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En mémoire de Louis Ferriol, cérémonie du souvenir à St Genest Mallifaux

mardi 4 mai 2010, par Claude GRANDJACQUES

Cérémonie émouvante du souvenir à St Genest Mallifaux le mercredi 28 avril 2010 à St Genest Mallifaux en mémoire de Louis Ferriol,


Cérémonie du souvenir à St Genest Mallifaux

En mémoire de Louis Ferriol, cérémonie du souvenir à St Genest Mallifaux.

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Stèle commémorative pour Louis Ferriol

Lors de la rédaction du livre « Des Miages aux djebels », j’avais pris contact avec Monique, l’une des sœurs de Louis, pour obtenir des renseignements sur son frère. Nous avions gardé le contact. Elle m’a donc tout naturellement invité à participer à la cérémonie du souvenir organisée par la section locale de la FNACA de St Genest Mallifaux (42660) : le 28 avril 2010, elle honorait la mémoire d’un enfant du pays, Louis Ferriol, mort pour la France, en Algérie.

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Les porte-drapeaux.

Cette cérémonie émouvante du souvenir était présidée par François ROYON, président la section locale de la FNACA, lui-même ancien d’AFN. Il avait servi en Algérie ainsi que deux de ses frères.

Etaient également présents, les anciens d’AFN de la section FNACA de St Jeures d’Ay ( Ardèche). Son président, Marcel MANDON évoquera avec beaucoup de coeur l’amitié qui liait Louis et Bernard DEYGAS, décédé l’an dernier. Celui-ci était présent lorsque Louis s’est fait tuer le 29 avril 1960. Il était également sur place lorsque tomberont peu après François CHAVOUTIER, et mon frère Alain.

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Louis Ferriol
Louis Ferriol

Tous les trois étaient issus de familles nombreuses. Louis avait 5 frères et sœurs dont deux ont servi en Algérie. Alain avait 7 frères et sœurs

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Alain Grandjacques

François avait 8 frères et sœurs.

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François Chavoutier

À propos de ce dernier, dans un de ses derniers courriers, Alain m’écrira écrira depuis Aït el-Azis, le 30.05.1960 « Demain, je descends à Tizi-Ouzou, ainsi que toute la section pour aller à l’enterrement du copain tué à notre dernier accrochage. C’est la fête des mères mais il y a une mère de 9 enfants qui n’aura pas une bonne fête cette année. En effet, ce copain est d’une famille nombreuse… »

Louis était un des meilleurs camarades d’Alain. A partir des courriers de mon frère publiés dans le livre « Des Miages aux djebels. Notre guerre d’Algérie. Alain, André, Bernard et Claude », j’avais à ma disposition suffisamment de matériaux pour reconstituer le destin de la SEM à Aït El Azis en 1960.

Je garde en outre un souvenir assez précis de cette région pour y être allé à deux reprises : dernièrement en 2004 pour terminer le livre et il y a près de cinquante ans, un dimanche de juin 1961 en compagnie de ma mère. Nous y avions été reçus avec beaucoup d’égards, par les officiers et sous officiers de la 3e Compagnie. Nous avions fait connaissance de l’un des derniers camarades de section d’Alain, servant encore sur place, Bernard Deygas avec qui nous effectuerons le dernier parcours d’Alain.

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La SEM en juin 1961 à Aït El Azis. Au centre les bras croisés, Bernard Deygas

Il était éclaireur de pointe. De petite taille, mais d’un sang froid et d’une audace tranquille, il avait réussi à déjouer le piège tendu à Aït Hatta par le soldat de l’ALN qui, à son tour, paya de sa vie sa témérité.

Bernard sera présent dans mes pensées lorsque je m’adresserai à Louis au cours de cet hommage poignant en présence d’une assistance nombreuse composée surtout d’anciens combattants.

Mon cher Louis.

Tu étais le camarade de mon frère Alain : non seulement vous vous connaissiez depuis plus d’un an, mais vous partagiez le même quotidien à la SEM, la section d’éclaireurs de montagne, commandée par l’adjudant-chef Morand, un solide montagnard que vous aviez en haute estime.

Comme à cinq semaines de distance, en tombant au même endroit et dans les mêmes circonstances, vous avez connu le même destin tragique, tu ne m’en voudras pas, j’en suis convaincu, en évoquant ton souvenir, d’associer non seulement celui d’Alain qui, par ses lettres, m’a permis de faire ta connaissance, mais également le destin de la SEM dans les Akbils.

Faire revivre cette période c’est pour les tiens ou ceux qui t’ont connu, te faire revenir un moment parmi nous et te présenter à ceux qui n’ont pas eu la chance de te côtoyer.

Les premiers jours de mars 1960, la 3e Compagnie du 7e BCA quitte les Ouadhias, une bourgade de plaine de la Grande Kabylie, pour les Akbils, « un bled abominable » m’écrira Alain, une région tourmentée, accidentée et isolée, accrochée aux pentes nord du Djurdjura.

La Compagnie s’installe à Aït El Azis, un petit village perdu à 1000 mètres d’altitude, où la notion d’horizontalité est inconnue.

Les lieux sont dominés par l’Azrou Tidjer qui culmine à 1962 mètres. Votre nouveau poste n’est pas très éloigné à vol d’oiseau du Col de Tirourda qui à 1750 mètres permet de franchir la chaîne du Djurdjura, et facilite les relations entre la vallée de la Soummam et la région de Michelet par une route vertigineuse.

C’est aux flancs de ces montagnes tout à la fois magnifiques, sauvages et hostiles que s’est réfugié un groupe de combattants aguerris de l’ALN après avoir échappé aux filets de l’opération Jumelles.

Nos ennemis d’alors apprécient d’autant moins votre implantation et votre action sur le terrain que le lendemain de votre arrivée, en neutralisant une cache, ils perdent deux d’entre eux tandis que quatre autres sont faits prisonniers.

Ils voudront donc prendre l’initiative. Quelques jours plus tard, le 10 mars 1960, un commando de l’ALN montera une embuscade de nuit qui aurait pu tourner au désastre. Le groupe de la SEM sera pris sous le feu nourri d’armes automatiques et devra se replier en transportant un chasseur blessé à la jambe. Cela se passait il y a cinquante ans, à Aît Ouakour.

Pour gagner la forêt de Makouch où vous alliez souvent nomadiser et monter des embuscades, il fallait cheminer par un sentier muletier tracé à flanc de montagne. Ce sentier reliait successivement plusieurs villages, Ait Hatta, un peu plus haut Aït Ouakkour, (les noms de ces deux villages sont du reste inversés sur la carte), enfin les villages d’Aït Mislaine.

La traversée de nuit des quelques mechtas d’Ait Hatta était un point de passage obligé et représentait un véritable danger. Les constructions encadraient le sentier transformé en une ruelle étroite, un véritable coupe-gorge où allait t’attendre à l’affût, dans l’obscurité, un soldat de l’ALN, avec son fusil de chasse.

C’est là dans cette ruelle étroite que tu tomberas le 29 avril 1960, il y a cinquante ans.

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La ruelle d’Aït Hatta

Alain tombera à son tour 5 semaines plus tard le 8 juin au même endroit. Entre-temps, François Chavoutier, ton camarade de Tarentaise sera mortellement blessé au cours d’un accrochage à Aït Mislaine le 26 mai. Le soldat de l’ALN auteur des coups de feu, finira à son tour par être tué par un de vos camarades de section.

Aujourd’hui, certains de vos camarades de la SEM dont les rangs se sont clairsemés avec les années, les anciens combattants de la région du Pilat et ta famille, mon cher Louis, la mienne, celle de François présente par la pensée, sont réunis pour honorer ta mémoire et te dire qu’ils ne vous ont pas oubliés.

Malgré la peine immense de la séparation, nous vous disons que nous restons fiers de vous, car dans la tourmente de cette guerre qui aurait dû être évitée, vous êtes toujours restés fidèles aux valeurs reçues de vos parents qui vous avaient inculqué une certaine conception de l’homme.

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Louis Ferriol tient dans ses bras une petite fille de Kabylie.

Il y a en effet, des façons d’être qui ne trompent pas. Je ne te connais en effet qu’à travers les courriers d’Alain et les photos que m’ont transmises vos camarades. Parmi celles que j’ai eues en main, celle où tu tiens tendrement dans tes bras cette petite fille de Kabylie, habillée de vêtements que vous aviez fait venir de France, traduit bien ta générosité et ton attention à la misère que vous rencontriez. Comme ton copain Alain qui voulait revenir en Grande Kabylie comme instituteur, tu aimais les enfants.

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Alain voulait revenir en Grande Kabylie comme enseignant.

Pour votre façon d’être, vous étiez et restez pour nous et vos familles la référence, des modèles d’abnégation, des modèles d’attention aux autres, des modèles de fidélité à notre pays la France que nous continuons à aimer malgré ses erreurs dans la conduite de ce drame que constitue la guerre d’Algérie.

Vos destins héroïques illustrent, si besoin était, le sacrifice consenti en Algérie par toute une génération engagée à combattre pour une cause dont les enjeux la dépassaient.

Au fait, j’allais oublier. Je vous donne à tous les trois une information supplémentaire qui va vous intéresser : il y aura bientôt cinq ans, je suis retourné à Aït El Azis en compagnie de Yazid, mon gendre dont les racines plongent en Algérie.

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Monument aux morts d’Aït El Azis

La première chose que j’ai vue en arrivant au village est le monument aux morts. La liste en est impressionnante et prouve un engagement de longue date des villageois du côté des partisans de l’indépendance.

Sur place, nous y avons été accueillis à bras ouverts par Ali et Hamiche qui nous ont conduits jusqu’à Aït Atta où nous avons bien pensé à vous. L’un des habitants des mechtas à qui j’expliquais le but de ma visite voulait nous retenir à midi pour partager son repas.

Ce nid d’aigle n’a pas beaucoup changé : nous avons même visité ce qui reste du poste et vu la DZ qui vous a vus partir pour Tizi Ouzou. Hamiche qui avait 16 ans lors de votre séjour se rappelait parfaitement de cette époque : il a même donné les noms de certains officiers ou sous-officiers : j’ai pu vérifier l’exactitude de ses souvenirs. À aucun moment il n’a dit du mal des militaires du poste.

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De droite à gauche : Hamiche, Claude, Ali à Aït El Azis en décembre 2004.

« C’était la guerre ! Tu reviens quand tu veux. » m’a dit Hamiche que nous avons embrassé avant de nous séparer.

Sur place, nous avons retrouvé l’âme kabyle que vous aimiez.

C’est pourquoi, dorénavant, en pensant à vous, nous penserons également au destin tragique de ce peuple qui continue à souffrir et dont vous étiez si proches.

Ce sera une façon de vous garder bien vivants dans nos cœurs.

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