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Les voleurs de rêves

mercredi 19 août 2009, par Bachir HADJADJ


Les voleurs de rêves.

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Voleurs de rêves

Voulant recommander la lecture de ce livre à un ami, j’ai trouvé plus simple d’en faire la présentatuion sur le site.

Passionnant et d’une authenticité simple !

Après la lecture de ce témoignage, on mesure encore plus l’immense gâchis engendré par l’inadéquation d’un système bloqué ignorant les aspirations et les évolutions de tout un ensemble de population aux ressources multiples.

Pour faire connaissauce avec l’auteur et en savoir un peu plus http://www.bachir-hadjadj.org/index...

Lire des extraits de ce livre passionnant et pas comme mes autres : http://www.bachir-hadjadj.org/index...

Presse et témoignages http://www.bachir-hadjadj.org/index...


Quatrième de couverture.

« Ce livre-là, nous étions nombreux à rêver qu’on l’écrive, depuis bientôt un demi-siècle, sitôt qu’a pris fin le sanglant corps à corps franco-algérien, le 19 mars 1962.

Et la voilà enfIn, l’autobiographie d’une famille depuis l’époque antérieure à la conquête, à travers trois périodes : la turque, la française, l’algérienne proprement dite,manifestant la continuité profonde d’un peuple, assurée par l’islam au travers des immenses bouleversements provoqués par les guerres et cent trente ans de colonisation impérieuse.

L’extraordinaire intérêt du livre de Bachir Hadjadj réside dans la sincérité du ton, dans l’intrépidité du témoignage (...) Ce qui donne tant de saveur à ce mémorial, c’est le portrait brossé par l’auteur d’une collectivité familiale du Nord-Constantinois, du berger des hauts plateaux au "mauvais garçon" de la rue de Sétif et du caïd enrubanné de Légion d’honneur à l’étudiant grenoblois passé au maquis de la frontière tunisienne -lui-même. »

Jean Lacouture.


Préface

Ce livre-là, nous étions nombreux à rêver qu’on l’écrive, depuis bientôt un demi-siècle, sitôt qu’eut pris fin le sanglant corps-à-corps franco-algérien, le 19 mars 1962. Et la voilà enfin, l’autobiographie d’une famille depuis l’époque antérieure à la conquête à travers trois périodes : la turque, la française, l’algérienne proprement dite, manifestant la continuité profonde d’un peuple, assurée par l’islam au travers des immenses bouleversements provoqués par les guerres et cent trente ans de colonisation impérieuse.

L’extraordinaire intérêt du livre de Bachir Hadjadj réside dans la sincérité du ton, dans l’intrépidité du témoignage. Peu importe que cette liberté de ton doive quelque chose au fait que l’auteur écrit et publie en France où il s’est installé, et n’a pas de comptes à rendre à un pouvoir, celui d’Alger, qui ne passe pas pour être très tolérant. Le fait est que cette Algérie « à livre ouvert » a quelque chose d’envoûtant. On peut reprendre l’auteur sur quelques points, comme l’évocation qu’il fait de l’interminable « conquête ». Non parce qu’il en décrit à juste titre les plus horribles épisodes - massacres, enfumades, spoliations massives - mais parce qu’il suggère que les Français restent tenus dans l’ignorance de ces crimes collectifs. On n’en finira jamais avec ce qui est révélé, de la conquête et de la colonisation, par l’enseignement public. Mais il n’est guère de citoyen français qui ne puisse trouver, dans l’immense bibliographie algérienne proposée par l’université française, matière à réfléchir sur ce qui se cache derrière les mots de « conquête » et de « colonisation ».

Mais ce n’est pas par là que le livre-témoignage-mémorial de M. Hadjadj nous captive. C’est par l’évocation merveilleusement sensible d’une continuité, celle du clan familial des Mérachdas, pasteurs quasiment nomades du plateau du Hodna, chassés par les criquets de leur territoire au temps où Napoléon mourait à Sainte-Hélène, avant même l’ouragan colonial, et peu à peu sédentarisés, puis embourgeoisés dans le Sétifois.

Longue marche, du temps des odjacks ottomans à celui où les bureaucrates de ce que l’auteur appelle le « Efélène » tentent de tirer le meilleur parti de leur pétrole et de leur gaz avec leurs homologues postsoviétiques... Longue marche, de M. de Bourmont à l’émir Abd el-Kader, de Bugeaud au « royaume arabe » de Napoléon III, des spoliations massives de la fin du XIX’ siècle aux timides tentatives de M. Violette, du rugissement prophétique de Messali aux tragédies de Sétif, de Guelma, des Aurès, d’Alger...

Ce qui donne tant de saveur à ce mémorial, c’est le portrait brossé par l’auteur d’une collectivité familiale du NordConstantinois, du berger des hauts plateaux au « mauvais garçon » de la rue de Sétif et du caïd enrubanné de Légion d’honneur à l’étudiant grenoblois passé au maquis de la frontière tunisienne - lui-même. C’est surtout le portrait à l’emporte-pièce du père de l’auteur, arrière-petit-fils de Seghir (<< le petit »), petit-fils de Saad, fils de Saïd le luron ; il s’appelle Brahim, premier citadin de la lignée, Sétifois au turban superbe et au chèche soyeux. Écrivain public, parfait bilingue, il s’engage en 1914 dans l’armée française, est grièvement blessé du côté de Verdun, rentre au pays un éclat d’obus fiché dans le crâne - et se retrouve caïd dans la Medjana.

Mais Brahim n’est pas un ange (et son fils ne le donne pas pour tel). Sa religion l’y autorisant, il se trouve à la tête de quatre épouses - et vingt ans plus tard d’une vingtaine d’enfants (lui dit quarante. ..). Il les bat (pas les enfants, les épouses), mais ce tyran domestique a une grande vertu : il croit à l’éducation, aux instituteurs - et pourquoi pas ? à celle du curé. Pour envoyer ses enfants - filles comprises - à l’école, il se ruinerait, le caïd d’EI-Milia.

Et voici pourquoi son fils Bachir, passé de l’école du plateau sétifois à l’université de Grenoble, et des cadres de l’« Efélène » bureaucratisé par Boumediene à une retraite parisienne que l’on espère heureuse, écrit dans la langue d’Anatole France - qui goûtait peu la colonisation - la très émouvante, très critique, très instructive saga d’une famille d’Algérie.

Jean Lacouture.


Avant-propos

À vouloir repousser indéfiniment le temps de parler enfin de ces choses qui brûlent, je m’attendais en fait depuis longtemps à me faire interpeller un jour. Et un jour, au cours d’une énième discussion apparemment anodine sur sa « beurité », elle a posé le problème simplement, à sa manière : « Ne te trompe pas, papa, m’a dit ma fille, je suis et je me sens française jusqu’au bout des ongles, mais je voudrais aussi savoir d’où je viens. Mes souvenirs sont vagues et j’ai peu connu les miens, ceux de l’autre côté. Tu nous as peu parlé de ton pays d’origine, et puis tu ne nous as pas appris l’arabe. Je t’en veux pour cela, j’ai l’impression de manquer d’une dimension, d’avoir été frustrée de quelque chose. À défaut d’en parler, j’ai envie que tu écrives, que tu me dises comment tu as vécu, comment étaient tes parents, tes frères et tes sœurs, comment c’était là-bas ! C’est peut-être idiot, mais j’en ai besoin ! »

J’ai senti que chez mes deux fils, l’attente n’était pas moins grande. Alors, j’ai pris à mon tour ma place dans la lignée des conteurs de la tribu.

Mon père, Brahim, né en 1893 et mort en 1985, a été élevé dès sa plus petite enfance par son grand-père Saad, un taleb, lui-même né vers 1843 et mort en 1916 dans ses bras.

Pour ma part, je suis né en 1937 et j’ai quitté l’Algérie, mon pays natal, en 1972. C’est donc une période de plus de cent ans de l’histoire de ma famille et de trente ans de la mienne propre que je raconte dans ces pages.

J’en ai relaté les événements et décrit les personnages d’après ce que m’ont transmis mon père qui les tenait lui-même de son grand-père, et ma tante, la sœur aînée de mon père, qui savait raconter merveilleusement les choses ; et aussi les deux épouses de mon père qui furent mes deux mères.

J’ai, bien sûr, interrogé ma propre mémoire. A-t-elle été fidèle ? Il est des sujets, des souvenirs sur lesquels je n’ai pas toujours souhaité m’attarder parce que, même lointaine dans le temps, la douleur qui s’y rattache est encore vive. J’ai assisté, souvent de près, aux grands bouleversements qu’a connus l’Algérie. Une enfance et une adolescence ordinaires d’un petit Arabe colonisé, relativement privilégié, qui croyait que c’était cela la normalité du monde. La violence de la guerre de libération, les souffrances et les drames qu’elle a entraînés, je les ai subis, comme tant d’autres de ma génération. Enfin, j’ai vécu intensément l’Algérie des folles chimères et des déceptions douloureuses, l’Algérie qui, aussitôt libérée, s’est empêtrée dans son avenir, devenu son calvaire...

En relatant l’itinéraire de ma famille et le mien propre dans leurs contextes d’alors, j’ai été amené à découvrir, à déterrer ce qui me paraît avoir été soigneusement remisé. Longtemps, pour le colonisé que j’étais, il n’y avait aucune échappatoire, si ce n’était de « mijoter » dans mon état de dominé et d’accepter comme une fatalité l’ordre établi : tout était obscur dans ma tête et j’étais bien incapable alors de dire les choses et les événements comme je peux le faire aujourd’hui. Ces faits, ces lois imposées par le plus fort au plus faible, ces « mécanismes » de domination, ces répétitions de l’histoire, mélange d’intolérance et d’archaïsmes par les humiliés d’hier devenus bourreaux à leur tour, depuis longtemps, je les savais. Mais une chose est de savoir, une autre est de redécouvrir, à travers ses souvenirs, sa propre histoire, de façon presque charnelle.

Je n’ai pas voulu faire œuvre d’historien : ceux qui passent leur vie à rechercher et à connaître le passé des hommes sont plus distants que je ne l’ai été par rapport à l’objet de leur étude, ils ne jugent pas, ils ne s’offusquent pas, ils ne souffrent pas... Mais j’ai écrit aussi en pensant à tous ceux qui sont autant là-bas qu’ici, qui ont leurs racines là-bas et leurs fruits ici et que cela pourrait intéresser. J’ai moi-même bénéficié de deux chances que je ne voulais pas garder pour moi tout seul. D’abord celle d’avoir pu connaître et apprécier de l’intérieur deux sociétés, deux langues, j’allais écrire deux cultures, enfin presque. Ensuite celle d’avoir vécu et grandi dans cette famille-là, la mienne, avec autant de frères et de sœurs dont je garde de merveilleux souvenirs, d’y avoir été heureux en dépit des privations et de la complexité des relations avec notre père.

Bachir Hadjadj


L’internaute lira avec intérêt, la présentation très originale de Jean Kersco http://dakerscomerle.blogspot.com/s...


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