CONFERENCE DE PRESSE de Monsieur le Général PARTIOT Inspecteur Général des Affaires Algériennes le Mardi 24 Mai 1960
Dans le cadre d’une Information Générale du Public sur les problèmes de l’Algérie, donnée par les Directeurs des Grands Services de la Délégation Générale, le Général Inspecteur Général des Affaires Algériennes a tenu une conférence de presse dont de larges extraits sont donnés ci-dessous : « je ferai tout d’abord un bref historique des Sections Administratives Spécialisées en indiquant la raison de leur création. Je préciserai. Ensuite quelle est leur organisation actuelle, les missions dont elles." sont chargées, quelle est l’évolution de ces missions, et enfin les difficultés rencontrées par les Chefs de SAS dans leur accomplissement……
Suit l’historique succinct dont les phases sont indiquées en abrégé : « En Novembre 1954, la rébellion a donc éclaté, provoquant tout de suite une coupure entre l’Administration et la population, et l’on a compris ’très rapidement qu’il fallait trouver un démultiplicateur des Administrateurs des Communes Mixtes qui jouaient un rôle très important, certes, mais qui ne disposaient pas des moyens nécessaires pour rétablir le contact rompu.
C’est à M. SOUSTELLE, qui était alors Gouverneur Général de l’Algérie, que l’on doit l’idée de création des SAS dont tes premiers éléments été fournis par un certain nombre d’Officiers des A.I. du MAROC, .... C’est ainsi qu’en avril 1955, le Général PARLANGE se rendît dans les Aurès, alors berceau de la rébellion - et avec une équipe d’Officiers des A. !. reprit contact, avec les populations de cette région : les premières SAS. étaient nées….
L’organisation des SAS date de Septembre 1955 ; C’est en effet le 26 septembre Ï955 que M SOUSTELLE prit l’arrêté créant le service de l’Action Administrative et Economique et le Service des Affaires Algériennes,
Au 1er janvier 1956, on comptait 102 SAS, en juillet 1957 520, chiffré passe actuellement à 597….
Suivent ensuite des Indications exposant le remaniement de ces deux Organismes, pour en arriver à l’organisation actuelle :
- Au Sommet : l’Inspection Générale, relevant de la Délégation Générale, et disposant de 2 Services : le Service Administratif des Affaires Algériennes, et le Service du personnel des Affaires Algériennes.
- À l’Échelon des Départements : Un Colonel est l’adjoint du Préfet en ce qui concerne la promotion musulmane, il assure la liaison entre ce dernier et le Commandant de Zone, avec comme moyens un embryon des Services Administrants et du Personnel.
- En dessous : les arrondissements – où un commandant est le représentant de l’Inspection Générale des Affaires Algériennes auprès du Sous-Préfet : il est à ce titre là son adjoint et son principal collaborateur.
- « à la base de la pyramide, on aboutit aux SAS qui sont réparties au nombre de 8 à 10 par Arrondissement et qui permettent au Sous-Préfet de disposer d’autant d’Antennes…..
« Nous nous arrêterons quelques instants sur la cellule de base, la SAS, gui est un organisme important, un organisme de contact. Elle comprend essentiellement le Chef de SAS qui, normalement est un Officier d’active ou de réserve, mais qui peut être aussi un fonctionnaire, son adjoint, également civil ou militaire, trois ou quatre attachés : un secrétaire comptable, un interprète, un radio ainsi que des attachés sociaux dont le nombre varie suivant la mission et l’importance de la SA.S.
La SAS comprend également un Sous-0fficier et un Makhzen de protection et de service d’une trentaine de Mokhaznis….
Quelques indications suivent sur l’Installation matérielle des SAS et son évolution depuis 1956 jusqu’à ce jour, en fonction de la l’assainissement de l’assainissement de la situation….
Il aborde ensuite la mission générale.
« Quelle est maintenant la mission des Chefs de SAS ? C’est comme celle de tous les cadres qui se trouvent en Algérie une mission de promotion de la masse musulmane. Mission assurée par le contact, souci premier des SAS et qui peut être pris à l’occasion d’innombrables tâches : administratives, économiques, sociales, militaires - en un mot toutes celles dévolues normalement aussi bien à l’Administration Civile qu’à l’Armée.
Le général fait alors le point du problème posé par les élections municipales dans le cadre de la loi de 1884 et de la mise en place des Maires élus, à la suite desquels le chef de SAS n’avait aucune position juridique normale vis-à-vis du Maire.
C’est pour pallier cet inconvénient qu’a été signé le décret du 2 septembre 1959 disposant que le chef de SAS est le représentant du sous-préfet auprès du Maire. C’est-à-dire que le sous-préfet lui ,confie les tâches d’ordre administratif, économique,et social qu’il n’est pas susceptible de remplir en personne avec le même soin du détail , l’étendue de l’arrondissement étant trop important pour lui permettre « d’embrayer » directement sur les maires…. »
Après avoir fait remarquer que cette mission est extrêmement variable selon les régions et que la tâche n’est pas la même auprès des municipalités de la Mitidja , qu’auprès de celles des Aurès, du Hodna ou de la Kabylie, l’Inspecteur général a recours à l’image suivante : « … Cette mission peut s’inscrire dans un cercle dont les secteurs sont ceux que j’ai énumérés tout à l’heure : un segment administratif, un segment économique, un segment social, un segment militaire, leur importance étant variable selon l’emplacement…. » et il insiste pour détruire les appréhensions de certains Maires qui croyaient que le Chef de SAS allait empiéter sur leurs attributions, en ajoutant : « ..... le Chef ne SAS est là pour aider le Maire lorsque celui-ci débute dans son rôle auquel cas son action auprès de lui est évidemment beaucoup plus vaste que lorsqu’il s’agit d’une mairie fonctionnant normalement avec un secrétaire de Mairie parfaitement adapté à son travail. Dans ce dernier cas, le segment administratif de la mission du Chef de SAS s’amenuisera au bénéfice du Secteur Social et du Secteur Économique, la tâche n’est jamais terminée. »
Autre preuve s’il en est besoin encore pour relever cette suspicion de l’entrave du Chef de SAS pour le Maire, c’est la mise en place, en Métropole même, de SAT (Sections d’Assistance Technique), non pas pour aider la Maire du XIVe arrondissement par exemple, mais bien pour assurer le contact avec la population musulmane.
Le Général passe maintenant au rôle économique qui trouve son importance dans la mise en œuvre du Plan de Constantine puisqu’aussi bien les ramifications des Services ne descendent pas toujours jusqu’à l’échelon du Chef de SAS, mais s’arrêtent souvent a celui de l’arrondissement, parfois même du département. C’est alors au Chef de SAS avec l’aide des attachés ou des moniteurs qui peuvent être mis à sa disposition qu’il appartient de mettre en application les directives données à l’échelon de l’Arrondissement, ou du Département pour la réalisation du Plan.
Dans cette mission économique et sociale, le Chef de SAS agit avec les moyens dont il dispose, moyens parfois insuffisamment appropries… mais il entreprend immédiatement la tâche à accomplir. ...........C’est ainsi que tes techniciens de l’agriculture, des travaux publics, de l’éducation nationale, etc. viendront progressivement relever les attachés dont disposait le Chef de SAS.
Celui-ci est en quelque sorte un « Maître-Jacques » qui joue son rôle jusqu’au jour où des éléments plus qualifies viennent remplacer ses propres moyes. Cette situation toute d’abnégation concerne jusqu’‘à son propre rôle puisque le jour où il aura suffisamment préparé sa commune- en la personne de son Maire, de son secrétaire de Mairie, de son Conseil Municipal- à la tâche envers les populations, il s’en ira….. »
L’Inspecteur général en arrive à la mission miliaire. « Le chef de SAS est imbriqué dans la hiérarchie militaire pour tout ce qui concerne le maintien de l’ordre, et à ce titre là, il est rattaché au Commandant de Quartier et au Commandement de Secteur de la ZONE.
Il fait ressortir alors les difficultés de la tâche, du fait du rattachement aux deux hiérarchies. « Il est toujours difficile de servir deux maîtres » et souligne l’utilité du Commandant des Affaires Algériennes de l’Échelon de l’Arrondissement dont un des rôles consiste à aplanir les difficultés éventuelles entre le Commandant de Secteur et le Sous-Prétet.
Une note est mise sur l’accroissement possible du rôle militaire de l’Officier SAS (mais non de la SAZ proprement dite) dans certaines régions où la pacification a atteint un degré d’avancement particulièrement marqué (certaines zones d’Oranie notamment) , et où le Délégué Général et le Commandant en Chef ont estimé utile de récupérer du personnel opérationnel et de confier le rôle du maintien de l’ordre aux SAS. Il y a là une solution intéressante, mais qui exige une certaine prudence et naturellement la mise à la disposition du Chef de SAS, de moyens en renfort de ceux normalement prévus dans une SAS, : mais dit-Il « ....il faut éviter que, débordant le cadre du maintien de l’ordre, le Chef de SAS se trouve dans l’obligation de faire des opérations militaires, ce qui nuirait très certainement à sa vocation réelle.
Ceci implique que cette mission totale lui soit confiée uniquement dans les secteurs où la pacification est suffisamment avancée, et d’autre part que tous les moyens nécessaires soient mis à sa disposition.
Après cette première partie de l’exposé, qui a été cadré autour de la SAS « gabarit », le Général indique les variantes de SAS qui ont été mises en place, et dont les missions diffèrent sensiblement de la première. Il cite :
- Les Sections Administratives Urbaines ( SAU), installées dans les agglomérations importantes et dont le rôle administratif est très diminué au profit du rôle social.
- Les SAS nomades, mises en place dans les arrondissements du Sud de l’Algérie, et adaptées par leurs moyens aux tribus nomades.
- Les Antennes de SAS ( il y en a 180 actuellement) qui bien que n’ayant pas d’existence budgétaire, permettent dans certaines régions difficiles (terrain, dispersion de la population) d’étendre la mission pacificatrice de contacts.
Elles sont réalisées par des prélèvements de personnel strictement calculés, sur des SAS ordinaires auxquelles nous nous efforçons de fournir quelques renforts en cadres et. Mokhaznis.
Enfin les SAS de Métropole, de création assez récente et dont la dénomination exacte est : Service d’Assistance Technique (SAT) . Il y en a 3 à Marseille, 2 à Lyon, 6 à Paris (ce dernier chiffre devant être porté à 12 pour l’ensemble Seine et Seine et Oise). Leur rôle est un rôle essentiellement de liaisons entre les Français Musulmans vivant en Métropole et les Services Administratifs Métropolitains.
La fin de l’exposé du Général Partiot porte sur le personnel des SAS : Chefs de SAS, Adjoints, Attachés. Mokhaznis, et notamment sur son recrutement, sa formation, et sur l’avenir du personnel « Attachés », qui, contractuel, n’a pas de débouché normal dans la fonction publique.
Les Chefs de SAS sont Officiers d’Active, de réserve ou des fonctionnaires, dans la proportion de 1/3 Officiers d’Active, 2/3 Officiers de réserve en situation d’activité ou rappelés sur leur demande.
La proportion des Chefs de SAS civils est actuellement insignifiante ; leur recrutement est délicat ; il semblerait normal de faire appel à l’Administration Préfectorale, mais les jeunes sortant de l’E.N.A. ont de suite atteint un échelon qui les place au-dessus du Chef de SAS ; dans le cadre des attachés de Préfecture, on a affaire à un personnel dont la formation et l’âge sont peu adaptés avec le rôle particulier, complexe et varié du Chef de SAS.
Or « …. il est certain, comme je l’ai dit, précédemment que l’évolution de la pacification doit faciliter dans l’avenir la transformation du rôle des SAS en les orientant vers une mission civile, ce qui nous permettrait de recruter plus facilement des Chefs de SAS parmi les fonctionnaires ».
De toute façon, et tant que la mission de maintien de l’ordre sera assumée par le Chef de SAS, le Chef de SAS Civil devra être Officier de Réserve. Dans l’état actuel des choses, l’Armée a donc pourvu la plupart des postes.
En ce qui concerne la formation des Chefs de SAS, l’Inspecteur Général déclare : une longue formation serait nécessaire. Malheureusement, pressés par le temps, nous n’avons pu et ne pouvons encore envisager qu’une formation accélérée pour la majorité de nos cadres ».
Cette formation est assurée par le Cours des Affaires Algériennes, dirigé par un Officier Supérieur, selon deux types :
- le cours de formation proprement dit, de 9 mois, s’adressant aux Officiers d’Activé qui manifestent l’Intention de faire un long séjour dans les Affaires Algériennes.
- des stages d’un mois, suivis par tous les autres officiers appelés à être chefs de SAS. En un temps aussi court l’enseignement ne peut être que général (les stagiaires qui le désirent peuvent poursuivre l’étude de l’arabe et du kabyle grâce à des cours par correspondance).
Comment pallier cette insuffisance de formation ?
Nous comptons beaucoup sur l’action des Officiers Supérieurs d’Arrondissement, munis d’une solide formation dans le domaine des Affaires Algériennes, pour suivre et guider nos Chefs de SAS.
En ce qui concerne les Adjoints de SAS, leur recrutement s’opère dans diverses catégories de personnels : civils - anciens Sous-Officiers - fonctionnaires ; une proportion très importante est fournie par les jeunes Sous-Lieutenants ou Aspirants P.D.L., issus pour la plupart des grandes écoles et qui constituent un renfort de premier ordre.
Le Général termine sur le personnel des « Attachés des Affaires Algériennes » personnel contractuel, qui s’élève à près de 3.000 agents (dont un nombre important de Musulmans), qui apporte une contribution très efficace aux Chefs de SAS et pour lequel un effort est fait actuellement pour essayer de lui ouvrir des débouchés dans la fonction publique.
« …Je crois avoir fait maintenant, Messieurs, à peu près le tour de la question. J’aimerais que vous reteniez de tout ceci, que le rôle du Chef de SAS est particulièrement exaltant.
Au contact de la population, le Chef de SAS doit voir grandir l’attraction de cette population vers la France. A mon avis, il est l’un de ceux pour lesquels la question de l’autodétermination se pose de la façon la moins angoissante car il doit constater chaque jour le progrès accompli. J’ai l’exemple de nombreuses SAS dont les débuts ont été durs : la population ne venait pas….. Aujourd’hui, elles sont débordées ........ » .