- Téléphone à Robert. Il a un paquet de photos. Peut-être voudra-t-il te les communiquer. Robert réside dans une commune savoyarde proche de Genève.
- Salut Robert, ici Claude, je t’appelle de la part de Michel ….
Nous bavardons au téléphone et parlons photos :
- - Oui, j’ai pas mal de diapos que j’ai classées dernièrement après les avoir visionnées avec d’anciens camarades. Je dois les numériser. Je te propose de nous rencontrer par la suite. Nous verrons alors ce que nous pouvons faire…Le travail de numérisation va être très long. Plus d’une semaine de travail ….
Début septembre nous reprenons contact.
- Les diapos sont maintenant sur ordinateur. Tu peux venir avec une clé USB.
Le 15 septembre, après avoir programmé mon GPS, je me rends chez Robert. Une heure de trajet. Cet outil d’orientation s’avère utile. En effet, si aller de St
- Septembre 2010. Robert Michoud présente ses photos prises près d’lfigha il y a cinquante ans
Gervais à St Julien ne soulève pas de difficultés, il n’en est pas de même pour gagner ce coin de campagne de mon département qui m’est inconnu. C’est là que je fais connaissance de Robert.
Nous nous découvrons rapidement des amis communs : son parcours avant l’armée est similaire au mien. Il est passé par St François à Thonon. De plus, je découvre qu’il était dans le secteur d’Ifigha alors que j’étais à Bouzeguène. Que de souvenirs évoqués en parcourant ensemble ces photos de grande qualité !... Elles sont d’une beauté épurée restituant l’ambiance d’alors : les montagnes austères de la Kabylie qui rappellent notre Savoie, une population au cœur noble et fier, ployant alors sous le poids de la misère, prise en tenaille dans les contradictions d’une époque où se mêlaient le sang, le cœur, les égoïsmes, les idéologies dominantes, l’autoritarisme de la France d’alors, sans compter les méthodes employées par ceux qui voulaient mettre la France dehors….
« L’essentiel est invisible aux yeux… on ne voit bien qu’avec le coeur… » dit le Petit Prince de Saint-Exupéry. Comme le Petit Prince avait raison !.. Ces photos en sont la démonstration. Elles illustrent les liens naturels qui se sont tissés entre des jeunes portant l’uniforme qui ont réagi spontanément avec leur cœur face à une situation dont la complexité et les enjeux ne leur apparaissaient pas alors.
Ces photos, belles à souhait, purs joyaux d’une époque, ont une âme. En les consultant, vous découvrirez l’âme kabyle, reflet de la pureté des paysages où les montagnes dominent des vallées domestiquées par une population laborieuse.
Robert a su, avec son Kodak, immortaliser cette part d’humanité qui habite les hommes, dans le chaos du moment.
Pour ceux qui de nos jours pourraient en douter, l’anecdote suivante permettra de comprendre. Alors que nous visionnions les photos et admirions les enfants et leurs costumes chatoyants, Robert me confie au moment où j’en découvre certains avec des vêtements à l’européenne :
- Ces habits viennent de Rumilly !... me confie-t-il. Devant mon étonnement, il poursuit :
- Lorsque le Commandant des Chasseurs m’a confié l’école d’Ighil-Tizi, je succède à RIEFEL Jean-Michel. Face au dénuement des enfants, je prends dès les premiers jours ma plus belle plume et envoie un courrier d’appel à l’aide au Maire de Rumilly en Haute-Savoie. Je lui demande d’envoyer des vêtements.
- Tu es de Rumilly ? lui dis-je étonné.
- Non, pas du tout. Mais avant de partir faire à l’armée, j’avais eu l’occasion d’assurer l’encadrement d’une colonie de vacances. Parmi les gamins dont j’avais la charge, figurait un enfant qui avait alors de sérieux problèmes de santé. Il devait prendre des médicaments de façon régulière, y compris au cours de la nuit. C’était contraignant. Toutes les nuits, je l’ai réveillé à 1 heure du matin. À l’issue de la colonie, j’ai eu l’occasion d’établir le contact avec le père de cet enfant qui dans les faits était le maire de Rumilly. C’était le seul notable que je connaissais. Je l’ai donc naturellement sollicité. J’ai reçu des colis de vêtements et de chaussures. J’ai même reçu des chaussures à talon !... Tu vois les jeunes kabyles avec ce genre de chaussures !!!.
Robert a pu ainsi distribuer aux enfants des vêtements et des chaussures à plusieurs reprises.
- Ce n’était pas toujours adapté à la taille et c’était il faut bien le reconnaître moins chatoyant que les habits de couleur locale ! ajoute Robert.
Nous bavardons tout en visionnant les photos du passé. Les yeux embués de Robert trahissent encore le drame de l’arrachement face à une œuvre inachevée… Son cœur bat toujours pour cette terre et ses habitants qu’il a aimés. On ne joue pas avec le cœur des jeunes de vingt ans.
- Robert Michoud en 1960
En témoignage de grande affection, pour ceux qu’il a côtoyés, Robert me laisse partir avec l’ensemble de son album de photos légendées. Je restitue dans leur ordre d’enregistrement, celles que nous avons décidées de conserver. Par principe de précaution, nous n’avons pas mentionné les noms de famille ou les prénoms des enfants. Ils se reconnaîtront.
En consultant les diaporamas, vous ferez un voyage au cœur du souvenir et irez même jusqu’à Alger.
Sur certaines photos figurent des militaires. Elles ont été conservées à cause des paysages magnifiques. Quant aux traces du drapeau français, le drapeau fait partie de l’histoire commune entre l’Algérie et la France. Une France qui voulait à l’époque combler un retard accumulé dans cette région de Kabylie. Le lecteur verra également une photo de Monseigneur Duval, l’archevêque d’Alger, un Haut Savoyard, ami de mon père après avoir été vicaire à St Gervais. Monseigneur Duval est en compagnie de Pierre Mongellaz, un de mes amis, actuellement curé de la paroisse des Houches.
Comme les liens du cœur ne sont pas rompus - bien des Kabyles vivent en France et regardent vers la Kabylie tandis que les villageois des Aït Ghobri ou des Ait Idjeur regardent vers la France - puisse l’évocation de ces souvenirs contribuer à renforcer le capital d’estime qui existe entre les hommes de bonne volonté.
C’est le vœu de Robert, qui le surlendemain de ma visite, m’écrivait : « Bonjour Claude,
Quelle émotion de visionner avec toi le quotidien des années de notre jeunesse passées. Nous portons le même regard sur le passé que nous avons vécu dans le même secteur , au même moment. Durant près de 2 ans, en 1960 et 1961, alors que j’étais militaire, j’ai eu la chance d’être instituteur à Ighil-Tizi, où j’ai fait de mon mieux pour transmettre une certaine façon d’être avec les moyens dont je disposais à l’époque. Durant cette période, j’ai sans doute plus reçu que donné à l’occasion des contacts avec les habitants et surtout les enfants. Je voudrais que ces photos, traces des relations humaines confiantes nouées pendant cette époque tourmentée, soient l’expression de l’amitié que je porte à ceux que j’ai côtoyés alors ».
Robert Michoud.
- Robert Michoud sur le pas de la porte de l’école d’Ighil Tizi
Message reçu le 16 février 2010. Merci Mahmoud pour ces précisions
Cher Michoud, je vous donne ci-dessous quelques indications sur les
photos :
01/rocher d’ighil qidhoune
09/au fond le village Tabourt
11/Annar nathelhadj
12/bérgéres à Akhnaq
13/ planche à fumier "Aqva"
14/jardin Nassaadha oulhadj à Akhnaq
15/ chemin "Avridh boulma"
21/ le rocher "Thaqarouth El varj"
24/marabout "Sidhi ali vouthqarouth"
32/ Route de "Thissladhine"
37/ lieu dit "Thaourirth"
39/ place du village vue sur Ighil Tziboa
40/citoyennes et citoyens d’Aourir
47/ Thissladhine
48/ depuis le rocher "d’ighil qidhoune".
amitiés Mahmoud Brahiti