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Avec un tableau noir et un fusil…

jeudi 3 mars 2011, par Jean PILCHEN

Article publié en 1973 dans Historia Magazine N° 281 (pages 1962 à 1965). Le contenu de cet article m’a été indiqué par un ancien chasseur du 27. D’après la photo, l’enseignant était sans doute en poste à Mahagga où avait été apprivoisée une mascotte appelée Victorine.


Des groupes se forment sous les hangars du 16e dragons à Haguenau. Nous partons pour l’Algérie. Une partie de notre section est mutée dans les chasseurs alpins, mais nous ne connaîtrons notre affectation exacte qu’à Marseille. Des gradés « chasseurs » sont venus nous prendre en main. Strasbourg, Marseille, Alger, Tizi-Ouzou, Azazga...

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Azazga, commune mixte du haut Sebaou, à la lisière de la forêt de Bou-Hini.

Au-delà de cette petite ville commence notre aventure : nous entrons dans le secteur du 27ème bataillon de chasseurs alpins. La montagne est proche, le paysage est sauvage. Des poteaux télégraphiques sciés le rendent plus hostile encore.

La bonne planque

Ifigha, P.C. de notre bataillon. Les camions et les gens pataugent dans la boue. Nous aurons le temps de nous reposer ici.

  • II n’y a pas un instituteur parmi vous ?
  • Si, moi, ai-je répondu. Le commandant m’a désigné pour faire la classe à Haoura.
  • Tu verras, c’est une vraie planque ! Instituteur en Algérie, c’est la belle vie. Le barbu qui m’a interpellé est lui-même instituteur à l’école du village. Il m’apprend qu’il est « quillard ». Il me présente à son compagnon, un autre instituteur, de la même classe que moi, arrivé depuis une quinzaine de jours seulement. Le contact avec la compagnie est pris, il ne faut pas attendre longtemps pour que naisse l’amitié. Les anciens nous accueillent. Ils sont sympathiques. L’ambiance est excellente.

Cependant, mon sort n’est pas réglé. Trois collègues travaillent déjà ici. En attendant mon affectation, je reste quinze jours en section. Pas assez pour faire connaissance avec la guerre, suffisamment pour m’apercevoir de la chance que j’ai d’être un « planqué » : pas d’opérations, peu d’ennuis type « caserne » et la satisfaction d’accomplir une tâche utile, tout en apprenant à connaître un peuple dont j’ignore tout.

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Mahagga
Un petit poste militaire comme il y en a tant en Algérie. Quatre murs de vieilles pierres.

Mon premier contact avec la classe n’est pas très convaincant. Quelques chahuteurs s’emploient à me faire comprendre que ma place n’est pas ici. Il me faut crier plus fort qu’eux et - hélas pour la pédagogie ! - appliquer quelques gifles.

La connaissance ainsi faite et une estime relative établie sur la base d’une méfiance partagée, il faut passer au travail. J’ai entre trente et quarante élèves le matin et autant l’après-midi. Il ne s’agit pourtant là que d’une fraction des enfants d’âge scolaire du village.

L’école a débuté au mois d’octobre. Les enfants apprennent à lire. Les garçons font des progrès, mais les filles restent amorphes. Elles ne s’intéressent à rien de ce que je leur raconte : ce n’est pas facile de se faire comprendre. Les classes se font à l’école coranique qui existait avant notre arrivée. Les tables et les sièges ont été « récupérés » dans les villages environnants. Les cahiers et tout le matériel scolaire nous sont fournis gratuitement (mais parcimonieusement) par la S.A.S. de la compagnie voisine. Une escorte de cinq ou six militaires en armes nous accompagne au village. Sa mission est de protéger l’école. Moi-même, je dois, suivant le règlement, porter une arme. Au bout de quelques semaines, j’oublierai le règlement. L’arme, symbole de guerre et de mort, établissait un mur entre eux et moi. En la quittant, j’ai montré que, moi aussi, j’avais confiance. Je ne travaillais pas contre une population, mais pour elle, dans ce qu’elle avait de plus cher : ses enfants. Je suis vite récompensé. On ne me regarde plus comme un ennemi, un sauvage. Même les militaires d’escorte commencent à être appréciés : les femmes, pourtant si craintives d’ordinaire et qui fuyaient à notre approche, osent venir maintenant jusqu’à l’école et me présenter leurs jeunes enfants. Nous avons l’impression que personne ici ne nous veut du mal. Mieux, on nous avertit d’un danger possible. Un matin, une femme nous a fait signe, du village, de retourner au camp : sans nul doute, ce jour-là, il y avait du danger.

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En Kabylie, la plupart des enfants sont sous-alimentés,
surtout à la fin de l’hiver, lorsque les maigres réserves sont épuisées. Dans les écoles, on leur sert un repas.

Ce jour-là, j’ai compris qu’il aurait fallu très peu de chose pour que la confiance renaquît entre Algériens et Français. Il y avait tant à faire : éduquer, soigner, nourrir, vêtir ! J’avais espéré la paix, mais c’était la guerre. Ceux-là le savaient bien, qui en souffraient dans leur chair et dans leur âme.

Après plusieurs mois, je dois quitter le village pour installer ma classe sous la tente près du camp. Mon camarade Charles reste au village. Lorsque nous nous « partageons » nos enfants, je prends les plus jeunes. Je les trouve plus spontanés, tandis que les grands, meilleurs élèves pourtant, se livrent difficilement. Il n’est pas rare que l’un d’eux se révolte, conteste notre manière d’enseigner.

Les filles, surtout, manifestent leur indépendance d’esprit. Fatima est la plus âgée. Elle a pour camarades inséparables Yamina et Taklit : elles arrivent à l’école ensemble et s’installent, ensemble, à des places voisines. Fatima est travailleuse et intelligente. Elle fait des progrès remarquables et ne tarde pas à rattraper les meilleurs garçons. Elle est la « meneuse » du groupe des grandes filles : ses gestes sont imités par toutes les autres. Qu’un militaire indiscret s’avise de jouer au « paparazi » : Fatima a vite fait de le repérer et, tels des cabris, toutes s’échappent.

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Mens sana in corpore sano
Dans la cour d’une école, des « grands » jouent au volley-ball. Dans les écoles tenues par l’armée, le matériel, en principe, est fourni par les S.A.S.

Nous aimons faire « endiabler » ces fillettes. Nous leur chipons leurs fichus (elles détestent aller tête nue), nous les poursuivons autour de l’école, nous intervenons dans leurs jeux... Les mots qu’elles nous lancent alors ne sont sans doute pas des compliments, mais nous ne comprenons pas la langue kabyle ! L’important est que le sourire fleurisse sur chaque visage. Pour ces enfants nous ne sommes pas des militaires. Nous travaillons ensemble, nous jouons ensemble, enfants parmi les enfants, nous sommes des leurs.

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Ces petites filles bien sages écoutent leur maître : un soldat instituteur.
Le nombre des écoles primaires tenues par l’armée va passer de 500 à 850 entre le printemps de 1958 et celui de 1959.

Pour eux, nous ne sommes pas des militaires. Ils nous appellent « le maître », que ce soit en kabyle ou en français. Que de fois ils nous ont dit à l’arrivée en classe : « Maître, les soldats sont venus ce matin chez nous, ils ont cassé la porte de la maison, ils ont photographié tout le monde, même ma mère qui ne voulait pas. » Comment leur expliquer qu’un recensement de la population du village avait été ordonné, et pourquoi ? À leurs yeux, nous devons être, en quelque sorte, des arbitres ; lorsqu’un grand bouscule un petit, ils comptent sur nous pour rétablir la justice et aussi empêcher ces soldats, souvent brutaux, de mal agir. Comment ne pas décevoir cette confiance, comment leur faire comprendre que nous avons d’autres devoirs que ceux d’un instituteur, que notre morale est différente de la leur ?

Un garçon sensible et attachant

À la compagnie, nous participons peu à la vie militaire : seulement la garde de nuit à assurer régulièrement ; pas d’opérations, pas de patrouilles, pas même de corvées — ce qui nous vaut une certaine animosité de la part de quelques camarades. Certains nous critiquent ouvertement :

  • Vous verrez, dans quelques années, vos petits bougnoules deviendront des fellaghas. Ils nous tireront dessus ! Déjà peu appréciés de nos camarades, nous le sommes moins encore des autorités militaires. Nous faisons, ici, notre métier civil, comme on nous a appris à le faire.

Combien difficiles étaient les visites que nous faisaient, régulièrement, les généraux ou colonels de passage (le capitaine, tout en n’admettant pas, au fond de lui-même, notre attitude, ne manquait pas de leur montrer l’école ; « Voyez le bon travail de pacification que nous fournissons ici. ») Comment se mettre au garde-à-vous en présence de nos élèves devant ces officiers supérieurs ? Aux yeux des gosses, nous valions plus que n’importe quel gradé. La discipline militaire m’imposait, certes, les « marques extérieures du respect », mais vis-à-vis des enfants, elle constituait un manquement à mes devoirs ; n’auraient-ils pas été en droit de m’accuser de ne plus être leur « maître » puisque j’obéissais à d’autres, à ceux qui étaient les ennemis craints de leurs familles ?

Nous sortons, maintenant, assez régulièrement avec nos camarades. Un dimanche matin, je rentrais de patrouille avec ma section, lorsque le lieutenant décida de nous faire passer par le village d’Haoura. Voilà que l’un de mes élèves, Salas, un garçon sensible et attachant, surgit d’une ruelle étroite. Il reste stupéfait en me reconnaissant. Je lui dis bonjour. Rien ! J’insiste. Toujours rien ! Il me faut continuer, rattraper la section. J’accélère le pas. Gêné, il tourne la tête. Le lendemain, Fatima me dit :

  • Hier, toi aussi, tu as brûlé des maisons et frappé des femmes...

Pourquoi m’aurait-elle cru plus que ses frères ou ses oncles fellaghas ? En définitive, elle en arrivait à ne plus croire personne et à mépriser autant les uns que les autres. Cependant, jour après jour, la classe continuait. En été, la chaleur est difficilement supportable sous la tente ; il fallait en relever les bords le plus possible, pour avoir l’illusion d’un peur d’air. Résultat : au premier coup de vent, les feuilles des cahiers s’envolaient.... La tente complètement fermée, impossible d’écrire ou de lire, faute de lumière

Ils venaient pieds nus et en haillons.

En hiver, nous devons faire ronfler au maximum nos poêles, qui ne suffisent pas à réchauffer l’ensemble de la classe et brûlent les enfants serrés à proximité, autour des tables, et assis sur des chaises en équilibre instable sur le sol meuble. Pour leur procurer un minimum d’éclairage, j’ai « récupéré » en fraude quelques lampes à acétylène, d’un fonctionnement dangereux et imparfait... Ardoises, crayons, cahiers, livres, autant de problèmes. Les crédits ont bien été prévus pour le fonctionnement de l’école, mais... l’officier S.A.S., qui centralise et répartit le matériel à acheter, favorise l’école, coquette et moderne, qu’il a fait construire dans le village voisin. Mes réclamations restent sans réponse.

Toujours à la hauteur

Je décide, alors, d’écrire directement au lieutenant S.A.S., en même temps qu’au P.C., pour dire notre « étonnement » devant cette situation, sans passer, évidemment, par la voie hiérarchique. Le résultat ne se fait pas attendre. Le P.C. a dû rappeler l’officier S. A.S. à l’ordre. Quelques jours plus tard, il monte à la compagnie. Il est indigné, scandalisé, il ne peut admettre qu’un deuxième classe ait eu l’audace et l’impolitesse de fouler à ce point le règlement. Il est de ces hommes qui ont toujours raison !

Pendant tout mon séjour en Algérie, j’ai dû lutter ainsi pour arracher du matériel aux autorités chargées de le répartir. Quand il arrivait, c’était trop tard, ou alors, en trop petite quantité. Heureusement, je recevais, régulièrement, des colis de France. Sans cette aide extérieure, combien de fois aurais-je dû laisser mes élèves rentrer chez eux faute des fournitures les plus élémentaires !

J’étais de plus en plus satisfait des progrès de mes enfants. Maintenant, la plupart savaient lire, résultat appréciable, compte tenu de nos difficultés ! En calcul, les progrès étaient plus nets encore. Le Kabyle est intelligent. Il a le sens du commerce et, partant, jongle volontiers avec les chiffres. Bien vite, les enfants connurent le maniement des opérations et apprirent même à résoudre des problèmes d’arithmétique élémentaire. Ils perfectionnaient aussi, rapidement, leur français. Lorsque j’avais à m’entretenir avec un homme du village, ignorant notre langue, je me faisais accompagner par un de mes garçons : celui-ci se montrait toujours à la hauteur. Les enfants étaient avides de savoir. Ils manifestaient une réelle bonne volonté dans tout ce qu’ils faisaient et pour tout ce que je pouvais leur demander. Il me fallait souvent des volontaires pour des petits travaux d’entretien ou de propreté de notre « classe ». Dès que j’en demandais deux ou trois, tous les doigts se levaient. Je n’ai jamais revu une telle spontanéité ni une telle ardeur dans mes classes en France.

Quelquefois, il me fallait abandonner mes gosses pour retourner au camp. Je partais sans inquiétude. Avec cinquante élèves, il aurait pu y avoir un chahut monstre, mais j’étais sûr de les trouver continuant à faire sagement les devoirs écrits que je leur avais demandés.

Il n’y avait pas que de bons moments. C’est ainsi que je constatais, assez fréquemment, des vols. Des crayons, des fournitures scolaires, des bonbons disparaissaient. Je retrouvais ces objets dans les poches d’un élève ou, plus souvent, enterrés dans la cour, en attente d’un moment propice à leur récupération : le Kabyle, m’a-t-on assuré, serait voleur de nature... Cependant, je n’ai jamais remarqué de vols importants. Il m’arrivait de laisser, dans le tiroir de ma table, mon appareil photo, mon stylo ou d’autres objets auxquels je tenais. Un élève aurait pu s’en emparer facilement et emporter, à mon nez, son butin sous son burnous. Jamais pareille chose ne s’est produite. Jamais le plus petit larcin n’a été commis à mon détriment. Là aussi, des résultats positifs ont été obtenus. Mais, à mes yeux, ma tâche ne s’arrêtait pas à l’instruction et à l’éducation.

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Ronde avec les petites filles, plus attentives au jeu généralement qu’à l’étude
Dans leurs guenilles kabyles, ces fillettes sont charmantes.

Je voyais les enfants venir en classe en haillons et le plus souvent pieds nus. Je savais qu’ils étaient affamés ou, plus exactement, sous-alimentés. En Kabylie, vers la fin de l’hiver, les réserves sont presque totalement épuisées et les coffres à grain sonnent le creux.

A la récréation, ils n’avaient pour se sustenter qu’un petit morceau de galette rassie et moisie, ou bien ils croquaient des glands... Souvent, ils arrachaient l’herbe dans les barbelés et la mâchaient lentement pour couper la faim qui les tenaillait. Avec mes camarades, nous avons lancé des S.O.S. à toutes nos connaissances en métropole. Un jour, les colis ont commencé à arriver. C’était fête lorsque je pouvais déposer sur ma table les paquets de vêtements et les déballer devant les yeux émerveillés de mes enfants. Je tenais des fiches afin que les lots fussent répartis équitablement et en fonction des besoins de chacun. Évidemment, les petites filles, attifées à l’occidentale, n’avaient plus le même charme ni la même grâce que dans leurs guenilles kabyles : il ne s’agissait d’ailleurs pas de les franciser, mais de les protéger contre le froid.

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De métropole, des colis sont arrivés.
. L’instituteur a pu vêtir les enfants de son école. La casquette de travers, un sourire gavroche aux lèvres : un vrai « titi kabyle »

« De vrais sauvages »

Le problème de la faim fut résolu d’une autre façon. Au début, je m’étais adressé à l’officier S.A.S., qui m’avait envoyé des boîtes de lait en poudre, du sucre et du fromage américain, de quoi donner à chacun la valeur d’un grand verre de lait par jour. Il nous avait aussi promis du pain, mais la promesse, comme tant d’autres, n’eut pas de suite. Il fallait chercher autre chose. - Cette autre chose était là et j’étais bien coupable de ne pas l’avoir découverte alors qu’elle me crevait les yeux et le nez.

Les cuisines de la compagnie regorgeaient de vivres. Les repas étaient si copieux, qu’il y avait toujours quantité de restes qui allaient directement à la poubelle avec les autres détritus. Des camions déversaient ces ordures dans un oued à deux cents mètres du camp. Les enfants attendaient l’arrivée des poubelles malodorantes et se précipitaient pour ramasser qui, un morceau de pain taché de vin rouge, qui, une chaussure usagée et souillée.

Faute de mieux, je me suis entendu avec les cuisiniers pour récupérer tout ce qui était récupérable. Les cuistots s’étaient pris au jeu et me gardaient toujours un maximum. A table, dans les chambrées, les militaires de corvée suivirent le mouvement, me proposant avec insistance les fonds de marmite (proposition peut-être égoïste, puisque cela leur épargnait la peine de les laver, tant mes enfants étaient ardents à gratter le métal).

Je dois dire qu’au début les petits montrèrent une certaine répugnance devant cette nourriture nouvelle pour eux. Mais la faim étant la plus forte, ils ne tardèrent pas à modifier les habitudes acquises... et même à rapporter de la tambouille à la maison. On se doute que les couverts manquaient. Les gosses dévoraient. Ils mangeaient avec leurs doigts, et des boîtes de conserve vides tenaient lieu d’assiettes, ce qui choquait certains de mes compagnons : « De vrais sauvages ! »

Vexé, j’ai écrit en France et, bientôt, j’ai reçu tout un échantillonnage de cuillers et de fourchettes. Sans pression d’aucune sorte, les enfants se servirent de ces ustensiles en personnes civilisées.

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Dans la plupart des maisons kabyles, on ignore le savon
L’instituteur apprendra aux enfants à se laver et à laver leurs vêtements. Ici, bain collectif.

Autre problème, les gosses étaient sales : il n’y avait pas, au village, le moindre morceau de savon. Une fois de plus, j’allai pleurer chez l’officier S.A.S. Non sans difficulté - il n’y avait pas de « précédent » — il m’en procura, et même des quantités incroyables. À partir de ce moment, mes enfants se lavèrent. Mieux, ils apprirent à laver leurs vêtements. Il fallait les voir, garçons et filles, frottant et faisant leur lessive avec enthousiasme sur les bancs et les tables de la classe. On eût dit que la propreté faisait partie de leur nature. Leur santé était souvent déficiente. Au moment de la cueillette des figues, notamment, presque tous attrapaient une maladie des yeux. Impossible d’attendre d’eux des progrès scolaires dans cet état.

Le médecin de la compagnie se solidarisa avec moi. Une infirmerie fut installée près des barbelés entre le camp et le village. Les gens du douar venaient librement consulter le docteur, les mères surtout, soucieuses de la santé de leur progéniture.

Le « toubib » était d’une rare conscience et se tenait, jour et nuit, à la disposition de ses malades. Au début, .il n’avait pas d’infirmier. À tour de rôle, mon camarade Charles et moi-même venions l’assister. Le travail ne manquait pas, et il fallait avoir le cœur bien accroché... La confiance me paraissait solidement établie quand, un jour, il n’y eut plus personne, ni à l’école ni à l’infirmerie. Un mot d’ordre du F.L.N., certainement, qui a été la cause de souffrances plus grandes et de morts plus nombreuses, peut-être, que bien des combats que nous lui avons livrés ! La guerre n’était pas encore perdue, mais je n’avais pour ma part, malheureusement, pas gagné « ma »paix.

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Portrait d’un jeune instituteur.
Le nombre des élèves des soldats instituteurs passera de 38 000 à 70 000 en un an.

D’après Jean PILCHEN


Message reçu le 10 septembre 2016.

Bonjour Mr Grandjacques, j’ai récupéré dans les affaires de mon beau frère (décédé) quelques photos de l’époque où il était instituteur au poste militaire de Haoura. Jean Pilchen (c’est son nom) a servi de mars 57 à fin 58 comme instituteur à la 1° compagnie du 27° BCA. Je tiens ces photos (enfants) à votre disposition si vous le souhaitez....

Bonjour Manuel.

Merci pour le contenu de votre message. Je suis bien entendu preneur des photos de votre beau-frère . Elles compléteront l’article figurant sur le site Je ferai également un lien avec l’article d’Armand Comte. http://www.miages-djebels.org/spip..... Bien cordialement

Claude

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3 Messages de forum

  • Avec un tableau noir et un fusil… 8 avril 2016 23:11, par Paul Mansion

    Bravo Jean, tu peux être fier du travail que tu as réalisé en faisant l’école aux Kabyles. Paul Mansion ancien du 27, classe 59 1b. Ait Issad.

    • Avec un tableau noir et un fusil… 9 août 2018 17:43, par ajoritAziza LOULOU .

      C’est dans ce bain "classe-guerre" que ma génération a évolué dans la majorité des écoles de la haute Kabylie (Algérie) Notre instituteur ,monsieur Scheider et son collègue Tafani chargé des classes des petits enseignaient souvent l’arme à l’épaule ,rarement déposée au coin ,derrière le bureau ,volets de la fenetre fermés .Jusque au jour où nous nous sommes séparés ,sans se dire au revoir ,suite à un accrochage ,pendant que nous étions en classe,avec ceux que l autorité française appelait "fellaghas".Point de victimes du coté des belligérants ;mais l’incident ota la vie à un camarade de classe agé à peine de 1O ans et envoya un second à l’hopital pour blessure à la cuisse .Les innocents ont payé !!! C’était à Agouni Ahmed ,école dont a parlé longtemps ROUBY RENE , dans la commune de Beni Yenni que tentait de controler la 1ère compagnie du 7è BCA (batillon de fer et d’acier). C’était en1960/1961 .Souvenirs d’enfance . N B : Les noms des instituteurs peuvent etre mal orthographiés

  • Avec un tableau noir et un fusil… 9 octobre 2016 16:38, par HUSSON

    Merci aux soldats instituteurs. Votre travail m’a permis d’avoir 60 ans plus tard un accueil chaleureux des vieux Kabyles (enfants à l’époque) au français que je suis.


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