Message reçu sur le site :
Je suis un résident du village Térébinthes et je suis très intéressé et excité pour connaître l’histoire sombre de cette région séparée du passé, car ils n’ont pas de document pour prouver les histoires qui restent dispersés dans la mémoire de ceux qui ont vécu cette période de temps.
Je ne suis pas un chercheur en histoire ou quelque chose comme ça, mais je suis juste un jeune homme impatient de connaître son histoire, qui est une partie importante de son identité, et une partie de la mémoire de l’humanité tout entière.
C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous contacter, Monsieur et je vous demande une copie du livre que vous avez écrit, je vous en remercie beaucoup et au nom de tous les habitants du village.
Bonjour B. M
Après avoir présenté le livre de Serge Cattet sur le site http://miages-djebels.org/spip.php?... c’est pour moi un plaisir de répondre à votre demande et de contribuer matériellement à la diffusion de ce témoignage exceptionnel. Je le fais avec d’autant plus d’empressement que les souvenirs de Serge ont pour cadre une région que j’ai parcourue deux années plus tôt, à l’époque où j’étais à Turenne.
Claude
À mon ami, Serge CATTET.
Agrégé de l’Université, Serge CATTET a enseigné l’histoire et la géographie au Lycée BERTHOLLET d’ANNECY de 1964 à 1994.
À sa retraite, il participe à la vie municipale d’ANNECY-LE-VIEUX en tant qu’élu, puis donne son temps à l’Union Départementale des Combattants AF.N., préside la Commission Civisme et Mémoire et réalise le “Livre d’Or” consacré aux Haut-Savoyards tombés en Afrique du Nord de 1952 à 1962. Le côtoyer et travailler avec lui est une chance pour notre mouvement, lui aussi très attaché à la Mémoire des hommes qui ont servi notre Pays.
“Térébinthes S.P. 87009” est le livre d’un homme qui, appelé à faire son service militaire en 1959, a participé au conflit en Algérie. Sous-Lieutenant au sortir de l’École des Officiers de Réserve de Saint-Maixent, il est affecté au IIe Bataillon du 22e Régiment d’Infanterie de Marine en charge du secteur de Marnia, en Oranie, à la frontière algéro-marocaine. La responsabilité d’un poste et d’un village de regroupement, puis la fonction d’officier de renseignements de son bataillon lui ont été tour à tour confiées jusqu’à son départ d’Algérie en février 1962.
Ce sont ces deux expériences que Serge CATTET a cherché à faire revivre dans un ouvrage vivant qui, par ailleurs, apporte la preuve que le souci d’humanité n’a pas été étranger à l’action militaire menée en Algérie. Pour son écriture et la richesse de son contenu, “Térébinthes S.P. 87009” mérite d’être lu.
Annecy, le 2 septembre 2007. Hubert BORNENS Président de l’U.D.C.-AF.N. et Autres Conflits de Haute-Savoie
À Thérèse et Alain qui m’ont attendu.
À mes parents et mes beaux-parents qui les ont soutenus.
À tous ceux, dont les Harkis, qui m’ont entouré et aidé dans ma tâche.
Aux centaines de milliers d’Appelés qui ont "fait l’Algérie".
Mes remerciements vont à toutes celles et tous ceux qui m’ont encouragé et aidé à publier ce témoignage.
PROLOGUE
Automne 1954 ; à peine dégagée du bourbier indochinois, la France est de nouveau confrontée au problème de la décolonisation : le brasier de la révolte s’est rallumé en Algérie. Automne 1959, je suis appelé pour effectuer mon service militaire, l’affaire algérienne n’est pas encore résolue, cela me vaut de rester 28 mois sous les drapeaux !
Printemps 2001, la France ne s’est toujours pas libérée de ce fardeau qu’a été le drame algérien. Les harkis (ou du moins ceux qui restent) manifestent… à bon droit. Le parti communiste, des titres de la presse quotidienne et hebdomadaire, des livres réveillent la plaie de la torture pratiquée au cours de cette “opération de maintien de l’ordre” selon l’expression consacrée dont a été longtemps affublé le conflit algérien.
Les témoignages affluent d’ “Appelés” qui ont participé à ce qui, entre temps, est devenu officiellement “la guerre d’Algérie”. Curieusement tous ces témoignages ou du moins la plupart d’entre eux vont dans le même sens, celui d’une relation des exactions commises par l’armée sur les populations musulmanes des villes et du “bled”. C’est une vraie campagne à allure de repentance qui s’est déclenchée, une campagne dont beaucoup ne saisissent ni l’intérêt, ni l’objectif. La France est-elle enfin mise au courant d’une vérité qui lui avait été cachée ? Pas du tout ! La pratique de la torture n’avait jamais été occultée, elle avait même été révélée et dénoncée très tôt, notamment dès le début de la “bataille d’Alger”. Pour couronner cette campagne, le général Aussaresses, un des acteurs de cette “bataille d’Alger” vient y ajouter le poids de ses mémoires relatées non sans un certain cynisme.
Les “ratonnades”, les exécutions sommaires, la torture ont malheureusement été une réalité de l’action dite de… “Pacification” qui avait été confiée à l’Armée par un pouvoir politique déficient et paralysé. Mais il me paraît malhonnête de n’évoquer que ces comportements. La grande majorité des hommes, des jeunes “appelés” qui ont connu les… joies du “crapahut” dans les djebels, des patrouilles dans les villes et le “bled”, de la garde des fermes, de la protections des trains, de l’ouverture des routes, de la surveillance des frontières, de la vie dans les postes, des opérations de “ratissage”, y ont échappé. On ne peut rien leur reprocher. Mais de nos jours, les médias n’ont pas pour habitude de s’embarrasser de nuances et leur dénonciation des exactions commises s’étend à l’ensemble des “Anciens d’Algérie” ou du moins en donne l’impression. Cette condamnation en bloc est une injustice, cette généralisation outrancière est insupportable, d’autant que au cours des huit longues années de ce conflit, des attitudes plus attentives au respect de l’homme et de ses droits n’ont pas manqué. Cela, je peux l’affirmer sans crainte d’être démenti car il s’agit de ma propre expérience.
Après être passé par le moule des E.O.R. (Elèves Officiers de Réserve) de St-Maixent, cette aventure algérienne je l’ai pratiquée de novembre 1960 à février 1962 dans le secteur de Marnia en bordure de la frontière algéro-marocaine. Le 22e Régiment d’Infanterie Coloniale (puis de Marine) y était implanté depuis son retour d’Indochine. Sa mission était double. Sur la frontière, les postes qu’il tenait étaient chargés d’interdire tout passage en Algérie aux forces de l’Armée de Libération Nationale (A.L.N.) basées au Maroc à proximité d’Oujda. À l’intérieur les unités dispersées sur le terrain consacraient leur temps et leurs moyens (limités… !) à traquer le “fellagha” et à démanteler son organisation politico-militaire. Le “travail” sur la frontière ou plutôt sur le barrage qui la bordait, j’y ai goûté lors de mon initiation aux différents aspects des tâches du 2e bataillon auquel j’avais été affecté. Mais c’est la surveillance intérieure qui a occupé la majeure partie du temps que j’ai passé dans la plaine des Beni Ouassine.
Responsable du poste et du village de regroupement de Térébinthes, j’ai été confronté au double problème du commandement d’une troupe hétérogène et de la gestion des affaires d’une population rassemblée manu militari. Plus tard, c’est à une autre situation que j’ai dû faire face, celle d’un officier chargé de recueillir des renseignements indispensables au maintien de la sécurité au sein du “quartier de pacification” de Marnia rural.
Tâche redoutable ! Dans les deux cas ma préoccupation première a toujours été le respect des hommes et des femmes que j’ai administrés ou que j’ai été amené à arrêter. À maintes occasions j’ai pu constater que ce souci n’était nullement partagé par nos adversaires…
Ma vérité n’est donc pas du tout dans le ton de celle qui prévaut actuellement. C’est la raison pour laquelle j’ai pris la décision d’apporter mon témoignage. Témoigner implique un engagement essentiel, celui d’une relation des faits vécus, des impressions ressenties, des émotions éprouvées aussi honnête et fidèle que possible. Cela peut paraître présomptueux à 40 ans de distance ! La mémoire est une fonction fragile et facilement défaillante ; elle occulte, elle transforme, elle noircit ou au contraire elle idéalise.
Heureusement, pour mener à bien cette entreprise j’ai pu m’appuyer sur l’aide précieuse d’un ensemble de documents personnels, des photos et surtout les 150 lettres souvent écrites au jour le jour que j’ai fait parvenir à ma femme tout au long de ces 28 mois. Images et écrits ont une incomparable capacité à redonner vie à un film dont le scénario s’était avec le temps singulièrement estompé. Les personnages, les paysages, les évènements retrouvent leur place au sein de la mémoire. Mais la trame du film n’est pas seule concernée par cette résurgence tardive et voulue ; les émotions, les sentiments le sont aussi. Les contradictions dans l’état d’esprit et les comportements font également leur réapparition, notamment celles suscitées par la perspective d’un service en Algérie et d’une confrontation aux réalités d’une terre en état de révolte.
Historien et géographe de formation je comprenais la volonté d’une partie du peuple algérien de tout tenter et de tout faire pour que son pays accède à l’indépendance. Le monde colonisé était en proie à la fièvre de la décolonisation. L’Algérie ne pouvait pas y échapper. Il n’était pas réaliste d’imaginer que les rapports entre la France et ses “départements” algériens puissent demeurer sans changements profonds. Leur évolution était inéluctable, mais laquelle ? rupture, c’était à craindre ; permanence de liens dans la liberté réciproque ? On pouvait l’imaginer. C’est ce que j’espérais.
C’est dans cet état d’esprit que je suis parti à St-Maixent puis que j’ai gagné l’Algérie. Il n’était pas question de me soustraire au devoir du service militaire mais j’étais bien décidé à n’agir que selon les exigences de ma conscience. J’étais bien convaincu qu’il ne fallait rien faire qui puisse un peu plus altérer les rapports avec la communauté musulmane. Il fallait donc tout à la fois comprendre un désir légitime de respect, de liberté et agir pour enrayer la progression du feu de la révolte. Ce sont ces convictions que j’ai essayé de respecter dans l’exercice des charges qui m’ont été confiées. Et je suis bien persuadé de ne pas avoir été le seul à adopter ce comportement.
Cette conviction il fallait que je l’exprime !
Pour lire livre au format pdf, cliquer sur la vignette ci-dessous. Les trois premières pages sont blanches.
- Térébinthes S.P. 87009” 1959-1962. Témoignage d’un appelé dans la guerre d’Algérie
- La guerre d’Algérie a été et reste malheureusement un drame pour la France.
Elle a été un drame parce que notre pays s’est montré incapable de l’éviter en comprenant, à temps, que ses rapports avec la terre d’Algérie ne pouvaient plus être ce qu’ils étaient depuis 1830.
La guerre d’Algérie a été et reste malheureusement un drame pour la France.
Elle a été un drame parce que notre pays s’est montré incapable de l’éviter en comprenant, à temps, que ses rapports avec la terre d’Algérie ne pouvaient plus être ce qu’ils étaient depuis 1830.
Elle a été un drame parce que de 1954 à 1962 elle a contraint deux millions de jeunes appelés à effectuer, dans les conditions les plus difficiles, un long service de 28 mois ; près de 25.000 de ces hommes n’en sont pas revenus.
Elle a été un drame parce qu’elle a imposé des souffrances au peuple algérien et qu’elle s’est tragiquement achevée par l’exode d’un million de nos concitoyens qui s’estimaient eux aussi fils de la terre d’Algérie.
Elle est restée un drame parce qu’un demi-siècle après la fin du conflit les plaies ne sont pas encore guéries. La tension reste d’actualité avec le jeune État Algérien. Des campagnes polémiques ont répandu la conviction que la torture, l’assassinat, le viol ont été le quotidien de ces jeunes hommes qui n’ont pas commis d’autre crime que celui d’avoir été plongés dans la guerre d’Algérie.
Peu d’écrits, jusqu’à présent, se sont donné pour tâche de faire de ce conflit un tableau équilibré s’efforçant de respecter une vérité complexe où l’humain se mêle à l’intolérable.
Ce nécessaire esprit d’équilibre a été pour moi le guide de "Térébinthes", récit d’une expérience algérienne.
Serge Cattet Agrégé de l’Université.