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Algérie-France : comprendre le passé pour mieux construire l’avenir 2

jeudi 26 février 2015, par Collectif.


Source http://www.senat.fr/ga/ga105/ga1053.html

DEUXIÈME TABLE RONDE : 1945 - 1962, L’INÉLUCTABLE INDÉPENDANCE ? Animateur : Isabelle MANDRAUD, journaliste au journal Le Monde.

Intervenants :

· Amar MOHAND-AMER, maître de recherche au Centre national d’anthropologie sociale et culturelle d’Oran ;

· Matthew CONNELLY, professeur d’histoire à Columbia University ;

· Gilbert MEYNIER, ancien enseignant à l’université de Constantine, professeur émérite à l’université Nancy II ;

· Ali HAROUN, ancien membre du FLN ;

· Abdelmadjid MERDACI, sociologue et historien, professeur à l’université Mentouri de Constantine.

Pour connaître la biographie des intervenants, cliquer sur la vignette ci dessous : ,

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Biographie des intervenants
Algérie-France : comprendre le passé pour mieux construire l’avenir 2

OUVERTURE

Isabelle MANDRAUD, journaliste au Monde

Je vais rapidement présenter nos intervenants, par ordre alphabétique, en commençant pas Matthew Connelly. Vous êtes professeur à l’université de Colombia et auteur de nombreux ouvrages, notamment L’arme secrète du FLN, comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie, paru en 2011, dans lequel vous développez une thèse originale où vous dîtes que la guerre n’a pas été gagnée par les armes mais plutôt sur le plan international et psychologique. Ali Haroun, vous avez été un des dirigeants de la Fédération de France du FLN de 1958 à 1962, vous avez été membre du Conseil National de la Révolution algérienne, député à l’Assemblée constituante en 1962, avocat, vous avez également été Ministre des droits de l’homme en 1991, puis membre du Haut Comité d’État de 1992 à 1994. Vous avez récemment publié un important ouvrage au Seuil, La septième Wilaya. De la guerre du FLN en France.

Adelmajid Merdaci, vous êtes sociologue, professeur à l’université de Constantine, une ville que vous connaissez bien et sur laquelle vous avez beaucoup écrit, notamment un article remarqué dans Le Soir sur l’accord entre le FLN et l’OAS.

Gilbert Meynier, vous êtes historien, vous avez enseigné à l’université de Constantine, vous êtes l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’Algérie, et notamment d’une Histoire intérieure du FLN (Fayard, 2002, Casbah, 2003) et, avec Mohammed Harbi, de Le FLN, documents et histoire (Fayard, 2004, Casbah, 2004). Il a entrepris pour grand public une histoire générale de l’Algérie des origines à nos jours, dont deux volumes sont parus (La Découverte, 2007 et 2010, et Barzakh, 2009 et 2012). Il est en train de rédiger le troisième volume.

Amar Mohand-Amer, vous êtes maître de conférences au Centre national d’anthropologie sociale et culturelle d’Oran, docteur en histoire, vous êtes surtout un spécialiste du FLN et de l’ALN et vous allez publier bientôt un ouvrage sur le FLN à l’été 1962.

Nous allons parler de l’inéluctable indépendance avec un point d’interrogation. C’est jouer avec le feu à quelques jours de la commémoration de l’indépendance algérienne. Je vais vous donner la parole successivement en respectant l’ordre chronologique.


INTERVENANTS

INTERVENANTS

Gilbert MEYNIER, ancien enseignant à l’université de Constantine, professeur émérite à l’université Nancy II

Pourquoi le 1er novembre 1954 ?

J’essaierai d’aller au-delà des assertions officielles françaises et de la presse française lambda, qui présentent volontiers le 1er novembre 1954 comme l’émanation de la main du Caire, de Nasser, n’agissant que sous les directives de Moscou. C’était ce qu’on pouvait lire dans la presse à l’époque. Or, les raisons de cette explosion de novembre 1954, on les connaît maintenant. J’essaierai de les classer pédagogiquement en neuf points successifs.

Il y a la colonisation de l’Algérie par la France. On sait que la conquête fut violente. Des historiens, Jacques Frémeaux notamment, ont montré qu’elle avait, de 1830 à 1871, fait disparaître environ le tiers de la population de l’Algérie, soit environ 800 000 à 900 000 personnes sur trois millions d’habitants en comptant la grande famine de 1867-1868. Les travaux de mon maître, André Nouschi, auteur d’une thèse majeure sur le Constantinois, qui a dirigé ma thèse sur l’Algérie et la Première Guerre mondiale, ont montré que c’était la paupérisation dramatique de ces paysans qui était en cause sur le plan structurel. On ne comprend pas le fond des rancoeurs algériennes si l’on n’a pas à l’esprit la détresse économique et sociale de ce peuple. Sur 7 millions d’hectares de terres cultivables, la colonisation s’est emparée en un siècle de 2,9 millions d’hectares - lesquels étaient, aussi, les terres de meilleure qualité. Au XIXe siècle, ces spoliations expliquent, d’une part, les grandes insurrections qui se succèdent, d’autre part, les vagues d’émigration vers le Proche-Orient, la terre mythique désirable où le prophète Mohammed avait dit avoir voulu finir ses jours.

Le deuxième point est moins connu : c’est ce que j’appellerais le « dépérissement culturel » engendré par la colonisation. Il faut savoir que la colonisation française a confisqué les biens « habous », ces biens de mainmorte qui servaient à doter, notamment, les établissements d’enseignement traditionnel qui scolarisaient un nombre d’enfants non négligeable. Cet enseignement a donc disparu. Il y a bien eu une scolarisation française. Voici les chiffres officiels : enfants algériens scolarisés en 1914, 5 % ; en 1954 autour de 15 %. Cela se passe de commentaires. La loi de 1905 sur la séparation du culte et de l’État n’a pas été appliquée en Algérie pour le culte musulman puisque les imams et les muftis ont été des fonctionnaires sous contrôle, bridés, de même que les marabouts ont été manipulés après l’insurrection de 1871 et plus ou moins « recyclés » en collaborateurs déconsidérés par la masse.

Le troisième point, c’est ce que j’appellerais la discrimination et le racisme. Olivier Le Cour Grandmaison a parlé, tout à l’heure, du code de l’indigénat et de la loi de 1875. Il faudrait ajouter la loi de 1881 qui légalise le régime bien établi de l’arbitraire et des condamnations forcées, dont Sylvie Thénault est une des spécialistes. Elle vous a aussi parlé du régime des communes mixtes opposé à celui des communes de plein exercice. Je rappelle que le sénatus-consulte de juillet 1865 faisait des Algériens des sujets français qui n’avaient pas de droits politiques. Ils ne pouvaient être admis comme citoyens français qu’à condition de répudier le statut personnel musulman qui les régissait sur le plan privé (mariage, successions, tutelle...) et après une enquête approfondie sur leur cas. Mais il y en eut très peu au total : on estime leur nombre entre 4 000 et 5 000 au moment du « centenaire de l’Algérie française » (années 30). Ils étaient, peu ou prou, considérés par la masse algérienne comme des traîtres, des apostats, et de ce fait complètement déconsidérés.

Pendant la IIIe République, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, six députés et trois sénateurs étaient élus, mais là aussi, par les seuls citoyens français. Sur le plan algérien, une assemblée (les Délégations financières) fut instituée à partir de la fin du XIXe siècle ; mais les deux tiers de ses membres étaient des Français, le tiers des Algériens, au surplus divisés à dessein entre « arabes » et « kabyles. » Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les élections se firent selon le système des deux collèges : le collège des citoyens français et celui des « indigènes ». Chacun des deux collèges élisait le même nombre de députés et de représentants locaux à l’« Assemblée algérienne », nouvelle dénomination des Délégations financières. Le statut de 1947, qui a créé ces deux collèges, entérinait une discrimination : il y avait à peu près neuf fois plus d’Algériens que de Français. Ce statut illustrait l’équation coloniale : « 1 = 9 ».

Quatrième point : il y a le repli dans « l’inentamé », c’est-à-dire dans les acceptions familières du refuge à soubassements religieux. La religion était, et elle devint plus encore, le civisme des Algériens. Pourtant, pour la frange de la population qui a eu accès à l’enseignement français et qui a souvent été attirée et subjuguée par le message des principes de 1789, cela se fit dans la schizophrénie. A partir de la fin du XIXe siècle, une mince cohorte d’« évolués » d’apparence francisée milita pour l’assimilation totale des Algériens à la Cité française. Le résultat a été la trilogie célèbre de cheikh Ben Badis sur l’identité algérienne. « Nous sommes des Musulmans, nous sommes des Arabes, nous sommes des Algériens ». Comme le dit assez bien mon vieil ami, l’historien Mohammed Harbi, « dès que les Algériens sont perdus, ils se réfugient dans l’islam ». Cela converge avec l’expression de Jacques Berque : l’islam fut le « bastion de repli » pour les Algériens devant la conquête et la domination coloniale.

Cinquième point : la naissance de l’identité indépendantiste nationale. Ce qui est frappant, c’est que cette idée d’indépendance est née dans les années 1920 en France, dans les rangs de la première génération d’ouvriers algériens - surtout kabyles -, principalement dans les mines du Nord et de Lorraine, à Paris, Marseille et Lyon-Saint Étienne. Mais, l’ironie du sort a voulu logiquement que le chef qui émergeât fut un des rares « Arabes », Messali Hadj, de Tlemcen : parfaitement arabophone et citadin, issu d’une confrérie musulmane populaire, il fut porteur de la norme sacro-culturaliste à la musulmane, même s’il fut un temps adhérent du Parti communiste. Des militants algériens constituèrent en 1926, avec quelques comparses tunisiens et marocains, l’« Étoile Nord-Africaine », sous la houlette du Parti communiste français. Ce n’est pas un hasard si, pour la première fois, une identité algérienne trouva quelque consistance chez ces immigrés : il est fréquent, dans l’histoire, de constater combien l’identité peut s’exprimer dans les marges ou dans l’exil. C’est souvent à l’extérieur que se créent les mouvements de reconquête et de résistance, comme l’illustre le célèbre « Va pensiero » du choeur des Hébreux dans le Nabucco de Verdi où l’identité hébraïque s’exprime dans l’exil. Cavour était, certes, italien, mais parfaitement francophone et de mère savoyarde, et Garibaldi était niçois.

Sixième point : le dépit de dépossession des élites rurales. La colonisation française a fait en sorte de substituer à de vieilles familles de notabilité rurale des parvenus fonctionnarisés. De ce fait, on a pu dire que le peuple algérien fut à ce moment un « peuple-classe » : en effet, malgré le maintien précaire d’une grande propriété algérienne, les grands propriétaires terriens furent en grande partie des colons français. La lutte des classes fut donc presque toujours, en même temps, une lutte anticoloniale, contrairement à ce qui a pu exister en d’autres aires du Tiers Monde, comme le Viêt-Nam par exemple. Il y avait bien quelques francisés, « jeunes Algériens » enseignants, médecins, etc., mais leur nombre était dérisoire. Ces élites secondarisées, dépossédées du pouvoir, sont à la base des neuf chefs historiques du 1er novembre 1954. Six d’entre eux sont issus de l’élite rurale déclassée Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’Hidi, Mustapha Ben Boulaïd, Ahmed Ben Bella, Krim Belacem -, les autres étant fabriqués par le parti Mohamed Khider, Rabah Bitat et Mourad Didouche, seul citadin du lot. La lutte pour l’indépendance est très largement en rapport avec cette dépossession d’élites rurales qui veulent reconquérir ce dont ils ont été dépossédés.

Septième point : les blocages coloniaux. Il y eut, en effet, ce qu’on a parfois appelé les « occasions manquées. » On entend par là les opportunités de réformer le système colonial qui auraient pu le rendre relativement acceptable et permettre, de ce fait, un passage en douceur vers l’indépendance, ainsi que cela s’était passé, relativement, en Égypte en 1922, en Inde en 1947, et ainsi que cela s’est produit en 1956, dans la Tunisie et le Maroc voisins. À vrai dire, pour qu’il y ait eu des « occasions manquées », il aurait fallu qu’il y ait eu des « occasions tentées ». Or, la bénigne loi Jonnart de 1919 ne changea pratiquement rien, si ce n’est au niveau des élections locales. La proposition de loi Blum-Viollette de 1936, qui consistait simplement à créer une vingtaine de milliers de citoyens algériens conservant leur statut musulman, n’a pas abouti : le gouvernement Blum, devant les rodomontades coloniales, ne la présenta même pas aux chambres. En 1943, lorsque le modéré Ferhat Abbas signa le Manifeste du Peuple algérien, il lui fut opposé une fin de non-recevoir. Ce manifeste allait peu après, en 1944, donner son nom au front algérien précurseur du FLN, les AML (Amis du Manifeste et de la Liberté) avec les résultats qui s’ensuivirent et que vous connaissez.

Et même une fois la guerre déclenchée, lors des tentatives d’Alain Savary, ministre des Affaires tunisienne et marocaine, de conclure avec la délégation extérieure du FLN conduite par Ben Bella, Aït Ahmed, Boudiaf et Khider, un compromis dans le cadre d’une fédération nord-africaine, les dirigeants militaires français d’Algérie bloquèrent le processus qui devait s’enclencher à la conférence idoine de Tunis, en pratiquant le premier acte connu de piraterie aérienne : le 22 octobre 1956, l’avion qui les conduisait de Rabat à Tunis fut arraisonné par les militaires français et ses passagers passèrent tout le reste de la guerre en captivité. Savary démissionna du gouvernement socialiste Mollet, lequel intensifia la guerre. Il fallut attendre de Gaulle et l’année 1960 pour que les nouveaux fils d’un contact puissent être renoués. Mais, là comme auparavant, l’indépendance était bien inéluctable. Le résultat, ce fut un choc brutal, sans doute la plus féroce des guerres de décolonisation. Et l’explication qui a parfois été donnée de faire des Européens d’Algérie les responsables principaux des blocages ne résiste pas à l’examen.

Certes, ce million de « Pieds Noirs » était naturellement porteur de la discrimination et du racisme du système colonial. Mais il devait bien quelque part exister une entente structurelle entre eux et Paris pour que Paris accepte régulièrement de s’incliner devant les défis qu’ils lançaient à la « métropole » : ils représentaient volens nolens la France en site colonial ; ils étaient l’expression d’un nationalisme français qui se confondit finalement avec le statu quo colonial. Ceci dit, il y eut de rares exceptions : des chrétiens, des juifs ou/et des communistes firent leur le combat algérien pour l’indépendance. Mais, globalement, les Européens d’Algérie furent autant les expressions que les otages du système colonial. Il n’exista jamais de nation « créole » à l’israélienne ou à la sud-africaine. Et il ne se trouva jamais en Algérie de personnalité comparable à un Frederik De Klerk. Et il faut dire que les Nelson Mandela algériens n’émergèrent pas de façon décisive : comme tous les politiques, ils furent marginalisés par l’appareil militaire. La nuit suivant l’arraisonnement de l’avion de la délégation extérieure du FLN, on fit la fête à l’état-major de la wilâya 2 (Constantinois) : le kidnapping aérien qui avait enterré la conférence de Tunis était la garantie qu’une solution de compromis n’adviendrait pas et que le mot d’ordre de guerre à outrance permettrait bien à l’appareil militaire algérien en constitution de s’assurer la direction de ce qu’on appelait alors la « Révolution ». L’intransigeance des uns fut ainsi liée à l’intransigeance des autres.

Il y a eu un certain nombre de détonateurs précurseurs, avec toutes les insurrections depuis 1871. La grande insurrection à vecteurs confrériques de 1871 se solda par une sévère répression et par la confiscation de près d’un demi-million d’hectares. Le relais de la lutte armée défaite fut pris dans les décennies qui suivirent par des vagues d’émigration en Syrie. En 1916-1917, éclata l’insurrection du Sud-Constantinois, protestant contre la conscription obligatoire généralisée pour cause de guerre mondiale. Elle avait déjà des traits modernes, en cela qu’elle n’avait de caractère ni tribal ni confrérique avéré et qu’elle était déjà dirigée par des élites rurales ; mais elle manquait de l’indispensable fédération politique qui allait être réalisée seulement pendant la guerre de 1954-1962.

Le mouvement des AML, né en 1944, théoriquement front politique, fut en fait rapidement noyauté par le PPA. Ce fut dans une atmosphère d’exaltation, portée par la défaite française de 1940, puis le débarquement américain, porteur d’espoir, avec la Charte de l’Atlantique de novembre 1942, que se noua le drame qui allait marquer toute une génération : la manifestation de Sétif du 8 mai 1945 qui acclamait l’indépendance et revendiquait la libération de Messali Hadj. S’y produisit un affrontement meurtrier entre manifestants, forces de l’ordre et Européens. Elle fut suivie d’un mot d’ordre improvisé d’insurrection, sans directives, sans armes, sans direction sérieuse. La tentative insurrectionnelle, qui fit peut-être se lever 45 000 hommes, fut écrasée dans le sang. Il y eut plusieurs milliers de morts. Dès lors, naquit une hantise dans le Constantinois : renouveler la tentative avortée de 1945, mais cette fois en la réussissant. Le général Duval, qui avait dirigé la répression, est crédité d’avoir averti : « Je vous ai donné la paix pour dix ans ». A six mois près, ce n’était pas trop mal calculé : l’insurrection libératrice éclata le 1er novembre sur fond de crise du parti indépendantiste.

L’allumage de la mèche du 1er novembre 1954 sanctionna l’échec d’un réformisme colonial, parfois entrevu, mais jamais advenu. Il n’y eut pas vraiment, contrairement à ce qu’on a pu dire, d’occasions manquées, pour la raison qu’il n’y eut jamais, au fond, d’occasions tentées. Le 1er novembre 1954 consacra l’échec du politique. En 1954, on changea de registre. Sur les décombres de réformes dépassées, advint une ère nouvelle de douleur et de sang, répondant aux blocages politiques antérieurs - français bien sûr, mais aussi algériens. Comme le notait Mouloud Feraoun dans son journal le 20 février 1959, « c’est terminé, il n’y a plus rien à réformer » : le FLN réalisa le détachement radical d’avec le système colonial. L’indépendance était inéluctable et elle a abouti par la voie politique, beaucoup plus que par la voie des armes, même si elle a été initiée par la commotion des armes. Et elle a donné lieu, malgré le triomphe des civils, à un pouvoir largement militarisé, comme le montre très bien Madjid Bencheikh dans son ouvrage L’Algérie, un système politique militarisé.

Amar MOHAND-AMER, maître de recherche au Centre national d’anthropologie sociale et culturelle d’Oran

L’esprit des accords d’Évian

Les accords d’Évian de 1962 restent une date importante en Algérie comme en France. En Algérie, l’année 1962 est perçue de façon ambivalente. D’une part, et c’est le plus important, 1962 marque le recouvrement de la souveraineté. Mais cette date ouvre, par ailleurs, une nouvelle ère marquée par les difficultés rencontrées par le FLN historique et les institutions issues de ce même FLN pour dépasser leurs contradictions et taire leurs dissensions, cette situation ayant lourdement hypothéqué les premières années de l’indépendance, notamment sur le plan politique et institutionnel.

En France, 1962 est davantage synonyme, dans ses représentations les plus visibles et démonstratives, du « départ forcé » des Européens d’Algérie vers la France, des événements du 5 juillet à Oran ou des représailles dont ont été victimes des harkis. Le terme « harki » est utilisé ici dans un sens extensif. Il regroupe tous ceux qui, pendant la guerre d’Algérie, ont été considérés par le FLN ou par une partie de la population algérienne comme pro-Français et hostiles au projet d’indépendance nationale, cette définition restant réductrice compte tenu de la complexité de la situation en 1962.

Les accords d’Évian ne furent ni une honteuse capitulation sans défaite de l’armée française, comme on a pu le lire dans un certain nombre d’ouvrages, ni un obstacle à une victoire militaire de l’ALN, thèse qui a pu être soutenue au lendemain de l’indépendance. Les historiens savent qu’en 1962, la résolution du conflit ne pouvait être que politique, l’option militaire ayant montré ses limites. Les accords d’Évian sont un compromis politique dont le but est de répondre à la fois aux revendications principales du FLN (souveraineté nationale, intégrité du territoire, union de la Nation algérienne : ces revendications sont contenues dans la déclaration du 1er novembre 1954), et, en même temps, d’offrir des avantages économiques et militaires au gouvernement français, des garanties aux Européens d’Algérie et aux musulmans qui croyaient au projet d’une Algérie française ou ceux qui se sont retrouvés, pour une raison ou une autre, dans ce camp au moment de l’indépendance.

Ce qui caractérise les accords d’Évian, comme l’a écrit Raymond Aron en juin 1962, c’est qu’ils pouvaient réussir. Il y a cette espérance que, dans une situation très compliquée, ces accords pouvaient permettre à l’Algérie de dépasser ce cap dans les conditions les plus acceptables possibles. Les accords offraient des outils adéquats à leur réussite. Le temps d’abord : une période transitoire de trois ans devait être mise à profit pour créer les institutions et permettre aux Européens d’exercer des droits exceptionnels : outils politiques et militaires et engagements bien affirmés sur l’amnistie et le pardon.

La situation était assez difficile car les négociateurs d’Évian étaient soumis à trois défis. Le plus urgent était l’OAS. Cela n’est pas qu’une affaire franco-française, c’est aussi une affaire franco-algérienne. L’OAS a été un acteur incontournable en 1962 et même après en France. C’est une organisation militaire qui a fait preuve d’une grande efficacité meurtrière dans son action, ses principales cibles étant des civils : les Algériens d’une part, et les libéraux européens d’autre part.

Autre défi technique et symbolique à la fois : comment faire cohabiter deux armées - l’armée française de 400 000 hommes et l’ALN - sur le territoire algérien, pour une période qui pouvait s’étendre au delà de 1962 ? Le défi le plus problématique et le plus difficile à relever était de créer les conditions objectives garantissant une cohabitation pacifique entre tous les habitants d’Algérie.

Aujourd’hui, grâce aux archives en France et en Algérie, j’ai pu consulter les délibérations du Parlement du FLN à la veille des accords d’Évian, après les Rousses. On peut comprendre comment ces négociations ont pu être menées, éclairer les appréhensions, les malentendus et tous les obstacles qui ont surgi. Mais la question la plus importante est : y avait-il un esprit ?

L’esprit d’Évian, c’est avant tout une réelle volonté des deux parties de mettre fin à la guerre et d’arrêter les violences. C’est le sens à donner au blanc-seing qui a été donné aux négociateurs par le FLN. La quasi-totalité des dirigeants du FLN ont accepté le pré-projet des accords d’Évian. L’esprit d’Évian, c’est aussi la confiance rétablie. N’oublions pas qu’Évian vient en dernière étape de toute une série de pourparlers officieux et officiels, de rendez-vous politiques, d’événements politiques de grande ampleur qui pouvaient provoquer des ruptures irréparables. Je pense à l’affaire Si Salah [1].

C’est aussi le fait que le gouvernement français reconnaisse le caractère national du peuple algérien et l’intégrité de son territoire, ce qui rendait caduc tout projet de morcellement de l’Algérie sur des bases communautaires ou ethniques, et, de ce fait, neutralisait la stratégie de l’OAS et de tous ceux qui prônaient d’autres solutions en dehors du cadre gouvernement français/FLN. C’est aussi une vision, un projet qui fera oublier les affres de la colonisation et les blessures de la guerre, au profit d’une Algérie post-indépendante nouvelle.

Ce projet a bel et bien existé. Ce n’est pas parce qu’il y a eu de grandes tragédies en 1962 qu’il faut le nier. Au moins au niveau des négociateurs du FLN, ce projet d’une Algérie « fraternelle » existait. Au niveau de la population, c’est une autre histoire. Ce projet était sérieux dans sa conception. Il s’appuyait sur des institutions solides, un gouvernement de fait, l’exécutif provisoire, qu’on connaît peu mais qui était la seule autorité légale officielle de mars à septembre 1962. Ce n’était pas le FLN qui décidait mais cette autorité locale formée de membres du FLN et de membres de la société civile : Algériens et Européens. Ainsi qu’une armée de 40 000 à 60 000 hommes, constituée d’Algériens musulmans qui étaient « appelés » dans l’armée française. Le service national n’a été aboli qu’en mars 1962. L’objectif de cette force était le maintien de l’ordre et la lutte contre l’OAS, mais surtout un objectif symbolique et psychologique : rassurer, c’est-à-dire remettre de la confiance dans les relations entre les communautés. Surtout après cette année 1962 dont l’OAS a été l’acteur principal.

Pourquoi le FLN refuse-t-il la double nationalité aux Français après la période transitoire ? Parce qu’il considère que le fondement de cette indépendance, c’est le retour à la souveraineté nationale. La thèse du FLN est que l’Algérie préexistait à la conquête de 1830. Donc en 1962, ce n’est que le retour à la norme, la Nation algérienne ayant été mise sous le boisseau par le colonialisme pendant 132 ans. A l’indépendance, l’Algérie retrouve sa souveraineté. Il ne pouvait être question d’une souveraineté a minima pour les Algériens tandis que les Français auraient eu tous les droits dans un cadre politique.

Le FLN souhaitait-il le départ en masse des Européens ? La réponse est non. Je cite le témoignage de l’un des plus prestigieux chefs du FLN, Lakhdar Bentobal, qui disait à Joxe en mars 1962 : « Nous avons besoin de certains Français qui doivent rester chez nous ; nous le revendiquons parce qu’ils ont l’expérience que nous n’avons pas. Nous avons besoin de leur aide, mais pas des gros colons ». Selon ce témoignage et d’autres, on estimait à 500 000 au minimum le nombre d’Européens qui allaient rester en Algérie. En mars 1962, ce chiffre était loin d’être fantaisiste. Rares étaient ceux qui tablaient sur un départ massif. Une chose est sûre : les Algériens ne souhaitaient pas que huit Français sur dix quittent l’Algérie. Même les maquisards. Plus on monte dans la hiérarchie, plus la vision est positive et constructive. Ce qui importait le plus aux habitants de l’Algérie, c’était la fin de la guerre, la libération des prisonniers et le retour des réfugiés. Pour cette raison, mars 1962 est très important. Pendant toute une période, on s’est concentrés sur l’indépendance. Mais la fin de la guerre a été célébrée dans une grande liesse dans les douars. Pas dans les grandes villes, parce que l’OAS menaçait, mais dans les douars, les villages et les maquis, l’ALN de l’intérieur a été soulagée de la fin de la guerre. Les combattants algériens voulaient revoir leurs familles et retrouver une vie normale.

Sur le plan des institutions, la passation s’est effectuée dans de très bonnes conditions. Le 3 juillet, les Français remettent le pouvoir à l’exécutif provisoire et, le 20 septembre, à l’Assemblée nationale. Peu d’incidents ont eu lieu entre les deux armées.

Venons-en à une des questions les plus importantes de cette période : celle des violences en 1962. Oui, il y a eu des violences, notamment à l’encontre des harkis. Toutefois, aucun texte du FLN, du GPRA ou du Bureau politique n’appelait à des représailles contre les harkis. En revanche, au niveau des wilayas, il y avait des directives allant dans le sens de la vengeance. Mais il y avait aussi des directives prônant le pardon et demandant aux moudjahidines de ne pas heurter la susceptibilité des harkis.

En signant les accords d’Évian, les dirigeants du FLN et de l’ALN étaient dans une logique d’apaisement. Les concessions qu’ils ont dû accepter en sont la preuve. Si le pari d’Évian n’a pas été tenu, c’est en raison des ressentiments qu’une guerre dure a attisés. Sortir de 132 ans de colonialisme sans séquelle était une gageure.

Ali HAROUN, ancien membre du FLN

Le congrès de Tripoli du 26 mai au 6 juin 1962 et la fin de la guerre du FLN historique

Vous avez entendu des spécialistes, des historiens, des chercheurs, je n’ai pas la prétention d’avoir leur compétence. Je suis devant vous comme acteur et témoin. J’ai été témoin d’un événement très important dont les historiens ont très peu parlé. Les Algériens n’en ont pas parlé. Je ne dis pas qu’on a voulu l’éliminer de l’histoire. Mais on a eu une certaine pudeur pour en parler. On doit aimer son pays. On peut et on doit, parfois, dans certaines circonstances, mourir pour lui. Mais mentir, non. Il est temps, cinquante ans après les faits, que ceux qui sont au courant de certains faits importants, puissent le laisser à l’histoire.

Nous allons parler d’une période très courte : du 27 mai au 6 juin 1962. Au court de cette période, il n’est pas question des rapports algéro-français. C’est un problème algéro-algérien. Que se passe-t-il ?

Le cessez-le-feu a lieu en mars 1962. Et la direction du FLN estime qu’il est temps de se retrouver dans un Congrès extraordinaire pour envisager l’avenir de l’Algérie prochainement indépendante et celui du FLN, qui était le parti exclusif, même s’il y a eu le MNA, la troisième force, et des tentatives de de Gaulle de créer d’autres interlocuteurs. Les discussions à Évian ont eu lieu entre le GPRA [2], représenté par le FLN, et le gouvernement français.

Le Congrès se réunit le 27 mai 1962. Les congressistes sont saisis de deux textes : un projet de programme, qui avait été rédigé à Hammamet, en Tunisie, et qui deviendra ensuite, une fois adopté, la plateforme de Tripoli. Et un autre texte relatif au parti : le Bureau politique et la manière d’implanter le parti dans l’Algérie indépendante. Pourquoi implanter le parti ? Parce que nous sommes en présence d’un parti unique et le FLN n’entendait pas mettre en place le pluripartisme. Diriger le parti unique, c’est diriger le pays.

Le premier texte, plutôt idéologique, est discuté pendant quatre ou cinq jours en plénière. Une commission est désignée chargée de rédiger le texte définitif du Congrès, qui est soumis à l’Assemblée et adopté à l’unanimité. J’appelle votre attention sur ce point. Le vote est unanime. Cela veut dire que lorsque, plus tard, il y aura des litiges et une cassure au sein du FLN, ce n’est pas une cassure idéologique. On ne peut pas dire qu’il y avait des révolutionnaires et des contre-révolutionnaires.

Lorsqu’on arrive au deuxième point qui concerne la création et la direction du parti, comme d’habitude, au sein du CNRA [3], personne n’était candidat. Il était presque honteux d’être candidat. Il y avait cinquante-deux personnes qui toutes étaient des maquisards, des responsables avec un passé extraordinaire. Se présenter comme candidat devant ces hommes, c’est un peu porter atteinte à leur considération. Donc, on avait l’habitude de créer une commission de sondage qui entendait tous les membres du CNRA de façon individuelle et anonyme, chacun donnant ses orientations et certains noms. Cette commission était censée, après avoir entendu tout le monde, proposer un certain nombre de membres pour composer la direction. Mohammed Seddik Ben Yahia, qui présidait la commission, se présente devant l’assemblée plénière au bout de 24 heures et avoue l’échec de la commission.

« En ce qui concerne le problème de la désignation de la direction, nous avons entendu les avis de tous les membres de l’assemblée. A la lumière de ces avis, nous avons essayé de proposer à vos suffrages une liste susceptible de recueillir la majorité des deux tiers et qui soit acceptable par les frères qui la composent. Nous avons le triste devoir de vous informer que nous avons échoué dans notre mission. En conséquence, nous vous proposons, sans aucune ouverture des débats, de désigner une autre commission. »

Ben Yahia, dans sa sagesse, propose de ne pas rouvrir les débats. Parce qu’il s’est rendu compte que, pour ces hommes qui viennent de partout, la lutte crée des sentiments d’amitié mais aussi des inimitiés. Malheureusement, quelqu’un rouvre les débats. Une altercation très violente a lieu entre le président Ben Khadda et le vice-président Boumédiène. Au bout de plusieurs heures d’échanges violents, le président de séance, qui était exceptionnellement Omar Boudaoud, suspend la séance en disant, demain, nous trouverons la solution.

Nous sommes encore suspendus jusqu’à aujourd’hui...

Le lendemain, le Congrès s’effiloche, chacun s’en va de son côté. Pendant trois semaines, on essaie de taire cette divergence. La presse commence à se demander pourquoi il n’y a pas eu de déclaration ou de communication publique. C’est le 20 juillet 1962 qu’Ahmed Ben Bella se retrouve à Tlemcen et fait une première déclaration disant « nous sommes majoritaires », et le groupe majoritaire a décidé que le Bureau politique serait constitué de cinq personnes, qui sont les cinq détenus dont moi et deux autres, Mohammedi Saïd et Hadj Benalla. Je cite uniquement les personnes décédées.

Ces sept personnes sont l’autorité suprême. Bien entendu, ceux qui n’étaient pas de cet avis ne l’ont pas accepté. Ben Bella prétend avoir la majorité, ce que le Congrès n’a pu valider à cause de la suspension, et avance qu’après le Congrès, de nombreux votes de membres du CNRA lui auraient signé un PV de carence contre le GPRA. C’est sur la base de cette déclaration que, le 22 juillet 1962, le Bureau politique annoncé par le Président Ben Bella se déclare investi de tous les pouvoirs pour préparer l’Assemblée Nationale Constituante.

« La proclamation décide de mettre en application la solution concernant la désignation du Bureau politique telle qu’elle résulte du rapport du 6 juin. »

Et voilà comment l’Algérie indépendante a démarré dans la lutte. Il y a eu le cessez-le-feu du 19 mars, mais il y a eu un autre cessez-le-feu le 4 septembre 1962. Telle est l’histoire. La guerre de Libération a été, pour ceux qui l’ont vécue, une véritable épopée. Mais elle a été menée par des hommes, avec leurs qualités et leurs défauts.

Abdelmadjid MERDACI, sociologue et historien, professeur à l’université Mentouri de Constantine

L’hypothèque des rapatriés

S’agissant de l’intitulé du colloque, la construction de l’avenir peut être l’otage d’hypothèques de tous ordres. Il y a une hypothèque « rapatriés » qui interdit de regarder et de lire l’histoire et de comprendre le passé. Il y a un aspect important pour le chercheur, c’est le rapport à son objet, à son terrain et à son propre pays, et ensuite le système d’échange concernant le rapport qui permet à l’information et à la connaissance de circuler. Une de nos collègues appelait, tout à l’heure, au décloisonnement de la recherche. Depuis que j’ai commencé à travailler modestement sur ce sujet, cet appel est récurrent. De ce point de vue, nous sommes dans un système d’échange inégal. Quand un ouvrage important sort en France, il est réédité en Algérie très rapidement. Parallèlement, il y a des colloques très importants en Algérie qui ne donnent pas lieu aux mêmes publications en France.

Comment peut-on construire l’avenir dans la méconnaissance du passé ? Est-ce que les Algériens connaissent leur histoire ? La réponse est non. Pour différentes raisons. D’abord, parce qu’il y a eu la mise sur pied d’un système politique autoritaire qui contrôlait, notamment, le passé et l’histoire de la guerre d’indépendance. L’histoire officielle était faite de mensonges, d’occultations, de manipulations, de validation de la violence, de négation des dimensions politiques des apports de l’histoire du mouvement national ; tout cela est une donnée réelle de l’Algérie indépendante. Maintenant, il est de bon ton de stigmatiser les mensonges de l’histoire officielle de l’Algérie.

Pourquoi les Algériens ont-ils accepté de cohabiter avec le mensonge, l’occultation et la manipulation ? Je pense que c’est parce qu’il fallait du temps pour permettre la cautérisation des fractures algériennes. Ainsi, lorsqu’on évoque la colonisation et la guerre d’indépendance, le discours général est celui de « la colonisation infâme ». Mais nous n’avons pas étudié dans quelles conditions nos parents, nos grands-parents et nous-mêmes avons connu la colonisation et la guerre, et quelles étaient les positions des uns et des autres.

Il y a une sorte de consensus sur le grand « colonat » : l’exploitant puissant qui a bénéficié des dépossessions des terres, qui a bloqué les réformes et qui avait un impact politique auprès du Parlement français, au niveau des lois et réformes proposées par le gouvernement français métropolitain, etc. Tout cela est exact.

Mais il y a aussi le « petit peuple blanc », les « gens biens » de l’Algérie quotidienne. Ce sont ces gens là qui m’intéressent. Pourquoi ? Parce que, dans leurs rapports à la puissance tutélaire, les Européens d’Algérie, qui sont des migrants francisés en 1889, ont eux aussi été touchés par un « syndrome algérianiste » qui penchait, jusque dans les années 30, pour l’autonomie par rapport au gouvernement français. En second lieu, l’Algérie française a été un cadre d’acculturation et d’assimilation pour ces migrants qui venaient de partout : Espagne, Italie, Malte, Suisse, Allemagne... Il y a eu un socle européen d’Algérie. Pendant les négociations d’Évian, on ne parlait pas des Français d’Algérie mais des Européens d’Algérie.

Cinquante ans plus tard, quand on revient sur ce passé, c’est ce que j’appelle le syndrome ou « l’hypothèque rapatriés » qui domine. Il faut rappeler dans quelles conditions s’est effectué le « rapatriement ». En réalité, il n’y a pas eu de rapatriement proprement dit, mais un départ massif - une sorte d’abandon - des Européens d’Algérie. Là encore, il faut remettre l’histoire en perspective. L’un des motifs de la guerre menée par l’OAS contre la politique du général de Gaulle était la lutte contre la politique de l’abandon. Pour l’OAS, de Gaulle a abandonné l’Algérie.

Or, le gouvernement français avait obtenu un certain nombre de garanties pour les Européens d’Algérie de la part du GPRA dans le cadre des négociations d’Évian. L’hypothèse d’un rapatriement n’a été évoquée, ni par les négociateurs français, ni par les représentants du GPRA. Le ministre de l’intérieur du GPRA tablait même sur le maintien d’un minimum de 600 000 français en Algérie. En réalité, le rapatriement s’est imposé aux pouvoirs publics français. Il a donné lieu au premier communautarisme dans la société française : le communautarisme rapatrié.

Aujourd’hui, le discours qui domine dans l’histoire savante véhiculée par les médias français est un discours victimaire : les rapatriés sont des victimes. Je crois qu’il faudrait revenir à l’histoire telle que racontée par les rapatriés eux-mêmes et je pense notamment à ceux qui ont animé et dirigé l’OAS. Pour l’essentiel, les rapatriés - je ne dis pas la totalité, de même que tous les Algériens n’ont pas été au FLN - étaient des Européens en armes, c’est-à-dire qu’ils étaient organisés dans les unités territoriales, et je renvoie sur ce point au témoignage de Jean-Jacques Susini [4]. Ce sont des guerriers civils, des civils armés qui ont fait la guerre, notamment aux populations civiles en Algérie, qui ont frappé aussi les libéraux européens, les gendarmes et les CRS français et, par la suite, les soldats français. Donc, ceux qui reviennent en France au cours de l’année 1962 ne sont pas des victimes.

Il y a trois mois à Marseille, où je me trouvais pour l’ouverture d’une manifestation, j’ai encore entendu « FLN assassin », cinquante ans après ! Ce sont des gens qui dans la profondeur de leur conviction, contestent la légitimité du combat des Algériens pour l’indépendance, légitimité qui a été longtemps représentée par le FLN entre 1954 et 1962. Il faut s’interroger sur cela, car le discours victimaire des rapatriés est largement relayé par les médias en France, sans examen critique. On ne leur demande pas quelles étaient leurs positions. Avez-vous pris les armes ? Une large partie de ceux qui se réclament du rapatriement aujourd’hui en France sont des vaincus de la guerre. Il faut revenir aux conditions dans lesquelles l’OAS, dès sa création en janvier 1961 en Espagne puis, une fois implantée en Algérie, a conduit une guerre déterminée, avec des objectifs précis formalisés par Salan et Jean-Jacques Susini pour rendre inapplicables les accords d’Evian et ce qui allait conduire à l’indépendance de l’Algérie. Ils étaient les acteurs d’une guerre. Pas une guerre périphérique : de 1961 à juillet 1962, ils étaient au coeur de la guerre, ils sont un marqueur de l’évolution de la guerre d’indépendance algérienne. L’OAS et les Européens qui ont pris les armes et participé à des massacres de civils au quotidien sont des soldats en armes vaincus, qui ont choisi le repli.

On lit et on écrit que l’exode a été imposé. Mais par qui ? Si le FLN a été battu militairement et si l’ALN n’existait plus, comme le prétend la thèse et comme le répètent les historiens, alors comment a-t-elle pu imposer par les armes le départ de la communauté européenne ? Comment le FLN battu militairement pouvait-il encore tuer des civils en 1962 ? Pour mémoire, je rappelle la recommandation de Benyoucef Benkhedda, président du GPRA, donnée aux hommes de la zone autonome d’Alger au moment des discussions avec l’OAS, préconisant de ne pas répondre aux provocations, de garder le calme et la discipline. La stratégie du FLN était de conduire à leur terme des négociations très avancées, pas de porter les armes contre la population européenne, ni d’imposer le départ des Européens d’Algérie. Ces éléments doivent être rappelés à la mémoire et portés au débat. Je connais des Européens d’Algérie qui avaient pris fait et cause pour l’indépendance de l’Algérie et qui se sont organisés, mais leur voix ne passait pas. Il y a des organisations de pieds noirs progressistes mais on ne les connaît pas et, surtout, on ne les entend pas. La voix des rapatriés victimaires domine le débat public. De mon point de vue, cela constitue une hypothèque. Chaque fois qu’il y a une manifestation en rapport avec l’histoire de l’Algérie, cette hypothèque est réactivée. Que reste-t-il de ceux qui ont vécu en Algérie ? Ils en sont aujourd’hui à leur troisième génération. Certains courants politiques instrumentalisent cette mémoire victimaire, et pas uniquement dans le sud de la France.

Il est temps de passer au cap des échanges entre historiens, et entre les historiens et leur société. Nous nous connaissons et nous connaissons nos travaux réciproques mais ces derniers ne sont pas connus par la société. Tant que la connaissance et le savoir historique de Sylvie Thénault, de Guy Pervillé, de Gilbert Meynier, ou de Benjamin Stora ne touchent pas les Français et les Algériens, les ersatz d’histoires, les histoires de l’immédiat et les discours convenus continueront de prendre le pas sur l’Histoire. Or, il est dans l’intérêt de votre pays et du mien de construire l’avenir sur des bases sereines, apaisées et, surtout, scientifiques : il faut donc lever les hypothèques et notamment celles concernant les rapatriés.

Matthew CONNELLY, professeur d’histoire à Columbia University

Comment la guerre d’Algérie a donné l’indépendance à la France ?

Je souhaiterais m’interroger, durant cet exposé, sur les raisons pour lesquelles la guerre d’Algérie suscite encore autant d’émotion cinquante ans après. Comment la société française a-t-elle survécu à ce traumatisme national ? Comment la France a-t-elle finalement « donné son indépendance » à l’Algérie ? Je pense que la guerre d’Algérie doit être considérée comme un conflit international. Pour comprendre cette histoire, nous devons la resituer dans un contexte plus large : un contexte mondial.

Les historiens ne peuvent pas prouver que l’indépendance était inévitable. Il est possible qu’avec une stratégie différente, dans un monde différent, le résultat eut été différent. Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est expliquer comment cette guerre particulière a été combattue, comment la France a perdu, certes, mais surtout comment le FLN a gagné.

Cette guerre a été la première guerre de libération nationale moderne. C’est ce qui en a fait un modèle pour l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat et pour le Congrès national africain de Nelson Mandela. Les rebelles ont mobilisé les correspondants étrangers, l’ONU et l’opinion internationale. Ils ont utilisé les conférences de presse visant l’opinion mondiale et le droit international, plus que les objectifs militaires. A la fin, plutôt que de se risquer à franchir les barrières fortifiées autour de l’Algérie, les ministres algériens ont rallié contre la France la majorité de l’Assemblée générale de l’ONU, ont obtenu les honneurs lors d’innombrables conférences internationales et recueilli des salves d’honneur dans de nombreux pays. Les armées et les responsables rebelles en exil, au Maroc et aux frontières de l’Algérie, étaient armés et financés par des pays aussi divers que l’Arabie Saoudite et la Chine communiste. Ces réalisations ont encouragé les insurgés en Algérie à continuer leur lutte.

Pendant la même période, les dirigeants français ont été frustrés par le manque de soutien de leur allié américain. Cette distance n’était pas seulement due au million de colons que comptait l’Algérie française ; le gouvernement américain jugeait qu’elle était en première ligne de ce que le ministre des affaires étrangères de l’époque appelait un « choc de civilisations ». C’est d’ailleurs dans les années 50 que les dirigeants français ont qualifié la guerre de choc de civilisations. C’est la raison pour laquelle ils comptaient sur un soutien de leurs alliés, et particulièrement des Américains. Ils craignaient que la défaite en Algérie favorise la propagation de l’islamisme fanatique, y compris sur le territoire français, via les immigrés musulmans. Pour autant, l’intégration pleine de l’Algérie à la France représentait également un danger pour le président de Gaulle, comme il s’en est livré à Guy Pervillé : « Si nous faisions l’intégration, si tous les arabes et berbères d’Algérie étaient considérés comme français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-deux-Eglises mais Colombey-les-deux-mosquées. »

De Gaulle a accepté que l’Algérie ait une certaine forme d’autonomie limitée dans une grande fédération mais pas une véritable indépendance, et absolument pas la souveraineté. Mais il est devenu obsédé par l’impact de la guerre sur l’influence de la France dans le monde et cela a accru sa dépendance à l’égard du soutien des États-Unis dans ce conflit international. De Gaulle aimait prétendre que la France a donné son indépendance à l’Algérie - André Malraux appelait cela « une victoire sur nous-mêmes » -, comme s’il avait gagné, et pas les Algériens. Mais de Gaulle a dû en rabattre par rapport à son plan initial et a dû finalement accepter l’indépendance totale de l’Algérie.

La victoire du FLN a été gagnée sur la scène internationale. Vu à travers ce prisme plus large, nous pouvons commencer à comprendre pourquoi, une fois libérée de ses fardeaux coloniaux, la France n’avait plus besoin des Américains. En libérant l’Algérie, les Français se sont libérés eux-mêmes. Au lieu de reconnaître leur défaite, les Français devraient se souvenir que la guerre fut une réussite, un combat mené par les Français pour racheter la véritable France généreuse en donnant aux Algériens leur indépendance. C’est ce qui explique que de Gaulle ait combattu si longtemps, et si âprement, tout ce qui était susceptible d’internationaliser le conflit, même après les accords d’Évian.

Aujourd’hui, les luttes annuelles à l’ONU, les affrontements avec les alliés, les campagnes diplomatiques tous azimuts sont bien oubliés. En revanche, l’usage de la torture, l’abandon des harkis et le rapatriement des pieds-noirs sont devenus le plus répandu des secrets. Pourquoi ? Dans son célèbre essai Qu’est-ce qu’une Nation ?, Ernest Renan écrivait : « L’essence d’une Nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun et aussi que tous aient oublié bien des choses. [...] Tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe siècle ». L’ironie est que seuls les Français peuvent comprendre ces allusions. Seuls les Français sont capables de l’acte collectif d’oublier.

Pour Ernest Renan, « avoir oublié ces antiques tragédies est un devoir civique capital ». Les Albigeois et leurs persécuteurs, les huguenots et les catholiques sont réconciliés comme un ensemble soudé par des drames nationaux, même s’ils auraient eu du mal à se reconnaître comme tels. Mais aujourd’hui, il est douteux qu’il y ait suffisamment de Français qui se soucient des divers épisodes des guerres de religions de l’Europe médiévale pour que l’acte collectif « d’oublier » ait cet effet incantatoire. C’est vrai pour les laïcs, mais plus encore pour les musulmans qui ne se passionnent guère pour les luttes sectaires entre chrétiens remontant à plusieurs siècles.

La guerre d’Algérie, avec la torture, le massacre de Charonne, l’abandon des harkis, est désormais la tragédie que les Français devraient oublier et dont les protagonistes ressemblent le plus à la société contemporaine. Ils forment une part de la mémoire collective qui permet, même aux pieds-noirs les plus amers et aux harkis les plus marginalisés, d’exprimer leur « francité » à travers des querelles qu’ils partagent avec leurs compatriotes. Ce qui était perçu à l’époque comme un conflit international, religieux, et même civilisationnel est désormais perçu, de façon rassurante, comme une lutte entre deux nationalismes, voire deux visions du monde en concurrence.

Les gens me demandent pourquoi moi, un Américain, je m’intéresse à la guerre d’Algérie. La question n’a de sens que si l’on pense la guerre comme un conflit ne concernant que les Français. Mais je crois que l’histoire française a encore un sens universel. Elle importe pour le monde entier. Si nous pouvons commencer à nous rappeler la guerre d’Algérie comme un événement historique mondial, je pense que nous pouvons mieux comprendre les origines de notre époque. On pourrait même commencer à imaginer des formes d’appartenance non seulement à une Nation ou à une autre, mais à un monde qui semble se rassembler et se disloquer à la fois. Ce serait une victoire sur nous mêmes.

De la salle

Je suis très contente d’avoir entendu ce qu’on essaie de répéter depuis plusieurs années. J’ai une question pour Ali Haroun. J’ai vécu pendant plusieurs années avec une confidence qui m’a été faite selon laquelle, au Congrès de Tripoli, une âpre discussion aurait opposé ceux qui voulaient faire référence, dans la Constitution algérienne, à la religion d’État et ceux qui ne le souhaitaient pas, dont M. Benyahia. J’aimerais savoir, enfin, la vérité historique à ce propos.

De la salle

Je voudrais rebondir sur le propos de M. Merdaci, qui disait que les Algériens ne connaissent pas leur histoire, en ajoutant que les Français ne connaissent pas leur histoire algérienne. C’est également le cas pour les Français d’origine algérienne, les descendants de l’immigration. Peut-être du fait du silence pudique de leurs parents mais aussi du fait du silence des manuels scolaires.

De la salle

Les Algériens avaient conscience qu’il y avait des Français libéraux qui avaient compris les injustices dont ont été victimes les Algériens et qu’ils défendaient aussi les intérêts des « petits blancs », qui étaient aussi des victimes innocentes et que nous n’oublions pas. Il y avait, parmi ces Français libéraux qui ont participé à la guerre du côté des indépendantistes, des gens qui ont été torturés et qui ont été victimes de l’OAS.

Ceci précisé, je voudrais aussi rebondir sur l’intervention de M. Ali Haroun qui a beaucoup survolé les accords de Tripoli, pour dire qu’on ne peut pas écrire l’histoire de l’Algérie sans se référer aux archives de la révolution algérienne et en les transcrivant fidèlement. Parce que ces archives que j’ai lues en détail, comme les procès verbaux du CNRA, montrent bien les problèmes de la révolution algérienne depuis le début. Il ne s’agit pas de prendre un PV et de le schématiser à l’extrême. S’agissant de la discussion de l’accord des Rousses, il faut savoir que, bien que les accords d’Évian aient été votés, ils ont soulevé le mécontentement des participants et que c’est au CNRA qu’on n’a pas voulu prendre en compte les négociateurs d’Évian, MM. Belkacem et Ben Khadda n’avaient pas l’accord des participants et un procès verbal de carence a été dressé.

De la salle

J’étais à Philippeville au moment de l’indépendance et la foule scandait : « Yahia Ben Khadda ». Et je n’ai pas compris qui l’avait désigné et comment il avait disparu aussi vite, puisque vous avez parlé de Ben Bella dès la fin juillet.

Deuxièmement, et pour rebondir sur l’intervention de M. Connelly, il est souvent dit qu’au moment de la fin de la guerre d’Algérie et au moment des accords d’Evian, le FLN était battu militairement et que l’indépendance est venue à cause des discussions internationales. Je peux vous dire que la presqu’île de Collot où j’étais lieutenant était loin d’être pacifiée au moment du cessez-le-feu, puisque moi-même, qui étais plutôt pour l’indépendance de l’Algérie, j’étais en négociation avec le FLN qui était en face de moi et qui interdisait tout passage dans la presqu’île.

Un officier américain avec qui je suis en relation me disait que les Américains s’intéressent toujours à la guerre d’Algérie et que le film La bataille d’Alger de Pontecorvo sert à préparer les cadres de l’armée américaine dans les écoles d’officiers américaines appelés à intervenir en Afghanistan ou en Irak.

Ali HAROUN

S’agissant de la religion au congrès de Tripoli, je confirme ce qui a été dit. Le procès verbal de ce congrès est consultable aux archives nationales.

Les problèmes idéologiques, religieux et autres ont fait l’objet de la plateforme de Tripoli qui a été rendue publique. Elle se trouve dans les archives également.

En effet, j’ai survolé les archives du CNRA, mais je ne pouvais pas faire autrement en dix minutes.

Ben Khadda a disparu. Pourquoi ?

Abdelmajid MERDACI

Je ne parlerais pas d’archives de la révolution, qui implique un parti pris particulier, mais d’archives de la guerre d’indépendance. Elles sont globalement accessibles aux chercheurs. Elles sont sous scellés au niveau du ministère de la Défense nationale. A chaque colloque ayant lieu en Algérie, les historiens algériens demandent publiquement la libération des archives pour leur permettre de travailler. Une partie des archives a été déposée à la Bibliothèque nationale, notamment grâce à Mohammed Harbi auquel il faut rendre hommage. On a un gros problème pour travailler dans des conditions ordinaires. J’ajoute que le passé est, en Algérie, un enjeu de pouvoir jusqu’à aujourd’hui. Il y a de ce fait une « privatisation de la mémoire de la guerre », des documents, des photos... Voilà les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Gilbert MEYNIER

Ben Khadda, qui était président du GPRA depuis août 1961, a été éliminé à l’été 1962. Simplement parce que l’État major général de l’armée des frontières a pris le pouvoir sur le plan militaire et est venu à bout du GPRA. Tout le monde est d’accord là-dessus.

Sur le fait que l’ALN ait été battue militairement, il faut nuancer. Vous avez raison, Monsieur, de dire qu’il subsistait des unités de l’ALN. Mais elles étaient souvent cachées dans des grottes ou dans des forêts parce qu’elles n’avaient plus d’armes. Je ne suis pas sûr que l’armée des frontières ait beaucoup insisté pour essayer de leur en faire passer.

Matthew CONNELLY

J’ai travaillé, il y a treize ans, aux archives nationales à Alger et en tant qu’Américain, on m’a donné l’autorisation de les consulter. Je suis d’accord sur la nécessité d’ouvrir toutes les archives, y compris en France et aux Etats-Unis.

S’agissant de l’influence de la guerre d’Algérie sur les officiers américains, je confirme. En plus du film de Pontecorvo, beaucoup de livres d’anciens combattants de la guerre d’Algérie ont été traduits et ont une influence certaine dans le développement tactique et stratégique. C’est dommage de se concentrer ainsi sur la tactique militaire, car c’est faire peu de cas de la manière dont les Algériens ont gagné cette guerre sur le plan diplomatique. Les Américains continuent de se concentrer sur les questions militaires au lieu de se concentrer sur les questions politiques.

Amar MOHAND-AMER

Entre juillet et septembre 1962, il y a eu une période de carence des institutions du FLN, du fait de la disparition des institutions nées de la guerre, le GPRA et le CNRA, mais aussi du fait du changement de nature et de statut de l’armée de libération nationale du fait de l’intégration en masse de dizaines de milliers de « marsiens », ces Algériens qui ont rejoint l’ALN à partir de mars 1962, et notamment à partir de juillet, et qui ont complètement changé la nature de l’ALN. C’est important pour comprendre la physionomie de cette année 1962.

Notes

[1] L’affaire Si Salah, appelée opération Tilsitt par l’État-major français, est une tentative de la part du gouvernement de de Gaulle de négocier une paix séparée avec Si Salah commandant et chef par intérim de la wilaya IV pendant la guerre d’Algérie.

[2] Gouvernement provisoire de la République algérienne

[3] Conseil National de la Révolution algérienne.

[4] Fondateur historique de l’OAS.


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