la direction de Benjamin Stora, une thèse sur les manuels d’histoire algériens, avait été invitée, et elle y a fait une communication sur « le passé franco-algérien dans les manuels algériens d’histoire. » Ce passé exige d’être scruté par des historiens vrais, c’est-à-dire sans préjugés et sans langue de bois. Car, près d’un demi-siècle après la guerre d’indépendance, la centralité de la question franco-algérienne ne fait aucun doute. Le poids du passé colonial et les relations particulières entre les deux pays, oscillant depuis 1962 entre tensions et détente, continuent de polariser les passions et les arrière-pensées, et pèsent fortement sur la construction de l’Algérie. Mais on ne saurait se méprendre sur l’influence qu’ils exercent aussi, toutes proportions gardées, sur l’évolution de la France. Loin d’apaiser la polémique sur le passé colonial de la France, la visite du président Sarkozy en Algérie, début décembre 2007 ou encore le récent film Hors la loi de Mustapha Bouchareb, sorti le 22 septembre 2010, ont montré encore une fois, si besoin était, que ce passé commun est loin d’être digéré de part et d’autre de la Méditerranée.

Les empreintes douloureuses sur l’Algérie en sont encore aujourd’hui incontestables. Très souvent, c’est bien à travers la France et maintes fois en opposition à la France que l’Algérie s’édifie. Pour reprendre une approche empruntée à Jean-Robert Henry [11], c’est bien l’héritage de la relation à la France qui fait sa spécificité par rapport à d’autres pays du monde arabe et d’Afrique. Le poids de ce passé apparaît clairement sur le plan de l’identité et de l’histoire. Autant pour les ‘ulamâ’ que pour les idéologues du FLN, il s’est agi de construire une histoire semblable ou, plus précisément, en symétrie à celle de la France : au lendemain de l’indépendance, pour reconstruire « l’identité collective » décimée par 132 années de colonisation française, le FLN s’était livré dans la précipitation à un bricolage idéologique en ne s’appropriant, de toute la richesse et la diversité de la pensée politique et culturelle du mouvement national (ENA, PPA, MTLD, PCA, Ulémas, UDMA, AML), que l’idéologie des ‘ulamâ’.

Ces derniers ont très tôt investi le champ culturel et ont ainsi contribué à forger la conscience nationale en fixant des références culturelles « al-thawâbit », c’est-à-dire les constantes irréversibles de la nation algérienne, largement imitées de certains pays du Moyen-Orient et à peine adaptées au contexte de l’Algérie. En proclamant le triptyque bien connu « L’Islam est notre religion, l’arabe est notre langue, l’Algérie est notre patrie », le cheikh Ben Badis a donné ainsi au discours nationaliste une empreinte idéologique et religieuse indélébile. Al-thawâbit al-wataniyya (les constantes nationales) sont dès lors définitivement fixées et gravées d’ailleurs dans le marbre des quatre constitutions dont l’Algérie s’est dotée depuis 1962 : articles 4 et 5 de la constitution du 10 septembre 1963, articles 2 et 3 des constitutions du 22 novembre 1976, du 23 février 1989 et du 28 novembre 1996.

Il est clair que les efforts de définition de l’identité nationale s’inscrivent dans une logique d’opposition à la France coloniale : face à la langue, la latinité et l’appartenance chrétienne de la France, les ‘ulamâ’, et à leur tête Ben Badis, leur ont opposé le fameux couple – certes réducteur – de l’arabité et l’islamité de l’Algérie. L’histoire est fortement mise à contribution pour consolider cette identité anéantie par la colonisation, mais revivifiée par les luttes politiques durant le mouvement national et la guerre d’indépendance. Pour donner une légitimité historique à l’édification de l’État national contemporain, fut alors conçue, notamment par le fabricant d’histoire nationale algérienne Ahmed Tawfiq al-Madanî, une histoire analogue à celle conçue par le fabricant d’histoire nationale française de la IIIe république, Ernest Lavisse. Côté algérien, une galerie de portraits des grands ancêtres prestigieux – de Jugurtha a l’émir Abd El Kader – répond en écho à la galerie de portraits des Français – de Vercingétorix à Napoléon.

Tout portait à croire que le lourd sacrifice que les Algériens ont consenti pour recouvrer leur indépendance serait de nature à éloigner irrémédiablement les deux pays. Tel n’est pourtant pas le cas. Pour de nombreuses raisons, des liens multiples se sont peu à peu tissés et, sans dissiper tous les malentendus, ont rapproché les deux pays.

La première raison tient étroitement à la proximité historique ; les deux pays ont partagé une histoire commune de cent trente-deux ans, extraordinairement enchevêtrée, qui continue aujourd’hui encore de nourrir, de part et d’autre, les mémoires, les rancœurs mais aussi les attaches, près d’un demi-siècle après la rupture des liens politiques. Ainsi que l’a fort bien relevé le sociologue, anthropologue, historien et islamologue Jacques Berque, « La France et l’Algérie ? On ne s’est pas entrelacé pendant 130 ans sans que cela ne descende très profondément dans les âmes et dans les corps », bien que le terme « entrelacé » puisse paraître ici excessif en ce qu’il reflète davantage le parcours personnel de l’auteur que la dure réalité de la colonisation : Jacques Berque, né à Frenda en 1910, avait vécu au milieu des Algériens, il maîtrisant autant l’arabe que le français – il fut un traducteur remarqué du Coran. Ceci dit, si « entrelacement » il y eut, ce fut un entrelacement largement traumatique, celui d’un passé commun plus que séculaire, riche d’histoires personnelles et familiales parfois heureuses, mais bien souvent dramatiques.

La deuxième ne singularise pas particulièrement l’Algérie par rapport aux autres pays d’Afrique du nord ; elle est liée, cette fois-ci, à la proximité géographique puisque les villes côtières algériennes ne sont quasiment qu’à une heure d’avion de Marseille, ce qui est de nature à favoriser la circulation des personnes et des biens. C’est précisément cette proximité méditerranéenne qui est à l’origine du projet européen de l’union pour la Méditerranée, initié par la France le 13 juillet 2008 dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.

La troisième réside dans la politique soutenue de coopération inaugurée par le général de Gaulle, jamais démentie depuis, que ce soit en période de crise ou d’embellie. Aujourd’hui il est possible d’affirmer sans risque de se tromper qu’il n’existe pratiquement pas de secteur d’activité qui échappe aux échanges entre les deux pays ; ceux-ci sont constants même pendant les moments de tension. La France est aujourd’hui encore le premier fournisseur de l’Algérie avec 22,14 % des importations algériennes.

Bien plus, il existe entre les deux rives de la Méditerranée davantage qu’une proximité géographique, historique ou commerciale : des liens, culturels et linguistiques rapprochent, en vérité, les deux pays plus qu’ils ne les éloignent, même si les relations entre États sont parfois tumultueuses, et souvent qualifiées de « passionnelles ». La langue française est largement pratiquée et la société algérienne, contrairement à ce que l’on pourrait croire, est aussi imprégnée de la langue et de la culture françaises. L’Algérie est de fait le premier pays francophone après la France, même si elle ne fait pour l’heure pas partie de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Cette proximité, à bien des égards, est aussi juridique, ce que peu de gens savent, ce pour quoi il convient d’y insister. L’Algérie est soumise à l’influence juridique française dès le début du XIXe siècle du fait de la colonisation, et elle demeure encore aujourd’hui un pays de tradition juridique française cela au moins pour une triple raison.

Tout d’abord, les circonstances des premiers mois d’indépendance ont contraint les pouvoirs publics à renouveler la législation française : le contexte difficile de 1962, marqué par une vacuité juridique et institutionnelle due au départ précipité des Européens, n’a pas permis de doter le pays d’une législation adaptée à ses nécessités. Dans ces conditions, il est, en effet, très difficile, pour ne pas dire impossible, de faire table rase de 132 années de rayonnement du droit français en Algérie. Il n’était pas de la plus grande sagesse de rejeter en bloc l’héritage juridique et encore moins de laisser le pays sans loi.

C’est ainsi qu’à l’initiative du député Ahmed Kaid, la première Assemblée élue a voté à l’unanimité la loi reconduisant la législation française le 31 décembre 1962. Mais il importe de préciser que l’Exécutif provisoire a précédé l’Assemblée dans le renouvellement des règles et principes du droit français par une instruction du 13 juillet 1962. Cette directive a clairement annoncé la continuité de l’ordre juridique ancien, sous réserve toutefois de quelques aménagements liés à l’exercice de la souveraineté. Autant sur le fond que sur la forme, elle ne diffère en rien de la fameuse loi du 31 décembre 1962 ; elle ne fait que la préfigurer, puisque celle-ci a réitéré, cinq mois plus tard, le même principe quasiment dans les mêmes termes, sauf que le droit français est certes recueilli, mais sous bénéfice d’inventaire. Les dispositions contraires à la souveraineté nationale et celles qui sont d’inspiration colonialiste ou discriminatoire, ou encore celles qui sont de nature à porter atteinte à l’exercice normal des libertés démocratiques en sont exclues.

Même si la loi soumet la réception du droit antérieur à certaines restrictions, force est de constater que nous sommes bien en présence d’un phénomène de réception et non d’une simple influence du droit français. Le terme « législation » est entendu, ici, naturellement dans un sens large et non restreint à un domaine ou à des domaines précis. Les seules matières qui échappent à l’emprise du droit français sont le statut personnel (code de la famille) et les biens habûs (biens de mainmorte ou des fondations pieuses) qui ont constamment relevé de la sphère d’application du droit islamique, y compris pendant la période coloniale.

Ensuite, la coopération en matière scientifique et éducative pendant la double décennie 1960 et 1970 était étroite entre les deux pays ; près de 29 000 coopérants français ont travaillé dans divers domaines et particulièrement dans le secteur de l’enseignement. Ce qui n’a pas manqué de faire sentir ses effets sur l’enseignement du droit. Le renouvellement, non seulement du contenu technique du droit français, mais aussi ses concepts, ses méthodes de raisonnement, ses procédés juridiques, l’œuvre jurisprudentielle et doctrinale, bref en un mot toute la pensée juridique française, est aussi l’œuvre de grands juristes français.

Il faut souligner le rôle joué par l’école de droit d’Alger fondée, il y a plus d’un siècle, par la loi du 20 décembre 1879, dans la diffusion de la culture juridique française. Dès 1883, douze étudiants d’Alger ont subi avec succès les épreuves de 3e année de licence devant la faculté de droit d’Aix-en-Provence. C’est suite à ce succès que l’école de droit d’Alger a obtenu en 1885 l’habilitation à faire subir aux étudiants sur place les examens de licence en droit. Par un décret du 31 décembre 1889, elle acquit le droit de délivrer le certificat d’études de législation algérienne, de droit musulman et de coutumes indigènes. À l’instar des autres écoles supérieures (médecine, lettres…), l’école de droit d’Alger reçut en 1909 le titre de faculté de droit de statut égal à celles de Métropole.

Son essor est dû essentiellement à trois professeurs qui ont dirigé successivement l’école de droit de 1880 à 1932 : Estoublon (1880 - 1895), Dujarrier (1895-1906) et Morand (directeur depuis 1906, puis doyen de la faculté de droit jusqu’à son décès en 1932). En plus des cours de droit qu’elle assurait (droit civil, droit criminel, droit administratif, droit commercial, de législation algérienne, de droit musulman et de coutumes indigènes), la faculté de droit produisait aussi de remarquables publications : le Code de l’Algérie annoté, mis à jour régulièrement, d’Estoublon et Lefebure, le Bulletin judiciaire de l’Algérie, la Revue algérienne et tunisienne (puis marocaine) de législation et de jurisprudence…

Enseignants dans les facultés de droit, notamment à Alger, Louis Milliot, Jacques Lambert, Jacques Robert, René-Jean Dupuy, Claude Collot, François Borella, Michel Miaille, Jean-Robert Henry… pour ne citer que ces auteurs, ont fortement contribué à la formation de nombreux juristes Algériens qui ont, à leur tour, cultivé et reproduit la pensée juridique française. Pour des raisons historiques évidentes, de nécessité ou par mimétisme, c’est souvent par des emprunts au droit français, et particulièrement à son droit public, que le droit positif algérien s’est construit, et se construit encore aujourd’hui.

Enfin, c’est bien la politique d’arabisation, portant fortement opposée au bilinguisme linguistique et culturel, qui a favorisé la réception du droit français. Même bien après le contexte difficile des premiers mois et premières années d’indépendance, le droit français n’a toujours pas cessé de produire ses effets : contrairement à tous les discours de rupture, il continue, sereinement, à être une source principale d’inspiration quand, dans bien des cas, il n’est pas directement appliqué – le droit domanial et, plus généralement, le droit administratif en sont l’expression la plus accomplie.

Ruse de l’histoire, le droit antérieur a été prolongé grâce, curieusement, à l’arabisation qui a conduit le législateur à recourir, au nom de « l’algérianisation du droit », aux droits de certains pays du Moyen-Orient, et en particulier au droit égyptien. Or ces derniers ne sont eux-mêmes que « la reproduction à peine amendée du droit français dans sa version la plus ancienne » [12]. C’est en effet à la fin du XIXe siècle que l’Égypte, paradoxalement sous contrôle britannique depuis 1882, commença à transposer le droit français dans son ordre juridique interne. Pour que les tribunaux mixtes (mahâkim mukhtalita) institués en 1876 puissent fonctionner, ils furent dotés de six codes (code civil, code de commerce, code de commerce maritime, code de procédure civile et commerciale, code pénal et code d’instruction criminelle) qui s’inspiraient très largement des codes napoléoniens. L’exemple du code civil algérien adopté en 1975 est édifiant ; il reprend de façon quasi intégrale des pans entiers du code civil égyptien, alors qu’il est notoirement connu que celui-ci n’est qu’une réplique du code civil français, le code de Napoléon de 1804.

Il en va assurément de même pour les autres codes (commerce, douane, impôts…). Ainsi, le législateur a parfois l’art de compliquer les choses simples : il faut partir jusqu’en Egypte pour importer ce qui existe localement ou, à défaut, ce qui peut être importé en traversant simplement la Méditerranée. Borhan Attalah explique fort bien que les nouveaux textes algériens ne seraient qu’une réplique des textes français, et les techniques du droit algérien seraient aussi celles du droit français. Quant à l’arabisation de la justice, elle mènerait dans ces conditions, d’après lui, à « l’acculturation des magistrats arabisants ». Il n’est même pas exagéré de dire, avec lui, que « l’arabisation de la justice et l’ouverture d’une section arabophone à la faculté de droit d’Alger sont de nature à perpétuer l’acculturation en facilitant la propagation et la diffusion en langue arabe des concepts juridiques français » [13]. En conséquence, ne pourrait-on pas dire que « l’algérianisation du droit », consécutif à l’indépendance du pays, s’est finalement révélé être une suite, tout au moins une certaine suite du droit antérieur.

Même si l’impact du passé, en partie commun, sur les deux pays n’est guère comparable, on aurait grand tort de sous-estimer ses effets sur la construction de la France dont l’identité s’est construite au fil des siècles dans le rapport avec l’extérieur : dans un rapport de compétition, d’un côté, avec des États européens comme l’Angleterre et l’Allemagne sur le terrain des catégories juridiques et politiques modernes et, de l’autre, dans un rapport dichotomique modernité / archaïsme avec les anciennes colonies, en particulier avec l’Algérie. Un Français sur six a un lien direct avec l’Algérie. On peut estimer que quelques millions de Français sont, aujourd’hui encore, directement concernés par la guerre de 1954-1962, à commencer par le million de Pieds-noirs (r)apatriés en Métropole en 1962 et le million et demi de soldats français du contingent qui ont fait la guerre en Algérie. Ces incidences peuvent être facilement repérées à un triple niveau au moins.

-Sur le plan politique et sécuritaire d’abord. Qu’on se rappelle que c’est bien pour sortir de la crise algérienne que la France s’est dotée des institutions politiques de la Ve république – de la constitution d’octobre 1958. Et ce sont bien les circonstances politiques imposées par la guerre d’Algérie qui ont sans doute contribué à forger un régime politique dominé par l’exécutif et fortement présidentialisé. Les périodes de guerre justifient souvent d’ailleurs des constitutions concevant des exécutifs forts. La présidentialisation du régime est nettement consolidée à partir de 1962 avec l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, ce qui est assurément en rupture totale avec le parlementarisme des IIIe et IVe républiques.

Faut-il rappeler que le déclenchement de la guerre d’Algérie le 1er novembre 1954 avait fortement aggravé l’instabilité chronique qui caractérisait déjà nettement la IVe république puisqu’elle avait bien fait chuter successivement pas moins de six gouvernements [14]. La durée moyenne d’un gouvernement entre 1955 et 1958 ne dépassait pas plus de trois mois. Et la bataille d’Alger, qui plomba l’année 1957, sonna pour ainsi dire le glas de la IVe république. L’état d’urgence porte, encore, la marque de la guerre d’Algérie. Institution juridique enracinée dans l’histoire coloniale française, conçu comme un instrument de répression de la revendication indépendantiste du FLN, il fut établi et organisé par les lois des 3 avril et 7 août 1955 [15].

La guerre d’Algérie fut aussi le ferment d’une cruelle décomposition de la gauche française. D’un côté elle fut bien à l’origine du schisme le plus profond qui frappa les socialistes français à la fin de la décennie 1950 : ce fut en 1958 la fondation du Parti socialiste autonome (PSA), issu de la scission de la SFIO, qui fusionna avec l’UGS pour former le PSU en 1960 ; de l’autre, elle fut la cause de difficultés rencontrées par le PCF avec l’apparition en son sein d’une opposition organisée.

Aujourd’hui encore, l’Algérie continue de nourrir en France des réactions et des prises de positions trop souvent antagonistes. La crise ouverte depuis l’annulation du deuxième tour des élections législatives algériennes en janvier 1992 transcende le clivage gauche-droite en ce sens qu’elle provoque des réactions contradictoires, parfois très âpres ; cela non seulement dans la presse, mais au sein des associations, des syndicats et des partis qui, eux-mêmes, sont traversés par des courants d’opinion dont les positions à l’égard de l’Algérie sont souvent opposées.

Plus près de nous, est-il besoin de préciser que la France est le premier pays européen affecté par les retombées de la violence en Algérie ? Qu’il suffise d’évoquer ici, en particulier, le détournement tragique de l’Airbus de la compagnie Air France en décembre 1994 qui a failli devenir une affaire interne à la France ; l’enlèvement puis l’assassinat des sept moines trappistes de Tibehirine, respectivement en mars et mai 1996 – ils ne furent d’ailleurs pas les seuls religieux de confession chrétienne à être victimes de cette violence : 39 ecclésiastiques ont été assassinés en Algérie de 1992 à ce jour ; et la vague d’attentats perpétrés au cours de l’été 1995 et en 1996 a placé les pouvoirs publics devant un sérieux problème de sécurité au cœur même de Paris.

-Sur le plan sociétal ensuite : que l’on songe tout à la fois à l’importance de l’émigration algérienne des « Trente glorieuses », où plus d’un million d’Algériens travaillaient en France, aux violences urbaines, notamment celles qui ont ravagé la banlieue parisienne à l’automne 2005, au nombre de plus en plus important de binationaux, de mariages mixtes, et aux problèmes soulevés par le durcissement de la gestion des flux migratoires ou encore à la place de l’islam, devenu la deuxième religion de France. Les rapports de la France à l’islam sont une question cruciale, politique, culturelle et intellectuelle, qui se pose chaque jour à la société française.

-Sur le plan de l’histoire enfin, et c’est bien là que le bât blesse, car les blessures risquent à tout moment de s’envenimer. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler les questions brûlantes des harkis, des pieds-noirs, de la torture, des archives… ou encore la fameuse et récente loi du 23 février 2005. Bien que le litigieux article 4 qui reconnaissait « les aspects positifs de la présence française Outre-mer, notamment en Afrique du Nord » ait été supprimé, la loi a fait voler en éclats le projet de traité d’amitié Algérie-France que tant de gens appelaient de leurs vœux de part et d’autre de la Méditerranée : ce sont bien là des questions qui font rebondir des débats trop souvent orageux et jamais véritablement clos. Ne serait-il pas temps, près d’un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie, de s’inspirer par exemple du rapport franco-allemand pour apaiser des tensions qui, de part et d’autre, restent très vives dès qu’il s’agit du passé colonial en mettant en chantier un manuel d’histoire concerté franco-algérien ?

La possibilité existe de réaliser un livre d’histoires parallèles, actualisé par rapport au Bonnefin-Marchand qui date de plus d’un demi-siècle, et qui soit vraiment une mise à plat sans fard, symétrique, des deux versions de l’histoire. C’est là un travail qui demanderait la collaboration de chercheurs et d’enseignants, d’historiens et de praticiens. Mais les obstacles existent : d’abord celui de la langue. Les manuels d’histoire algériens sont tous rédigés en arabe. Et il n’y a que très peu d’historiens français qui se sont décidés à parachever en eux-mêmes la décolonisation en se mettant résolument à l’arabe : seuls quelques jeunes chercheurs, et encore pas tous, en ont senti la nécessité et s’y sont mis. Et, symétriquement, même si le français garde de l’importance en Algérie, c’est de plus en plus une langue approximativement maîtrisée par les jeunes, y compris par un nombre croissant d’enseignants. Il faudrait donc avoir recours à la traduction. Lydia Aït Saadi qui, elle, maîtrise et l’arabe et le français, a entrepris une œuvre considérable de traduction d’arabe en français des manuels algériens d’histoire ; et il faudrait faire un travail symétrique pour mettre en arabe les textes français à la disposition d’enseignants algériens.

Autre difficulté : il faudrait que les enseignants algériens puissent être libres de se rendre en France pour participer à des séances de travail communes, ou d’organiser des sessions en Algérie qui accueilleraient leurs collègues français. Nonobstant les problèmes récurrents d’obtention de visas, ce type de travail, qui serait certainement plus aisé dans le cas de Tunisiens ou de Marocains, requerrait une liberté à l’égard d’un sujet toujours hypersensible, et dont l’hypersensibilité est en permanence orchestrée par l’enseignement et les médias. Et les entrechocs mémoriels/officiels n’aident pas à l’apaisement. Au fameux article 4 de la loi du 23 février 2005 (« les aspects positifs »), a répondu par exemple le discours de ministre des Moudjahidines Mohammed Cherif Abbas lors d’un colloque, à Sétif, le 6 mai 2005, où il assimilait le colonialisme français au nazisme et les fours à chaux d’Héliopolis aux fours crématoires d’Auschwitz – à Héliopolis, près de Guelma, avaient été brûlés en mai 1945, dans la hâte, des corps d’Algériens massacrés par les milices européennes pour que la commission parlementaire annoncée de Paris n’en trouve pas trace. Puis il y eut les épisodes non aboutis du traité d’amitié entre l’Algérie et la France, pour lequel a été demandé ici et là une repentance de la France pour les crimes commis par la colonisation – le terme d’excuses a pu être ultérieurement utilisé.

Quelles que soient les douleurs effectivement endurées par le peuple algérien, au point où son identité a pu paraître en effet comme assimilée à la souffrance, il existe bien un discours officiel légitimant, et pour toute une catégorie d’officiels du système, une véritable rente résistante. Le colloque de Lyon, organisé en juin 2006 par l’École normale supérieure-Lettres et Sciences humaines, et financé en partenariat par l’ENS-LSH, par la région Rhône-Alpes, mais aussi par de multiples associations (France-Algérie Rhône-Alpes, Coup de Soleil Rhône-Alpes, le CARA [Cercle des Algériens et Franco-Algériens en Rhône-Alpes], la Chaire lyonnaise des Droits de l’Homme, la CIMADE Rhône-Alpes, Harkis et Droits de l’Homme…) avait bien annoncé la couleur dès le départ. L’intitulé du colloque était : « Pour une histoire franco-algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire ».

Un livre de synthèse de même titre de 250 pages, dirigé par Frédéric Abécassis et Gilbert Meynier, a été publié en 2008 à La Découverte [16].

Le colloque avait été conçu dans la foulée de la réaction des historiens à l’article 4 de la loi du 23 février 2005 : pour un historien qui se respecte, il n’y a ni « positif » ni « négatif » dans l’histoire, il y a toute la complexité du divers historique dont il ne peut rendre compte que dans la dialectisation. Le colloque ne se proposait pas de fabriquer des histoires parallèles, mais, dans le débat, de faire s’exprimer des chercheurs de toutes origines. Il s’est agi d’une tentative pour tracer les premiers pas d’une histoire franco-algérienne concertée, mieux, internationalisée : une histoire à deux voix, une histoire à plusieurs voix, fondée sur le dépassement des contentieux, le dialogue et l’écriture d’une même histoire entremêlée – ce qui ne signifie pas une histoire unique uniformisée. Mohammed Harbi, citant l’ « entrelacement » évoqué par Jacques Berque, ajoute dans ses mémoires : « C’était vrai de notre génération, celle qui a su trancher les liens. Est-ce encore vrai aujourd’hui pour les nouvelles générations ? [17] » Dans sa préparation comme dans son déroulement, le colloque de Lyon a dû affronter diverses oppositions et entraves. D’un côté de la part d’organisations pied-noir : les responsables du colloque ont reçu maintes mises en garde, il y a eu une esquisse de manifestation devant l’ENS-LSH, quelques tracts du Front national, quelques interventions musclées sur le mode du ressentiment revendicatif, avec des épithètes trouvés sur Internet du genre : entreprise anti-française, organisée par des agents du FLN… De l’autre côté, dès les débuts de la préparation du colloque, outre plusieurs chercheurs algériens pressentis, les autorités algériennes – Ambassade d’Algérie en France, Consulat d’Algérie à Lyon, Centre culturel algérien de Paris…– ont été à plusieurs reprises contactées par ses promoteurs et sollicitées de se joindre à son organisation et à son financement. Il n’a jamais été possible d’en obtenir la moindre réponse. Le bruit a couru, rapporté par des amis algériens, que le colloque pourrait bien être une entreprise néocoloniale, voire anti-algérienne. Une séance du colloque, où Gilbert Meynier présidait, aux côtés de Mohammed Harbi et de notre jeune collègue algéro-canadienne Ryme Seferdjeli – elle parlait alors des femmes algériennes pendant la guerre de libération – a été grossièrement interrompue (« on en a marre de ces histoires de bonnes femmes » !), depuis les gradins de l’amphi par un jeune sous-agent algérien à l’intempestivité évidemment téléguidée, pour lequel les sujets abordés par le colloque ne donnaient pas toute leur place aux « deux millions de martyrs » – le même énergumène a tenté encore une ou deux fois de réitérer, notamment lors de la séance de conclusion du colloque, faite par Pierre Sorlin, au grand amphi du Musée de la Résistance et de la Déportation ; mais sans plus de succès. (A suivre)

Gilbert Meynier, ex-professeur d’histoire-géographie au lycée Pasteur (lycée français, Oran), 1967-1968, ex-maître-assistant à l’université de Constantine, 1968-1970, professeur émérite de l’université de Nancy II.

Tahar Khalfoune, Docteur en droit public. Sa thèse, soutenue à l’université Lyon III en décembre 2003, a été publiée sous le titre Le domaine public en droit algérien, Paris, L’Harmattan


Algérie-France : destins entremêlés, histoire à partager (II)

Heureusement les participants au colloque jouirent en soirée le 21 juin 2006, dans le grand amphi de l’ENS, de l’art du moment partagé, du vouloir être ensemble et du temps qui s’écoule : d’écouter le concert de ma’lûf de Constantine offert par Mohamed-Tahar El Hadj Fergani et les musiciens de l’association de musique arabo-andalouse El Fergania qui a pour objectif de « fonder une école de musique à Lyon baptisée “Enfants de tous Pays” avec le parrainage de Cheikh Enrico Macias ».

Lorsque nous nous sommes lancés dans la publication des actes du colloque, toutes les maisons d’édition auxquelles nous nous sommes adressés nous ont ri au nez : les 75 communications que nous avons reçues (sur les 86 qui avaient été faites oralement au colloque), si elles avaient été publiées sur papier, auraient constitué un livre de plus d’un millier de pages… invendable. Nous avons donc résolu de mettre les actes en ligne, ce que, avec sa maestria coutumière, Afifa Zenati, maître d’œuvre de l’organisation du colloque, a réussi à faire en un an. Lors de leur présentation, en mars 2007, au grand amphi de l’ENS-LSH, nous avons eu à subir à nouveau des attaques, émanant cette fois seulement de quelques Pieds Noirs, mais trop convenues pour ne pas être facilement réfutables par l’historien.

Nous nous sommes donc décidés à nous mettre à l’écriture d’un livre de synthèse/résumé du colloque. Pour les cinq chapitres du livre, qui correspondaient aux cinq grands thèmes traités au colloque, nous avons constitué cinq équipes de travail de deux à trois personnes. Nous avons envoyé des circulaires à tous les participants au colloque, sans exclusives, en leur demandant s’ils accepteraient de participer à la réalisation de l’œuvre commune. Sur les 86 participants, il y avait 9 Algériens d’Algérie et 14 Algériens de l’extérieur, dont 13 conduisant leur recherche en France. A nos circulaires, nous n’avons reçu aucune réponse positive émanant de l’autre côté de la Méditerranée : les collègues pressentis, soit se sont excusés en alléguant leurs charges de travail ou leur indisponibilité pour diverses raisons – certaines étaient tout à fait valables –, soit n’ont tout bonnement pas répondu – deux collègues sont venus d’Algérie au colloque de Lyon, tous frais payés, et se sont même abstenus d’envoyer leur communication écrite – ce fut aussi le cas de huit autres participants français [18], mais le budget du colloque n’avait pas eu à leur financer un voyage pareillement onéreux.

De ce point de vue, nous n’avons eu qu’à nous louer des collègues femmes d’Outre-Méditerranée que nous avions invitées : sans exception, elles nous ont toutes envoyé leur communication dans les temps requis, et sous une forme qui ne prêtait pas lieu à la critique. Notre livre de synthèse, issu du colloque de Lyon de juin 2006, en a repris le titre : Pour une histoire franco-algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire [19]. Il commence par retracer en introduction l’histoire du colloque et en situer les enjeux et la problématique.

Le chapitre 1 traite des « formes et processus de colonisation », le chapitre 2 des « sociétés coloniales et traces de la colonisation », le chapitre 3 de « la question nationale algérienne : enjeux et conflits », le chapitre 4 de « la guerre d’indépendance des Algériens », le chapitre 5 des « migrations, culture et représentations ». Un plus bref chapitre 6 (« les défis de la demande sociale d’histoire ») rend compte in fine du forum des associations co-organisatrices qui a suivi les cinq ateliers d’où sont issus les cinq chapitres précédents. Enfin, la conclusion a resitué « l’histoire franco-algérienne » comme « un chantier toujours ouvert ».

Y sont évoquées ces « traces profondes de cent trente-deux ans de vies croisées » qui étaient bien en effet le sujet que s’était proposé de traiter le colloque. Lorsque le livre a été publié par La Découverte en avril 2008, nous avons aussitôt entrepris de le faire publier par une maison d’édition algérienne ; et, sur les reliquats du budget du colloque, nous avons décidé d’en affecter une partie à la traduction du livre en arabe, ce dont s’est chargée notre collègue Khaoula Taleb-Ibrahimi, de l’université d’Alger.

Pendant des mois il n’a pas été possible de trouver une maison d’édition qui accepte de publier le livre en français. Nous ont été demandées des modifications du texte, qui, tel quel, était représenté comme embarrassant pour tel(le)s Algérien(ne)s – nous n’avons pourtant consenti qu’à changer quelques bénignes formules. De tous ces atermoiements, le motif allégué qui a couru était que ce livre ne pouvait pas être un livre d’histoire franco-algérien puisque les 14 auteurs des cinq chapitres formant le corps de l’ouvrage ne comptaient aucun Algérien d’Algérie. Et pour cause ! Seuls des Algériens résidant en France, en effet, avaient accepté de travailler avec nous et d’y figurer : l’économiste Ahmed Henni, professeur d’économie à l’université d’Artois et ex-doyen de la faculté d’économie, et Tahar Khalfoune, juriste, docteur en droit public et conseiller juridique à l’association lyonnaise Forum Réfugiés.

Ce fut l’intervention de Mohammed Harbi qui permit de débloquer la situation : après concertation avec INAS, une maison d’édition algérienne indépendante, il a finalement obtenu que cet éditeur publie le livre en français, avec, en avant-propos, une préface de Mohammed Harbi, destinée à lui donner la marque algérienne nominale crédible par la faiblesse de laquelle il pêchait. Nous avons craint que, du fait de la récente modification du régime du ISBN, ce livre ne puisse obtenir l’ISBN…

A été obtenu le concours du Centre culturel français d’Alger pour faire transiter l’aide financière prise sur le budget du colloque destinée à soutenir l’œuvre entreprise par les éditions INAS pour publier en Algérie, en français et en arabe, ce livre qui se réfère constamment aux actes en ligne du colloque de Lyon et qui en provient. Finalement, le livre a été publié le 1er novembre 2011 aux éditions INAS, avec le même titre que l’édition française en français et, en arabe.

Il faut bien dire que si ce colloque s’est tenu à Lyon, c’est qu’il ne pouvait pas se tenir, avec une indépendance comparable s’entend, dans ce que des auteurs d’un manuel de géographie algérien des années soixante dénommaient « l’hexagone algérien ». Il faut bien dire aussi, et que cela plaise ou non, que les meilleurs historiens, toutes générations confondues, vivent et œuvrent surtout dans la diaspora de l’intellect algérien. Non qu’il ne se trouve pas des gens talentueux qui travaillent, par exemple sur l’Algérie ottomane (Fatima Zohra Guechi, Kamel Filali, Constantine), sur le royaume de Tlemcen au XIVème siècle (Abdelhamid Hadjiat, Tlemcen) ou, pour la même période, sur l’histoire du port de Hunayn (Abderrahmane Khelifa, Alger)…

Mais pour la période contemporaine, incomparablement plus sensible, quelles que puissent être leurs qualités intrinsèques, les universitaires et chercheurs n’ont guère produit d’œuvres majeures, même si une revue comme Naqd publie régulièrement des articles de qualité et qu’un centre de recherche comme le CRASC d’Oran s’efforce de faire œuvre indépendante et publie la revue Insâniyat.

Ceci dit, pour ce qui est des jeunes générations issues du système universitaire algérien, leurs productions sont trop souvent encore des compilations sans grand intérêt, moulées à la salive de la langue de bois, avec citations obligées des maîtres à ne pas penser qui ont dirigé le cours officiel de l’histoire. Lors d’une conférence à Alger, en 2008, l’historien spécialiste d’al-Andalus Pierre Guichard s’est entendu poser la question suivante : « Pourquoi les Européens ont-ils interdit dans l’histoire aux Maghrébins de disposer de l’imprimerie et de l’utiliser » ? Lors d’une conférence dans une université algérienne, Mohammed Harbi s’est récemment entendu reprocher par un auditeur de n’avoir pas dit que c’était Dieu qui avait permis aux Algériens de devenir indépendants. Certains frémissements indiquent toutefois que quelque chose est peut-être bien en train de changer : la conférence à deux voix Mohammed Harbi-Gilbert Meynier, qui s’est tenue à Alger à l’hôtel Es Safir, devant une salle plus que comble, le 22 octobre 2010, à l’invitation du quotidien El Watan, pour les débats d’El Watan organisés par Mohammed Hachemaoui, a été pour les participants un intense et inoubliable moment de libre parole et d’échanges. Que le directeur d’El Watan, Omar Belhouchet, et ses collaborateurs dans cette entreprise trouvent ici les chaleureux remerciements des invités.

Pour l’instant, une mise à plat du type histoires parallèles serait théoriquement possible, mais, si les manuels français, dans les chapitres qui traitent de l’Algérie, sont loin d’être parfaits, ils ne sont en aucune façon soumis à une chape de plomb comparable à celle qui est responsable de ces manuels qui ensuquent les élèves algériens depuis plusieurs décennies, avec quelques peaufinages toutefois depuis quelques années. Mais pour l’essentiel, encore aujourd’hui, toute l’histoire ne commence qu’avec l’islam qui apporte enfin la lumière – ce qui précède est davantage expédié à la va-vite. On y parle au demeurant beaucoup du Proche-Orient (les manuels marocains parlent plutôt davantage de l’Algérie que les manuels algériens), avec l’islam et l’arabe comme seuls moteurs identitaires de l’histoire. Avec pour aboutissement la thawra (terme généralement traduit par révolution) armée menée par lesmujâhidîn (combattants du jihâd), terme d’une longue lutte dans laquelle le barde national Ahmed Tawfiq al-Madanî voyait la résistance contre ce qu’il dénommait al-isti‘mâr al-çalîbiyy (le colonialisme croisé). La distorsion serait donc plus grande que, même, entre les deux versions, israélienne et palestinienne, du manuel Histoire de l’autre.

L’idée de constituer une commission mixte d’historiens français et algériens, ouverte aussi à d’autres historiens maghrébins, mais aussi européens et de toutes autres origines et nationalités, nous paraît digne d’intérêt. Il a fallu près d’un demi-siècle après la fin de la deuxième guerre mondiale pour qu’Allemands et Français se rencontrent ; et il a fallu cinq années de discussions pour surmonter les contentieux liés à l’histoire franco-allemande et aboutir à la réalisation concertée de deux volumes d’un même manuel d’histoire, en allemand (Geschichte) et en français (histoire), parus respectivement en 2006 et 2008. Quant à s’engager dans la voie d’une écriture de l’histoire à deux voix, d’un manuel franco-algérien comparable à ce manuel franco-allemand, il n’est guère concevable d’imaginer qu’elle puisse être entreprise, pour l’heure, avec des chercheurs algériens d’Algérie de manière synallagmatique. Elle devrait pourtant avoir pour cadre des réunions et des débats se tenant à la fois au nord et au sud de la Méditerranée. Il y a eu, entre autres rencontres, le colloque de Braunschweig de février 2004, le colloque de Lyon de juin 2006, les 30-31 janvier 2008 un colloque à Oran sur « Mohammed Harbi, un historien à contre-courant », organisé par le centre de recherche Avempace Institution, présidée par Houari Touati, directeur de recherches à l’EHESS à Paris, en partenariat avec El Watan et le Centre culturel français d’Oran, il y a eu la conférence-débat d’Alger du 22 octobre 2010 : ce n’est qu’un début, continuons le combat ! Côté français, les choses sont loin d’être éclaircies : si, pris sous un véritable feu croisé, le plus indécent des paragraphes – l’alinéa 2 de l’article 4 (les « aspects positifs… ») – de cette loi a été déclassé par décision du Conseil Constitutionnel du 31 janvier 2006, puis définitivement abrogé par un décret du 15 février 2006 [20], reste l’article 3, qui prévoit une « fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie », visant à prendre en compte les seules victimes françaises de la guerre de 1954-1962, cela sans dire précisément de quoi il s’agirait, qui la gérerait, qui la financerait.

On ne commence à être fixé que depuis peu avec l’esquisse d’une application dudit article, dont la mise en chantier est loin – euphémisme – de faire l’unanimité chez les historiens : une fondation pour la mémoire, ce n’est pas une fondation pour l’histoire, sauf à risquer de tout mélanger. Et une fondation pour l’histoire digne de ce nom ne peut qu’être indépendante de toute injonction officielle et de tout groupe se disant porteur de mémoire, et elle doit associer Algériens et Français. Ceci dit, les historiens algériens indépendants – derechef, euphémisme – ont à faire à plus forte partie encore : l’amendement à la constitution algérienne de novembre 2008 [21] comprend un article 62 qui édicte, en son quatrième et dernier paragraphe, que l’État « œuvre à la promotion de l’écriture de l’histoire et de son enseignement aux jeunes générations. » Forcer les blocages ne fait pas partie en soi du métier d’historien. Il peut simplement énoncer les règles élémentaires de la méthode historique qui s’inscrivent contre ces blocages, et espérer qu’un déblocage intervienne. On peut tenter de donner une suite au Bonnefin-Marchand, voire s’engager dans une histoire concertée à deux, et plusieurs voix. Mais, en l’état actuel, ce ne peut être qu’une initiative indépendante d’historiens n’ayant de comptes à rendre à personne, à aucun État, aucune institution, aucun lobby. Sous réserve d’inventaire, elle ne pourrait être engagée que dans un cadre associatif partagé. Mais le chemin est long, et ardu, qui mène de Delphes au Parnasse.

Gilbert Meynier, ex-professeur d’histoire-géographie au lycée Pasteur (lycée français, Oran), 1967-1968, ex-maître-assistant à l’université de Constantine, 1968-1970, professeur émérite de l’université de Nancy II.

Tahar Khalfoune, Docteur en droit public. Sa thèse, soutenue à l’université Lyon III en décembre 2003, a été publiée sous le titre Le domaine public en droit algérien, Paris, L’Harmattan, 2005, 601 p.

Notes

[1] Paris, Liana Levi, 2004, 95 p. Remerciements à Jean-Philippe Ould-Aoudia et à l’équipe de la revue Le Lien (Association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons) qui ont bien voulu nous faire parvenir le livre photocopié.

[2] Paris, Hachette, 1950, 67 p. Aimé Bonnefin était instituteur, Max Marchand inspecteur, puis inspecteur d’académie.

[3] Sa thèse portait sur L’hygiène affective de l’éducateur. Cf. ses principaux titres : Le Complexe didactique et pédagogique chez André Gide ; L’irremplaçable mari ou la vie conjugale d’André Gide ; Du marquis de Sade à André Gide : essai de critique psychopathologique et sexuelle.

[4] Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutene et Salah Ould Aoudia.

[5] Thèse dirigée par Jean-Louis Derouet et soutenue à l’EHESS en 2002.

[6] La France et l’Algérie : leçons d’histoire : de l’école en situation coloniale à l’enseignement du fait colonial, INRP, École normale supérieure-Lettres, Lyon, 2007.

[7] Gilles Boyer a soutenu sous la direction d’Étienne Fouilloux un DEA sur La chronique sociale de France et les questions de colonisation, de décolonisation et de développement de 1930 à 1967.

[8] Site http://enseigner-lalgerie.1830-1962.fr/

[9] Cf. les actes du colloque : Christiane Kohser-Spohn et Frank Renken (dir.), Trauma Algerienkrieg, zur Geschichte und Aufarbeitung eines tabuisierten Konflikts, Campus Verlag, Berlin-New York, 2006, 348 p. Pour mémoire, Frank Renken est l’auteur du décisif Frankreich im Schatten des Algerienkrieges. Die fünfte Republik und die Erinnerung an den letzten grossen Kolonialkonflikt, V&R Unipress, Göttingen, 569 p. Et peu de Français et peu d’Algériens savent qu’une somme notable sur la guerre de libération algérienne a eu pour auteur un historien allemand, Harmut Elsenhans, publié en français 25 ans après sa parution en allemand : La Guerre d’Algérie 1954-1962. La transition d’une France à une autre. Le passage de la IVème la Vème République, Publisud, Paris, 1999, 1072 p.

[10] Cf. « Nationaler Befreiungskrieg und Geschichtsunterricht in der algerischen Schule », in Christiane Kohser-Spohn et Frank Renken (dir.), op. cit., p. 205-218.

[11] Jean-Robert Henry, L’héritage du rapport avec la France, in La crise algérienne : enjeux et évolution, Villeurbanne, Éditions Mario Mella, 1998, 151 p., p. 90.

[12] Ahmed Mahiou, « Rupture ou continuité du droit en Algérie », in Études de droit public algérien, OPU, Alger, 1984, p. 153.

[13] Borhan Atallah, « L’acculturation juridique dans le nord de l’Afrique : le cas de l’Algérie et de la Libye », in Indépendance et interdépendance au Maghreb, ouvrage collectif du CRESM, Paris, CNRS, 1974, pp. 159 à 200.

[14] Pierre Mendès France, Edgar Faure, Guy Mollet, Bourgès-Maunoury, Antoine Pinay, Félix Gaillard, Pierre Pflimlin.

[15] Thierry Debard, Dictionnaire de droit constitutionnel, 2e édition enrichie et mise à jour, Ellipses, 2007, p. 179.

[16] Les actes du colloque en ligne sont disponibles sur http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloque.... La direction scientifique du colloque a été conçue et conduite par Frédéric Abécassis, de l’ENS-LSH, et Gilbert Meynier, sa réalisation (coordination et communication) a été menée à bien par Afifa Zenati, le secrétariat a été assuré par Ferouze Guitoun, toutes deux de l’ENS-LSH. Au comité scientifique avaient accepté de figurer, entre autres, Charles-Robert Ageron, Fatima Zohra Guechi (université Mentouri, Constantine), Mohammed Harbi., André Nouschi, Ouanassa Siari-Tengour (université Mentouri, Constantine), Benjamin Stora, Pierre Vidal-Naquet.

[17] Une vie debout. Mémoires politiques, tome 1 : 1945-1962, La Découverte, Paris, 2001, p. 183.

[18] Une communication a été refusée par le comité de lecture.

[19] Paris, La Découverte, 2008, 250 p. Les auteurs de ce livre, dirigé par Frédéris Abécassis et Gilbert Meynier, sont : introduction : Frédéric Abécassis, Gilbert Meynier, chapitre 1 : Jacques Frémeaux, Ahmed Henni, chapitre 2 : Frédéric Abécassis, Tahar Khalfoune, Daniel Rivet, chapitre 3 : Gilbert Granguillaume, Jean-Pierre Peyroulou, chapitre 4 : Gilbert Meynier, Guy Pervillé, chapitre 5 : Benoît Falaize, Anne-Marie Granet-Abisset, Françoise Lantheaume, chapitre 6 : Cécile Armand, Jacques Walter, conclusion : Pierre Sorlin.

[20] Décret N° 2006-160 du 15 février 2006 portant abrogation du deuxième alinéa de l’article 4 de la loi N° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

[21] Loi constitutionnelle N° 08-19 du 17 Dhou El Kaada 1429, correspondant au 15 novembre 2008.

1 Message

  • Article fort intéressant sur le plan de la connaissances des faits historiques, bien qu’il soit alourdi par tout le galimatia droitsdel’hommiste : le ridicule "vivre ensemble", et l’histoire prétenuement "partagée" (quand et par qui ?). On a tout de même été épargné de l’inévitable Benjamin Stora, Historien Officiel.

    Je pense que, même durant la période "coloniale", l’histoire arabo-islamique de l’Algéreie était présentée de manière positive dans le livre analysée et commentée par Mme Esther Benbassa. Je connais un petit garçon de cette époque qui, à la lecture de ce livre, rêvait aussi bien du chevalier arabe conqérant, Sidi Okba, et de la Kahina que du seigneur féodal de Montfort et du jeune Bara victime des chouans.

    Et puisque Mme Esther Benbassa est de "gauche" (à supposer que cela signifie quelque aujourd’hui), je me permets de lui faire observer que le PC algérien aurait dû concentrer ses efforts sur la population pied-noir plutôt que de rallier politiquement avec armes et bagages le FLN.

    Mais le PCA servait des buts étrangers à l’Algérie et son rêve de prendre le pouvoir dans une Algérie profondément musulmane était tout à fait loufoque. Beaucoup de jeunes pieds-noirs (juifs ou non) ont été sacrifiés pour cette utopie. Il ne reste rien de leur sacrifice en Algérie et ils ont subi le même sort que la masse des pieds-noirs (exil définitif et oubli), dont ils auraient dû se sentir d’abord solidaires, en étant issus pour l’essentiel. Peut-être auraient-ils alors réussi à peser sur l’Histoire. Mais je reconnais que c’était une tâche politique plus difficile que de se mettre à la remorque du FLN (même avec les risques qu’on sait).


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