A lire également par ceux qui ne connaissent pas le sujet : le monde étant un perpétuel recommencement, ils découvriront les difficultés soulevées par les types de conflits qui agitent le monde actuel. Les militaires ne doivent pas se contenter de faire la guerre face à des éléments très hostiles. Il leur faut se préoccuper en outre, pour stabiliser les régions déchirées par la guerre, tout en instaurant la paix et la sécurité, conquérir les coeurs.
C’est une illustration vivante et un rappel de l’efficacité des SAS pendant les années 1955-1962.
L’étude proposée à votre lecture a été réalisée sous la direction du bureau recherche de la division recherche retour d’expérience du CDEF.
Elle a été menée par le Lieutenant ® LASCONJARIAS et le Sous-lieutenant ® CHAPUIS née JOUAN et a pour but de tirer les enseignements de l’expérience des SAS en Algérie.
Date de publication : 21 octobre 2005
L’engagement des troupes françaises dans les opérations de stabilisation est désormais une réalité quotidienne. Les modes d’action qui en résultent confèrent un rôle essentiel aux rapports avec les populations et les élites locales. Tantôt amies donc source de renseignement et véritable soutien aux actions menées, tantôt résolument hostiles, elles ne peuvent ni ne doivent être ignorées par les troupes au contact. L’exemple des Sections Administratives Spécialisées (SAS), héritières des grands pacificateurs que furent Bugeaud ou Lyautey et déployées en Algérie dès 1955, constitue un excellent retour d’expérience de nature à éclairer aujourd’hui l’action de nos forces. Si, à l’époque, leur efficacité a pu être mise en doute, le recul historique dont nous bénéficions aujourd’hui permet de dresser un bilan objectif de leur action. Dès lors, cette étude qui met en perspective les leçons d’un passé proche est susceptible de guider l’action de nos unités en charge de missions comparables en Bosnie, en Afghanistan et bientôt au Kosovo.
Les "sections administratives spécialisées" en Algérie : "Un outil pour la stabilisation"
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- Etude menée par le Lieutenant ® LASCONJARIAS et le Sous-lieutenant ® CHAPUIS née JOUA
- Les "sections administratives spécialisées" en Algérie : "Un outil pour la stabilisation"
Il provient du site http://www.cdef.terre.defense.gouv....
Conclusion de l’étude
Tous les anciens officiers SAS interrogés ont le coeur serré et la voix tremblante lorsqu’ils évoquent leur départ d’Algérie. « Nous les avons abandonnés », « nous les avons trahis », disent-ils en pensant aux moghzanis laissés en place, souvent torturés, puis lâchement assassinés par le FLN. « Abandon tragique et déshonorant » pour le colonel Bernhardt . « J’ai été témoin des massacres de moghaznis dans la Mitidja. La Brigade de Gendarmerie m’a dit : on a l’ordre de ne pas intervenir » explique le commissaire Abolivier. Pour tous, la fin est inacceptable. Nicolas d’Andoque y consacre le tiers de son ouvrage. On sent une profonde tristesse et parfois une certaine honte… Honte de ne pas avoir pu secourir les supplétifs, de les avoir égarés pendant ces années. « Je les ai mis en grand danger de vengeance du FLN ». Récits d’atrocités, de souvenirs de départ précipité… Le choc psychologique est très pesant. Il est une des raisons de la naissance de l’association des Anciens SAS et de l’adhésion de bon nombre d’entre eux.
Les traumatismes et post-traumatismes ne doivent pas être négligés dans les actions de stabilisation. Officiers, ils sont, avant tout, des hommes qui se sont investis pendant des mois, voire des années pour certains. Tous ont pris à bras le corps leur mission, tous y ont cru. Ce constat vaut pour la quasi-totalité du corps des officiers SAS, volontaires comme désignés d’office. Le choc du départ est aussi le sentiment de devoir tout quitter, tout abandonner, et cela dans des circonstances très particulières. Beaucoup sont « écoeurés par le gâchis ».
Le départ des officiers reste pour la majorité leur pire souvenir. Leur coeur est resté là bas. Leur âme aussi. Certains quittent l’armée après 1962, d’autres ne renouvellent pas leur engagement et se consacrent à des oeuvres humanitaires. Le commissaire Abolivier se tourne vers l’enseignement, surtout à l’étranger. Un autre rejoint l’Abbé Pierre et Emmaüs…
L’oeuvre des officiers SAS pendant la durée du conflit algérien reste un phénomène largement occulté, y compris dans la mémoire collective des Français. Notre propos n’est pas un plaidoyer en faveur des réalisations de l’armée en Algérie ; il s’agit simplement de montrer qu’une politique de pacification hier, de stabilisation aujourd’hui, requiert un corps d’officiers jeunes, motivés, polyvalents, capables de communiquer et de rechercher l’adhésion et l’appui de la population. Cette action ne peut avoir lieu qu’à la condition d’un engagement sur le long terme. La présence de l’armée, par le soutien psychologique qu’elle fournit et le support économique qu’elle contribue à développer, peut constituer un facteur important pour la progressive normalisation du climat social, dès lors que sont achevées les opérations militaires faisant essentiellement appel à la coercition. Les SAS s’inscrivaient dans le cadre des grandes offensives du plan Challe, et contrebalançaient la brutalité des actions militaires en apportant la paix, le développement agricole et l’espoir d’une vie meilleure au sein des mechtas.
Par ailleurs, l’exemple des SAS est un objet de réflexion sur le thème de l’acculturation. En vivant au contact et au sein des populations qui leur étaient confiées, les officiers connaissaient leur culture, et pouvaient influer tant sur les comportements de leurs administrés que sur ceux de l’administration française. La tâche n’était pas évidente, ces hommes ne devant jamais oublier leur devoir d’officier, y compris dans des moments tragiques.
Une limite demeure ; le modèle des SAS s’inscrit dans un contexte politique, militaire, historique tout à fait particulier. Certains exemples, certaines attitudes, ne sont guère transposables. Cependant, les concepts utilisés par la France, et qui ne sont qu’un héritage modernisé d’un siècle d’actions militaires extérieures, restent encore aujourd’hui d’actualité pour nos forces. Bâtir une école, ouvrir un marché, favoriser le redémarrage administratif, de telles pratiques sont aujourd’hui mises en oeuvre sur les théâtres d’opérations extérieures où agit la France.
L’utilisation du questionnaire envoyé à plus d’une trentaine d’anciens officiers SAS doit permettre à chacun de lecteur de confronter l’expérience de ces anciens à la sienne propre.
Les SAS ont la particularité de venir de différents horizons, mais de pouvoir agir à la charnière entre le pouvoir politique local et les autorités militaires. C’est là leur spécificité. Militaires avec les civils, civils avec les militaires, ils prennent dans leurs deux cultures l’essence de leur action en faveur des populations. Les SAS constituent selon Jacques Roseau « une des rares lueurs dans cette guerre », et a valu à ce corps le qualificatif de « bonnes à tout faire de l’armée », « centurions de la paix » ou « apôtres-chevaliers ».
L’action des SAS pendant la guerre d’Algérie peut être mise en perspective avec celle menée aujourd’hui par les forces terrestres lors de la phase de stabilisation des conflits et crises qui secouent le monde contemporain.
En effet, lors d’une opération extérieure, l’élément primordial à prendre en compte par la force engagée sur le théâtre est l’attitude des populations présentes dans la zone d’action. Ainsi, les forces terrestres doivent être, à l’instar du révolutionnaire décrit par Mao Zedong, « comme un poisson dans l’eau » au milieu de la population civile. Il paraît impossible de stabiliser une zone de conflit ou un pays en crise sans l’accord ou du moins la neutralité des populations qui doivent, en retour, théoriquement, bénéficier des effets de la stabilisation. La connaissance approfondie du pays et de la région ou se déroulent les opérations ainsi que des populations avec lesquelles et pour lesquelles les forces agissent est autant un préalable qu’un facteur incontournable de la réussite d’une opération. A partir de là, il convient d’associer à l’action de stabilisation des partenaires locaux reconnus et représentatifs à la fois par leurs compatriotes mais aussi par les instances internationales afin que l’action des forces soit acceptée au plan local et national et légitimée sur un plan international.
C’est dans ce cadre de la stabilisation, qui a cours aujourd’hui en Bosnie (LOT) 212 qui se fera demain au Kosovo (LMT) 213 et qui se pratique déjà en Afghanistan (PRT) 214, que le retour d’expérience des SAS pendant la guerre d’Algérie prend tout son sens et garde toute son utilité et son actualité.
212 LOT : Liaison Observation Team, armées par des unités ad hoc
213 PRT : Provintial Reconstruction Team
214 LMT : Liaison and Monitoring Team, armées par des unités spécialisées dans le renseignement