Cette histoire a été masquée par un triple silence :
- celui des nationalistes algériens, promoteur de la thèse de l’adhésion au FLN du peuple entier ;
- celui du clan stalino-gaulliste ( expression de Benassayag), visant à occulter l’échec d’Évian et à dissimuler les massacres de 1962 ;
- celui des Harkis eux-mêmes, accusés d’avoir fait le mauvais choix.
Les critiques des staliniens ont été exprimées par Péju (et d’autres comparses), qui, avec l’approbation de PM de la Gorce, a comparé les supplétifs aux miliciens de Vichy et aux volontaires de la LVF. Convaincus que l’indépendance algérienne était conforme à l’intérêt de la France et à ses valeurs, les gaullistes estiment que les harkis jouaient double jeu et qu’ils n’étaient ni efficaces ni loyaux (Général Buis), que leurs exactions avaient provoqué la haine de la population (de la Gorce), qu’il n’y a pas eu génocide, que le général De Gaulle avait demandé leur reconversion en administratif (Général de Boissieu). Les affirmations mensongères de l’amiral De Gaulle, affirmant que 100.000 harkis avaient rejoint l’armée algérienne et que 240.000 ont été rapatriés, ont été sanctionnées par la Cour d’Appel de Montpellier.
Plus subtiles, les critiques de Vidal-Naquet, de Saliha Abdelatif, de Dalila Kerchouche et de Fatima Besnaci Lancou, cette dernière soutenue par la Ligue des Droits de l’Homme, présentent les harkis comme les victimes du colonialisme, qui, après avoir été parqués dans des réserves d’Indiens, sous la direction dictatoriale de chefs colonialistes pratiquant une stratégie de désintégration sociale (sic) devraient être rééduqués par des psychiatres, afin même de demander pardon au F.L.N. Cette opération, diffusée par les médias, semble commanditée par le F.L.N. qui cherche à récupérer les enfants de harkis. Il convient de mettre en garde les associations contre cette manœuvre.
Les accusations de bagne de la honte, retenues par les parlementaires de droite et de gauche (proposition PS du 3 juin 2004), ont été démenties en leur temps par le Sénateur Heinis et le sociologue Hamoumou. Or de récentes recherches ont mis à jour des documents photographiques qui montrent :
- la restauration des cantonnements de Rivesaltes en décembre 1962,
- la création par l’armée, en 1962-63, à Rivesaltes et St-Maurice-l’Ardoise, de centres de promotion masculine et féminine dispensant formation professionnelle et ménagère, scolarisation et puériculture,
- la fréquentation joyeuse des jardins d’enfants dans ces centres,
- le dévouement exemplaire des monitrices dans les hameaux forestiers. Comme l’écrit le général François Meyer qui a rapatrié 300 personnes dans ces camps : Les harkis étaient heureux parce qu’ils étaient sauvés.
Le libertaire Gilbert Meynier, et dans une certaine mesure Tom Charbit, décrivent les harkis comme des mercenaires, intermédiaires manipulés par l’armée, fruits du hasard et des circonstances, désunis et démunis d’un programme politique. Meynier minimise les massacres de 1962 (qui seraient inférieurs à 10.000), les attribue aux "marsiens", désireux de racheter leur attentisme, sans implication du F.L.N. Il semble ignorer les directives répressives des wilayas qu’il a pu consulter.
Contre ces contrevérités, il convient de rappeler l’opinion de Mohamed Harbi, pour qui ce sont les méthodes répressives et les injustices du F.L.N. qui apparaissent comme les motifs principaux de l’engagement massif des harkis. Leur identité n’a donc pas été forgée après coup, elle est fondée sur l’histoire. Sans doute les harkis n’avaient-ils pas de programme de parti, mais ils se sont engagés politiquement, sous la conduite d’officiers qui les appréciaient, contre le terrorisme et la dictature du F.L.N., et non contre une nation algérienne qui n’existait pas.
Ils sont restés fidèles à leur engagement, leur taux de désertion avant le 19 mars étant inférieur à 2 pour 1000. Ils ont été abandonnés par le gouvernement français, livrés au massacre des maquisards et des attentistes, exilés en métropole dans des conditions indignes. Il convient donc de substituer à la désignation de collabos et de traîtres, celle de résistants au totalitarisme et à la dictature du F.L.N., victimes du fanatisme et non du colonialisme.
Général Maurice Faivre