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"Nous attendons avec intérêt de voir d’autres changements en Algérie"

vendredi 8 avril 2011, par Fayçal Métaoui

Alistair Burt. Ministre britannique chargé des Affaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord "Nous attendons avec intérêt de voir d’autres changements en Algérie" article paru dans El Watan du 8 avril 2011.


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Visas, intervention en Libye, coopération... lors de la 5e session de la commission politique bilatérale algéro-britannique, qui s’est tenue cette semaine à Alger, la ministre britannique chargée des Relations avec le monde arabe a fait le point avec El Watan Week-end sur les dossiers d’actualité

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Alistair Burt. Ministre britannique chargé des Affaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord
  • Lors de votre visite à Alger en novembre 2010, vous avez déclaré que « l’Algérie est un partenaire très proche pour le Royaume-Uni ». Quel est le contenu de ce partenariat « très proche » ?

Comme je l’ai constaté depuis que j’ai pris mes fonctions en tant que ministre pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, le Royaume-Uni entretient déjà de très fortes relations avec l’Algérie, des relations qui se sont approfondies durant les quelques dernières années dans nombre de créneaux de grande importance pour les deux pays. J’ai visité l’Algérie cette semaine pour la deuxième fois en tant que ministre chargé des Relations avec le monde arabe à l’occasion d’une réunion qui a représenté pour les deux parties une excellente opportunité pour discuter des questions relatives à ces relations bilatérales ainsi que les moyens à même de les développer davantage dans l’année qui vient. Nous avons de bonnes et croissantes relations commerciales. Les compagnies britanniques continuent à montrer un intérêt accru pour l’Algérie et je suis ravi de dire que beaucoup de ces compagnies activent dans des secteurs hors le secteur traditionnel des hydrocarbures, notamment les services bancaires, pharmaceutiques, la construction ainsi que l’éducation. Les compagnies britanniques peuvent jouer un rôle prépondérant dans la création d’emplois ainsi que le transfert du savoir-faire en Algérie. Elles pourront également accompagner le gouvernement algérien dans son souhait de faire diversifier son économie. Nous avons également d’excellentes relations sur les questions ayant trait à la lutte antiterroriste avec pour cadre la réunion bilatérale annuelle. Le Royaume-Uni et l’Algérie ont une grande expertise qu’ils pourront se partager afin de travailler ensemble dans la lutte contre cette menace commune, le terrorisme, et Al Qaîda en particulier. Notre relation dans le domaine de la défense, qui est déjà forte, s’est renforcée d’avantage suite à la signature de l’accord dans le domaine de la défense en 2009 par le ministre d’Etat à la Défense. Nous avons eu plus d’opportunités de coopération, notamment dans le domaine de la formation et l’échange de visites de courtoisie de navires de part et d’autre. En mars 2010, l’ancien ministre algérien de l’Energie a signé une feuille de route avec son homologue britannique sur une future coopération dans le domaine de l’énergie, notamment renouvelables, un domaine que l’Algérie entend développer grâce au grand potentiel dont elle jouit. Nous souhaiterions pouvoir travailler ensemble sur les questions du réchauffement climatique avant la conférence de Durban.

  • Les investissements britanniques en Algérie demeurent encore faibles par rapport aux capacités des deux pays. Comment relancer la coopération économique pour que le partenariat soit gagnant-gagnant ?

Les compagnies britanniques sont de plus en plus intéressées par le marché algérien. En janvier dernier, l’Algérie a accueilli une délégation commerciale de la Middle East Association, la plus grande qui s’est jamais rendue dans ce pays, avec plus de 35 opérateurs économiques. Les compagnies britanniques tiennent à investir en travaillant avec les partenaires locaux. Comme toutes les autres compagnies à travers le monde, elles souhaiteraient trouver le meilleur environnement possible pour leur investissement en Algérie. GSK, la compagnie britannique qui opère dans le domaine des pharmaceutiques, est le plus grand investisseur du Royaume-Uni dans le secteur hors hydrocarbures. Elle a réalisé un investissement de 25 millions d’euros et produit des médicaments en Algérie pour le marché algérien.

  • Quels sont les secteurs prioritaires qui intéressent la Grande-Bretagne dans cette coopération ? Voulez-vous avoir plus d’accords dans le domaine des énergies ?

Le Royaume-Uni est intéressé par le développement de ses relations avec l’Algérie dans l’ensemble des secteurs. Nous ne nous limiterons pas à certains créneaux seulement. Le Royaume-Uni et l’Algérie travailleront ensemble dans les secteurs qui sont dans l’intérêt commun des deux pays. Concernant l’énergie, je suis ravi que BP ait décidé de maintenir sa présence en Algérie. La feuille de route signée l’année dernière sur une coopération future dans le domaine de l’énergie nous offre une voie claire pour mettre en œuvre cette coopération. Le Royaume-Uni accueille avec grand enthousiasme les plans ambitieux de l’Algérie concernant les énergies renouvelables. Malgré le fait que nous n’ayons pas de soleil autant que vous en Algérie, je suis sûr que les compagnies britanniques se sentiront capables de soumissionner pour de futurs projets d’exploration en Algérie. Les compagnies pétrolières britanniques se trouvent déjà parmi les plus grands investisseurs en Algérie, mais il existe un grand nombre d’opportunités ici pour que les compagnies britanniques qui travaillent dans le secteur des hydrocarbures puissent commencer un business ici.

  • Comment évoluent les relations dans les domaines de la sécurité et de la défense entre les deux pays ?

Les relations bilatérales dans le domaine de la défense et la sécurité sont d’ores et déjà très fortes. Comme je l’ai déjà dit, nous avons maintenant établi un dialogue bilatéral sur les questions ayant trait à la lutte antiterroriste. Nous partageons tous les deux le désir de voir la fin du terrorisme dans la région du Sahel et nous discuterons avec l’Algérie ainsi qu’avec nos autres partenaires dans la région pour identifier les meilleurs moyens à même de nous permettre de faire progresser ce programme. L’Algérie a un rôle-clé à jouer dans la région dans l’élimination de cette menace à laquelle la région fait face. Notre accord dans le domaine de la Défense représente une base assez claire pour une plus grande coopération dans le domaine, mais nous travaillons déjà ensemble sur un nombre de questions, y compris la formation.

  • Les Algériens se plaignent de n’avoir pas facilement de visas de circulation pour la Grande-Bretagne. Avez-vous pris des mesures pour améliorer la libre circulation des personnes ?

Je sais que la question des visas est importante pour beaucoup d’Algériens. Nous avons un système de visa qui travaille pour respecter les engagements pris et qui est rapide et efficace. Afin de s’assurer que le visa est prêt à temps, il est important de faire sa demande le plus tôt possible. Les demandes de visa peuvent être effectuées jusqu’à trois mois avant la date du départ. Nous avons récemment annoncé que toutes les demandes se feront maintenant en ligne à partir d’Alger et j’espère que ceci facilitera le processus de demande pour les Algériens. Les politiques du Royaume-Uni concernant les visas sont claires et nous n’accepterons aucune personne qui chercherait à abuser des lois de l’immigration britanniques. Nous continuerons par ailleurs à accueillir les voyageurs sincères, ceci va de ceux qui souhaitent visiter pour des vacances à d’autres comme les hommes d’affaires et les étudiants.

  • Comment percevez-vous les relations de votre pays avec l’ensemble maghrébin ?

L’Algérie a un rôle très important à jouer dans la région du Maghreb. Nous souhaiterions vivement voir les pays de la région travailler ensemble d’une manière plus étroite dans leurs intérêts communs et ceci sur nombre de questions, du commerce à la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Ceci est essentiel dans la promotion du développement économique dans la région.

  • Des régimes sont tombés à Tunis et au Caire, d’autres sont sur la même voie, en Libye et au Yémen. Quelle analyse faites-vous des causes de ces révoltes populaires ? L’Occident n’a-t-il pas été complice pendant longtemps de dictatures dans la région arabe ?

L’un des faits les plus remarquables dans les événements historiques, qui se sont déroulés en Egypte et en Tunisie durant ses dernières semaines, est que ceci n’est pas un mouvement idéologique ou extrémiste, mais plutôt un mouvement du peuple – une expression d’aspirations émanant principalement d’une nouvelle génération assoiffée de libertés politiques et économiques. Bref, elle appartient à ceux qui veulent faire quelque chose de leur vie, et d’avoir une voix. Ce mouvement appartient à une nouvelle génération pour laquelle la technologie – l’internet et les média sociaux – est un outil puissant entre les mains des citoyens, et non un moyen de répression. Certains ont soutenu, des décennies durant, que la stabilité requérait des régimes qui exercent un grand contrôle sur leurs peuples, et que la réforme et la transparence compromettent cette stabilité. Alors, cet argument a fait son chemin et des pays tels que la Grande-Bretagne ont fait face à un choix entre nos intérêts et nos valeurs. Et pour être honnête, nous devrions admettre que nous avons parfois fait des calculs similaires par le passé. Mais nous disons que ceci est un mauvais choix. Comme les événements récents l’ont confirmé, refuser aux gens leurs droits élémentaires ne préserve pas la stabilité mais plutôt le contraire.

Nos intérêts consistent à soutenir nos valeurs – en insistant sur le droit aux protestations pacifiques, à la liberté d’expression et à l’accès à internet, à la liberté de rassemblement et à l’Etat de droit. Notre partenariat avec la région MENA est basé sur un futur économique partagé puisque nous avons besoin que nos économies de croître et se diversifier dans ce monde mondialisé plein de défis. Et notre partenariat se repose bien sûr sur des intérêts sécuritaires communs, surtout que nous faisons face à la menace terroriste qui nous vient de l’extrémisme. Mais plus principalement, loin d’aller à l’encontre de ces intérêts vitaux de prospérité et de sécurité, nous croyons que la réforme politique et économique dans le monde arabe est essentielle pas seulement dans la mise en valeur de ces intérêts vitaux partagés, mais en tant que garant à long terme d’une stabilité nécessaire pour le renforcement de nos relations et pour la prospérité de nos sociétés respectives.

Il y a un risque que des jeunes personnes soient isolées et deviennent plus enclines à adopter le discours pernicieux de différence et de victimisation qui peut mener à l’extrémisme. Les jeune gens aspirent à quelque chose de meilleur, à ce que leurs droits soient respectés et à un gouvernement responsable qui rend des comptes. Ils veulent des systèmes et des sociétés en lesquels ils peuvent croire. Ceci est un problème pour le monde arabe, mais il est également un problème pour le reste du monde. C’est pour cela qu’une reforme politique et économique dans le monde arabe n’est pas seulement bonne à part entière, mais est également une partie-clé de l’antidote à l’extrémisme qui menace notre sécurité. La réforme, loin d’ébranler la stabilité, est une condition préalable.

Le Royaume-Uni respecte les droits de chaque pays à prendre ses propres décisions et au peuple de choisir leurs leaders. Nos intérêts consistent à soutenir nos valeurs – à insister sur le droit de protester pacifiquement, à la liberté d’expression et l’accès à internet, à la liberté de rencontre et à l’Etat de droit. Celles- la ne sont pas nos valeurs à nous seulement, mais elles sont le droit du peuple partout. Elles sont les composantes de sociétés pluralistes et ouvertes.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, nous ne pouvons pas parler qu’à nos amis et ceci est un élément-clé de la diplomatie. Il n’est pas toujours facile de dialoguer avec eux et de les influencer, mais il est juste de le faire. Il existe de bonnes raisons à cela et ceci nous permet de les presser à avancer dans la bonne direction. Nous soulevons nos inquiétudes chaque fois qu’elles se présentent et où que ce soit.

  • Comment voyez-vous l’évolution de la situation en Libye après l’imposition de la No Fly Zone et la réunion du groupe de contacts à Londres le 29 mars 2011 ?Soutenez-vous l’idée d’un jugement du colonel El Gueddafi après sa chute ?

Nous avons fait des progrès très rapidement, en mettant en place une zone d’exclusion aérienne sur la Libye et en évitant un nombre interminable de morts parmi les civils. Nous avons empêché un massacre à Benghazi, aidé des dizaines de milliers de Libyens avec l’aide humanitaire du DFID et permis le lancement du processus politique pour une nouvelle Libye. Et cette action est nécessaire, juste et légale. Nécessaire, parce qu’El Gueddafi continue à brutaliser son propre peuple en violation flagrante de la résolution 1973 des Nations unies. Légale, parce que nous avons une résolution des Nations unies, qui est très claire, et qui nous autorise à entreprendre « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les civils. Et juste, parce que nous avons un devoir moral à intervenir, mais également parce qu’il est dans notre intérêt national de le faire. Nous ne devons jamais oublier les antécédents d’El Gueddafi : l’homme responsable des bombardements de Lockerbie, la plus grande attaque terroriste jamais vécue sur le sol britannique. Il est également important de noter que la coalition est large et forte, avec le Qatar et les Emirats qui contribuent avec des avions pour contrôler la zone d’exclusion aérienne. La Conférencede Londres, qui s’est tenue le 29 mars, a réuni plus de 40 ministres des Affaires étrangères et d’Organisations internationales, y compris le secrétaire général des Nations unies, la secrétaire d’Etat Clinton ainsi que le Premier ministre du Qatar. Tout le monde s’est mis d’accord pour soutenir un processus qui devrait mener à un avenir meilleur pour le peuple libyen.

Cette conférence a permis de renforcer la coalition dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1970 et 1973. La Coalition a convenu de continuer les efforts internationaux jusqu’à ce que les conditions qui ont mené à ces résolutions soient pleinement réunies. Celles-ci incluent un cessez-le- feu immédiat, une cessation de toutes les attaques contre les civils et un accès humanitaire total à ceux dans le besoin. La Conférence a également accepté l’offre des Nations unies à coordonner l’aide humanitaire de la population civile de la Libye et de mener la planification d’une stabilisation à long terme, et établi un processus politique visant à soutenir le peuple libyen dans le choix de son avenir. Les participants à la Conférence ont convenu qu’El Gueddafi et son régime avaient perdu toute légitimité et se sont mis d’accord sur la création d’un Groupe de contact sur la Libye afin de constituer un pilotage pour l’effort international visant à soutenir la Libye ; fournir un forum pour coordonner la politique internationale sur la Libye ; et constituer un point focal dans la communauté internationale pour le contact avec les parties libyennes. Qatar a offert d’abriter la prochaine réunion à Doha.

La Communautéinternationale s’est mise d’accord sur le fait qu’El Gueddafi et son régime ont perdu toute légitimité et qu’ils devront répondre de leurs actes, il y a une pression extrêmement forte sur lui pour qu’il parte. La Libye n’a aucun avenir avec El Gueddafi aux commandes qui essaye de ne pas lâcher le pouvoir là-bas. Ceci est clair pour toutes ces nations et organisations et nous nous sommes parfaitement bien fait comprendre. Le Royaume-Uni n’est pas engagé dans la recherche d’un lieu ou El Gueddafi pourrait partir. Mais ceci n’exclut pas que d’autres le fassent. C’est à la Cour pénale internationale et aux Nations unies de juger de ces crimes, mais El Gueddafi doit partir parce que ceci demeure la meilleure chance qu’a le peuple libyen pour jouir d’un avenir démocratique et de paix.

  • L’intervention de l’OTAN, après résolution de l’ONU, en Libye ne va-t-elle pas compliquer la relation de l’Occident avec le monde musulman ?

Non. L’action qu’entreprend l’OTAN est tout à fait légale et est en conformité avec la Résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unis 1973, qui autorise « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les civils. Cette intervention consiste à mettre fin au régime El Gueddafi qui continue à brutaliser son peuple et à tenir ceux concernés responsables de leurs actes.

  • Des appels au changement pacifique de régime sont nombreux en Algérie. Ces appels méritent-ils d’êtres soutenus ?

L’annonce récente faite par les autorités algériennes concernant la levée de l’état d’urgence, en place depuis 1992, représente une étape positive dans le processus de normalisation après la période difficile des années 90, et que nous saluons. Nous attendons avec intérêt de voir d’autres changements au moment où le gouvernement répond aux aspirations légitimes du peuple algérien pour des réformes sociales et politiques. Cependant, ce n’est pas à nous de déterminer si le régime doit changer ou pas, puisque ceci concerne le peuple algérien, seul maître de son destin. Ce qui est important pour nous et que l’on réponde aux besoins et aspirations de ce dernier. Comme c’est le cas pour d’autres pays dans la région, nous croyons qu’il est important que le peuple soit capable d’exercer pleinement son droit à la liberté d’expression et d’association.

Fayçal Métaoui


Bio express :

Le ministre britannique chargé de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au sein du Foreign Office, Alistair Burt, a pris ses fonctions au ministère britannique des Affaires étrangères le 14 mai 2010. Il a été élu au Parlement pour la première fois en 1983 et y est membre pour la circonscription du nord-est de Bedfordshire.

Né en 1955, il suivit ses études à Bury Grammar School et rejoignit le St John’s College à l’université d’Oxford, pour des études universitaires où il devint président de l’Association de droit. Il devint avocat et travaille au conseil local de Haringey à Londres.


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