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De l’alphabétisation à la résistance

lundi 14 février 2011, par Alain Bentolila

Le linguiste met en garde contre les risques d’une alphabétisation dans les pays arabes qui crée une confusion avec la religion.

Ce ne fut pas le choix d’une langue nationale que l’on offrit au peuple algérien, c’est un nouveau joug qu’on lui imposa : la langue du religieux remplaça celle du colonisateur.


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Alain Bentolila, linguiste

Lorsqu’ Emmanuel Todd rappelle que ce sont les progrès de l’alphabétisation qui, en Tunisie, en Égypte et sans doute bientôt ailleurs, portent une prise de conscience collective et animent les mouvements de révolte, il n’a qu’en partie raison. Il oublie en effet de s’interroger sur la nature et la qualité de cette alphabétisation. Car il est des formes d’alphabétisation plus enfermantes encore que l’analphabétisme. Ce sont celles qui font des textes l’instrument d’une manipulation intellectuelle féroce, celles qui font de l’écrit un mot d’ordre de repli et de refus de l’autre, celles qui asservissent plus qu’elles ne libèrent. Cette alphabétisation-là, de nature confessionnelle, s’est bien gardée de former des esprits libres et ouverts. Les premiers temps de révolte passés, je crains bien que ne fassent défaut à l’intelligence collective la fermeté et l’ouverture d’esprit autorisant la rigueur de l’analyse, la justesse de la critique, la pertinence des propositions.

Apprendre à lire, c’est le contraire même de la révélation, c’est la voie de la conquête intellectuelle. Le refus obstiné de l’obscurantisme. C’est sur la base de ces réflexions que l’on doit oser faire aujourd’hui une analyse sans complaisance de l’arabisation de l’école en Algérie (et ailleurs). Entreprise délicate, ouvrant aux pires malentendus ; mais analyse nécessaire.

N’en doutez point, si j’avais été à la place du ministre de l’Éducation en Algérie, à l’aube de son indépendance, j’aurais sans la moindre hésitation décidé que l’arabe deviendrait illico la langue d’enseignement de l’école algérienne. Juste revanche sur l’histoire coloniale, juste décision d’adapter une école à la langue et à la culture de ses élèves. Mais j’aurais choisi l’arabe dialectal et surtout pas l’arabe classique.

Le choix des nouveaux maîtres de l’Algérie au lendemain de son indépendance, fut malheureusement l’arabe classique, langue du Coran et langue que l’on voulait être celle de tous les musulmans. Panarabisme et affichage religieux furent les ressorts d’une décision qui signa la faillite de l’école algérienne. Elle eut deux conséquences désastreuses : la première fut de précipiter des élèves ne parlant que le dialectal ou le berbère dans une école qui leur parlait dans un arabe littéral qu’aucun d’eux ne comprenait. La deuxième conséquence est encore plus grave. En choisissant la langue du Coran, on a choisi une conception de la lecture et de son apprentissage qui déniait au lecteur son droit essentiel de compréhension et d’interprétation.

Lire le Coran et le savoir par cœur sont deux choses qui sont intimement liées dans l’école coranique. En faisant de la langue religieuse la langue de l’école algérienne, on priva cette dernière de sa laïcité et de fait on dissuada les élèves de se faire leur propre idée d’un texte. On introduisit ainsi dans cette école une conception confessionnelle de la lecture : la capacité de lire serait donnée d’en haut, elle tomberait sur l’élève-croyant comme elle tomba sur le prophète. Elle ne serait en aucune façon le fruit d’une conquête, d’un effort personnel, encore moins l’instrument d’une liberté de pensée, mais le fruit d’une révélation. Lorsque la langue du sacré investit l’école, se trouvèrent confondus en une mêlée confuse verbe et incantation, lecture et récitation, foi et endoctrinement. Le caractère sacré de l’écrit le rendit impropre à la compréhension, la quête du sens apparut vite dangereuse, profanatrice et impie. S’ouvrit le risque de ne donner à un texte qu’une existence sonore, de se contenter l’apprendre par cœur, en se gardant d’en découvrir et d’en créer le sens. En bref, le choix de l’arabe classique induisit pour le plus grand malheur de l’école une démarche d’apprentissage qui interdit la juste lecture, la juste écriture ; et ce, en arabe comme en français. Car on n’apprend pas à lire deux fois : le français, dans les pays du Maghreb, a pâti du malentendu cognitif noué avec l’arabe classique. Ce ne fut donc pas le choix d’une langue nationale que l’on offrit au peuple algérien, c’est un nouveau joug qu’on lui imposa : la langue du religieux remplaça celle du colonisateur.

Tel est le vrai visage de l’arabisation en arabe classique ; telle fut l’alphabétisation en latin, et l’obstination de certaines yeshivas à ne pratiquer que l’hébreu ancien. Ces choix privent les peuples de leur chance d’apprendre librement à lire et à écrire dans la langue vivante de leur patrie et elle les empêche d’apprendre à lire tout court. À l’aube des profonds bouleversements qui ébranlent le monde arabe, la Tunisie, le Maroc, l’Algérie comme l’Egypte ont à décider d’une rupture radicale entre école et religion. Ils doivent comprendre que la seule alphabétisation honorable, la seule porteuse d’un espoir futur de démocratie participative, doit se faire dans la langue que parlent les peuples de ces pays. Ils doivent comprendre que la capacité de lire n’est en aucun cas octroyée au nom d’un dieu ou d’un prophète, mais que c’est un droit que l’on exerce, un pouvoir que l’on conquiert.

Article publié dans le Figaro du lundi 14 février 2011 dans la rubrique débats opinions. Sa pertinence m’a paru telle que je me suis senti obligé d’en élargir le cercle de lecture, tout en précisant que je ne pourrai pas faire suivre les messages qui pourraient être destinés à l’auteur de l’article dont une prtie des travaux figure dans la pièce jointe

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Biographie de Alain Bentolila http://dictionnaire.sensagent.com/a... Voir également http://sites.radiofrance.fr/francei...

8 Messages de forum

  • De l’alphabétisation à la résistance 14 février 2011 18:54, par Mohand

    Je suis tout à fait d’accord avec vous, Monsieur Alain Bentolila, sur l’ensemble des idées que vous traitez dans cet article, que la langue classique adoptée par l’école algérienne au lendemain de l’indépendance par panarabisme et aussi parce que c’est la langue du coran est étrangère aux langues maternelles des algériens. Malheureusement c’est une langue figée parce que ne bénéficiant pas de l’enrichissement qu’apporte à une langue sa pratique dans la rue et les foyers et sa sacralisation a effectivement introduit dans son apprentissage une dimension confessionnelle largement favorisée par le profil de beaucoup des premiers enseignants issus des zaouias et surtout à partir des années 1970 par l’arrivée de vagues de coopérants égyptiens adeptes des frères musulmans. Là où je ne vous suis pas c’est lorsque vous parlez du choix de la conception de la lecture et de son apprentissage. Quand vous écrivez : « la capacité de lire serait donnée d’en haut, elle tomberait sur l’élève-croyant comme elle tomba sur le prophète. Elle ne serait en aucune façon le fruit d’une conquête, d’un effort personnel, encore moins l’instrument d’une liberté de pensée, mais le fruit d’une révélation. » pensez-vous qu’actuellement l’apprentissage de la lecture au sein de l’école algérienne répond à cette conception ? Pourriez-vous nous dire sur quoi vous basez-vous ? Des faits, des observations, des études sur le terrain ?

    • De l’alphabétisation à la résistance 18 février 2011 18:40, par BEntolila

      Une de mes étudiantes algérienne de Bougie fait une thèse’ sur la lecture dans les écoles algériennes : 78 % d’élèves de 6° sont trés faibles en français et parmi eux plus de -à% sont trés faibles en arabe. Professeur Alain BENTOLILA

      • De l’alphabétisation à la résistance 19 février 2011 20:43, par Mohand

        Oui c’est vrai que les élèves de 6e sont très faibles pas seulement en français mais aussi en arabe et je le dis en connaissance de cause. Mais est ce que cela est dû au fait que les élèves et leurs enseignants croiraient qu’apprendre à lire est un don de dieu comme vous le déclarez dans votre article sur le Figaro ? Pensez-vous qu’il y aurait d’autres causes à ce très faible niveau ? J’aimerais bien avoir votre analyse en tant qu’éminent linguiste. Merci

        • De l’alphabétisation à la résistance 20 février 2011 14:12, par BEntolila

          Plus de 50 % d’analphabètes au Maroc, plus de 60 % au Sénégal, plus de 80 % en Haïti : voilà l’état dans lequel se trouve la francophonie dont nous sommes si fiers. Certes émergent de ces populations qui ne savent ni lire ni écrire quelques plumes d’exception qui manient merveilleusement la langue française ; certes nous éblouissent de leur talent d’orateur quelques universitaires que les campus américains n’ont pas encore séduits ; certes nous enchantent par leur capacité de citation littéraire quelques esprits brillants. Ce sont eux qui font le charme un peu désuet, mais combien agréable, de ces soirées d’ambassade, de ces débats où l’on se sent si bien entre nous. Ces « survivants » ne doivent en aucun cas nous cacher une réalité épouvantable : celle de ces millions de petits enfants qui entrent dans le couloir de l’analphabétisme dès l’instant où ils poussent la porte de l’école. Un enfant ne peut apprendre à lire et à écrire dans une langue qu’il ne parle pas. Quelle que soit la méthode de lecture choisie, quelle que soit la démarche pédagogique empruntée, cet enfant a fort peu de chance de parvenir à lire et à écrire. Les systèmes éducatifs marocains, algériens, et subsahariens sont des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec parce qu’ils n’ont jamais voulu (ou su) résoudre la question qui les détruit : celles des choix linguistiques. Arriver à cinq ou six ans dans une école et y être accueilli dans une langue que sa mère ne lui a pas apprise est pour un enfant une violence intolérable. Être confronté à des mots écrits qui ne correspondent à rien dans son intelligence est pour un élève la promesse de ne jamais apprendre à lire. Prenons le cas, par exemple, de la plupart des petits Sénégalais. Ils arrivent à l’école en parlant wolof ou serer, et pratiquement pas un mot de français. Cela signifie qu’ils n’ont aucun dictionnaire mental constitué au moment d’entrer dans l’apprentissage de la lecture. Leur maître d’école va, tant bien que mal, tenter de leur inculquer les mécanismes des relations qui, dans notre langue, relient les lettres qui composent les mots aux sons qui leur correspondent. Ces élèves vont parvenir laborieusement à mémoriser ces correspondances et donc être capables de traduire en sons du français ce qu’ils découvrent en lettres de notre alphabet. Mais à quoi rime cette nouvelle compétence si chèrement acquise si le bruit du mot ainsi fabriqué n’active rien dans le cerveau de l’enfant, tout simplement parce qu’il ne possède pas le moindre vocabulaire français ? À rien, bien sûr. À rien ! Ne l’oublions pas, apprendre à lire ce n’est pas apprendre une langue nouvelle, mais retrouver, sous une autre forme, une langue que l’on connaît déjà. La tragédie du petit Sénégalais est la même que celle du petit Haïtien créolophone brutalisé par une école en français ; elle est encore pire pour le petit Marocain qui, s’il est berbérophone, doit franchir une triple barrière : arabe dialectal, puis arabe classique, puis français. S’il est arabophone, il doit tout de même s’accommoder (mais comment le peut-il ?) à l’arabe classique, puis au français, condition de sa réussite sociale. Pour tous ces enfants, apprendre à lire est une mission impossible. Malgré tous leurs efforts, malgré toute leur volonté, la maîtrise de l’écrit reste inaccessible. L’école de ces pays préserve jalousement les privilèges linguistiques culturels et sociaux d’une élite, d’ailleurs de moins en moins francophone, pour le plus grand malheur de l’immense majorité de leurs populations. Bien des réformes, des chartes, des plans se sont succédés ; aucun n’a réussi à imposer la nécessité de construire un système éducatif au service d’un développement endogène. La faillite de l’école marocaine, algérienne, sénégalaise… est une des causes de la fuite aveugle des échoués du système. Seule une redéfinition de l’éducation sur la base de véritables choix linguistiques et économiques peut constituer un horizon d’espoir pour ces peuples. C’est aussi, à long terme, pour la France la seule réponse sérieuse à une immigration que la désespérance rendra de plus en plus incontrôlable. S’il est une promesse que l’école de ces pays doit tenir, c’est celle de distribuer de manière équitable les chances de participer utilement à la vie économique et sociale de sa communauté ; cela passe par la maîtrise de la langue maternelle ET du français. Sans cela, elle laissera sur le bord du chemin une part de plus en plus importante de sa population et formera des candidats désespérés à l’immigration ou des proies faciles pour le premier prédicateur venu. En insécurité linguistique dans leurs langues maternelles comme en français, les échoués du système sont incapables de mettre en mots le monde, incapables de contribuer efficacement au développement de leur pays. Car il ne faut pas croire que, faute de savoir parler, lire et écrire le français, ils maîtriseront leurs langues nationales. Loin de là. Des enquêtes récentes menées au Maroc montrent que parmi 11 000 étudiants des universités de Casablanca, plus de 40 % ont autant de difficulté en français qu’en arabe. Incapables de prendre des notes, incapables de lire un article de quelques pages en quelle que langue que ce soit.

    • l’école algérienne au lendemain de l’indépendance par panarabisme et aussi parce que c’est la langue du coran est étrangère aux langues maternelles des algériens. Diamond Style IOLI100 Smart Phone

  • De l’alphabétisation à la résistance 24 février 2011 22:48, par Barnabooth

    La lecture de l’article du Professeur Alain BENTOLILA m’a amené à découvrir, pour la première fois de ma vie, la constitution de la l’État algérien (partiellement !) ainsi que les lois d’arabisation de 1991 et 1996. Pour cela, je lui suis extrêmement reconnaissant, car sur ce point je n’avais, jusqu’à présent, sur al question, qu’un simple point de vue politique, donc superficiel.

    Ce qui me frappe surtout dans son article, c’est que, pour le Professeur Alain BENTOLILA, l’alphabétisation doit viser à former des « esprits libres et ouverts ». Cela me paraît nettement insuffisant. Pour ma part, je considère que l’alphabétisation (l’école) doit d’abord former l’esprit critique des élèves.

    En effet, que veut dire « libre et ouvert », si on est dépourvu de toute puissance critique ? Sans formation à la critique, l’homme est ouvert à toutes les modes, à tous les clichés, à toutes les propagandes, à toutes les transgressions qu’on lui suggérera. Il ne pensera plus par lui-même, il adoptera les idées de tout le monde, les idées majoritaires, les idées dominantes. Ainsi, dépourvu d’esprit critique, devenu homme du troupeau, il sera l’objet de toutes les manipulations faites par les chefs du troupeau au nom de la liberté et de l’ouverture (pour ce qui notre société), pour la religion (pour d’autres). Tout ce qu’il lira dans les journaux, entendra, ou verra à la télévision, du moment qu’il s’agira d’opinions dominantes, il les adoptera. Pire même, il s’imaginera qu’il est parvenu tout seul à cette opinion.

    Pour le Professeur Alain BENTOLILA, l’école qui ne forme pas des hommes à l’esprit libre et ouvert, c’est une école obscurantiste. J’accepte, bien sûr, ce critère, même si, comme je viens de l’exposer, il me paraît nettement incomplet.

    Et quelle est la cause de cet obscurantisme ? C’est, nous dit-il, l’école confessionnelle.

    Je suis au regret de faire observer au Professeur Alain BENTOLILA qu’il ne prend pas assez en compte l’histoire de chacune des sociétés et raisonne de façon trop générale.

    Ainsi, en Europe, c’est l’Église qui a gardé l’héritage des grands penseurs de l’Antiquité et l’a propagé, c’est elle qui a organisé des débats sur les questions théologiques, qui ont forgé notre personnalité occidentale.

    Ce sont des personnalités issues son enseignement qui ont procédé aux premières découvertes scientifiques. C’est par le concept chrétien de libre-arbitre que s’est formé la notion de liberté. Un Luther, un Calvin, ne sont pas apparus par hasard. Ils sont le résultat de siècles de discussions et de polémiques théologiques à l’intérieur de l’Église. Bien sûr, tout cela ne s’est pas fait toujours en pleine harmonie. Il y eut l’inquisition. Mais, progressivement, l’esprit de discussion, de critique et d’ouverture s’est répandu dans la société jusqu’à la Philosophie des Lumières au 18ème siècle.

    Donc, on peut avancer, à travers l’exemple de l’Occident, que toute religion n’est pas obligatoirement synonyme d’enseignement obscurantiste, au contraire de ce que le Professeur Alain BENTOLILA semble penser.

    L’article du Professeur Alain BENTOLILA a pour objet essentiel de dénoncer l’arabisation de l’école en Algérie. Il y voit une cause, c’est l’arabe, langue du Coran nous dit-il. Mais l’arabe classique qui y est enseigné, c’est plutôt l’arabe classique moderne, d’après mes informations, formé au 19ème siècle au Proche-Orient. Ce n’est donc plus l’arabe du Coran. En outre, l’enseignement de la religion musulmane constitue, en Algérie, une matière spéciale, distincte de l’enseignement de l’arabe.

    Quoiqu’il en soit, le Professeur Alain BENTOLILA considère que la sorte de langue arabe enseignée provoque la montée de l’obscurantisme, c’est-à-dire le manque d’ouverture d’esprit et le repli sur soi que l’on constate dans le monde arabo-musulman. Pour le Professeur Alain BENTOLILA, la solution, la voilà : il faut séparer l’école et la religion et enseigner la langue arabe dialectal.

    Certes, je ne suis pas contre l’enseignement de l’arabe dialectal. Mais l’arabe dialectal n’est-il pas lui aussi « langue du Coran », car il est un dérivé direct de l’Arabe du Coran, c’est-à-dire de l’arabe des conquérants arabes du 8ème siècle que les peuples d’Afrique du Nord ont rapidement adopté.

    Je crois que, pour que le Professeur Alain BENTOLILA puisse parvenir à ses fins de laïcité et d’ouverture d’esprit et de non-repli simplement en remplaçant une langue arabe d’un certain niveau par une autre langue arabe, populaire celle-là.

    En effet, l’arabe classique et l’arabe dialectal forment une seule et même langue et qu’elle est le véhicule et le moyen d’expression d’une culture. Le mot culture est pris ici dans le sens de vision du monde et interprétation de ce monde, ce qui implique un certain nombre de situations psychiques propres à chaque culture qu’on ne retrouve dans les autres.

    Par conséquent, si le Professeur Alain BENTOLILA considère qu’il existe une situation de repli et de refus de l’autre dans les pays arabes ou en Algérie, c’est un état psychique qu’il constate, et non pas une défaillance biologique ou mécanique Or, tout état psychique relève de la culture, dont la langue est l’expression.

    Dans cette hypothèse, il conviendrait d’analyser d’abord la spécificité de la culture arabo-islamique, d’en faire ressortir les éléments spécifiques et de rechercher parmi ceux-ci l’élément de culture qui pourrait aider à faire reculer les symptômes de repli et de refus de l’autre que, comme beaucoup d’autres, le Professeur Alain BENTOLILA diagnostique en Algérie.

    Enfin, ayant lu la loi d’arabisation de 1991 et l’ordonnance d’application de 1996, j’observe qu’aucune loi algérienne ne précise la sorte d’arabe que l’on doit enseigner en Algérie, ni même parler dans les institutions étatiques. Par conséquent, le Professeur Alain BENTOLILA peut toujours envisager d’être Ministre de l’Éducation en Algérie, car il pourra, du jour au lendemain, passer à l’arabe dialectal.

    Mais je fais remarquer que 70 % des parents algériens voudraient que leurs enfants apprennent le français dès l’école primaire !

    • De l’alphabétisation à la résistance 25 février 2011 12:00, par Alain BENTOLILA

      Je suis d’accod avec vous sur bien des points qui complètent ou critiquent mon article. Notamment votre insistance juste sur la formation d’un esprit critique, ce que j’appelle " résistance intellectuelle.Sur la question des rapports entre réligion et liberté d’interprétation, j’évoquerais BABEL : Les hommes forgeant patiemment le verbe, affirmèrent leur volonté de comprendre et de dominer ensemble le monde. Leurs échanges qui, en leurs débuts, se limitaient à désigner à l’autre les objets ou les êtres qui les entouraient eurent progressivement à relever un tout autre défi : s’interroger ensemble sur des objets et des phénomènes, tenter d’en expliquer le fonctionnement, essayer de les modifier et de s’en servir pour grandir. Mais surtout, ils eurent à engager un dialogue ferme et fécond permettant d’analyser les propositions de chacun et d’en discuter la pertinence ou la vérité. Ce dialogue exigeant ne devint possible que parce que les hommes de Babel surent se mettre d’accord sur des conventions linguistiques non négociables qui identifiaient clairement chaque mot et qui indiquaient qui faisait quoi, avec qui, où quand, comment et… pourquoi. Les règles organisant la langue, acceptées par tous, furent ainsi le moteur qui permit à l’intelligence collective de s’imposer progressivement à la simple contemplation commune du monde. Règles combinatoires qui distinguent les formes respectives des mots, règles grammaticales qui organisent les phrases s’imposèrent aux hommes à mesure qu’augmentait leur ambition d’imposer au monde (et à Dieu) leur intelligence : la tour de Babel prit ainsi de la hauteur. Car BABEL, c’est le contraire même de la révélation, c’est le symbole de la conquête intellectuelle ; le refus obstiné de l’obscurantisme. Sans ces règles qui les unissaient dans une confrontation fertile, les hommes en eussent été réduits au consensus mou, au théologiquement correct. Ne l’oublions pas ! Les mots, lorsqu’ils ne sont pas guidés par de claires directives grammaticales, glissent sur la pente la plus banale, la plus attendue, la plus prévisible : l’unanimisme interprétatif remplaçant les règles conventionnelles qui seules peuvent porter avec exigence chaque pensée singulière.

      • De l’alphabétisation à la résistance 24 septembre 2012 00:52, par Marcowich

        Monsieur Bentolila écrit : "Ce dialogue exigeant ne devint possible que parce que les hommes de Babel surent se mettre d’accord sur des conventions linguistiques non négociables qui identifiaient clairement chaque mot et qui indiquaient qui faisait quoi, avec qui, où quand, comment et… pourquoi. Les règles organisant la langue, acceptées par tous, furent ainsi le moteur qui permit à l’intelligence collective de s’imposer progressivement à la simple contemplation commune du monde."

        C’est vraiment du roman. Babel est un conte légendaire, rapporté par les Juifs. Il s’agissait certainement d’esclaves de pays différents, parlant des langues différentes et de coutumes différentes, qui se disputaient entre eux. Où a-t-on appris que les hommes de Babel ont fait un accord entre eux sur un"contrat social’ et sur la formation d’une langue ?

        Les faits rapportés par cette légende, s’ils ont existé, ont dû se dérouler vers le 8ème siècle, lors de la déportation des Juifs au pus tôt.

        Même si nous ne les connaissons pas, des millénaires avant Ninive, des cultures ont existé puis disparus et qui avaient déjà une intelligence collective et une langue, sans attendre, comme ce texte semble le prétendre, Ninive et les Juifs qui passaient par là, pour s’ouvrir à l’intelligence collective.

        Il est vrai qu’il se développe dans les "hautes sphères" occidentales) aujourd’hui une nouvelle "théorie", selon laquelle la pensée humaine ne serait apparue qu’avec les trois religions à Dieu unique (la 1ère (et donc "l’aînée") étant le Judaïsme, qui a donné naissance aux deux suivantes : le Christianisme, puis l’Islam.


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